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Quand le féminisme se fait méprisant

 Geneviève St-Germain et Sophie Durocher
Geneviève St-Germain et Sophie Durocher

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Tant et aussi longtemps que nous nous entendrons toutes et tous sur la mission fondamentale du féminisme, soit l’atteinte de l’égalité entre les hommes et les femmes, qu’il existe autant de féminismes qu’il y a de femmes n’affaiblit pas le mouvement, au contraire.

Les femmes ne sont pas toutes pareilles. Nous LA femme, ça n’existe pas. Pourquoi alors se contenter d’un féminisme de taille unique ?

Soyons sérieux : est-ce que quelqu’un pense vraiment que Lise Thériault est opposée à l’égalité hommes-femmes parce qu’elle se dit égalitariste ? Perso, je trouve son approche réductrice mais, ministre de la Condition féminine ou pas, elle a le droit d’avoir un point de vue qui corresponde à ses valeurs à elle, tant qu’elle ne prêche pas contre les droits des femmes.   

Je n’en reviens pas d’entendre et de lire toutes ces harpies qui voulaient lui clouer le bec parce que son féminisme, qui inclut les hommes, ne correspond pas au féminisme de combat personnifié par Lise Payette, par exemple.

Vous pensez que Lise Thériault exagère quand elle plaide pour l'inclusion des hommes  ? Une marche féministe a eu lieu à Québec dimanche. Environ 200 personnes y ont participé, dont la moitié était des hommes. Au terme de la manifestation, on avait organisé un repas réservé aux femmes seulement.

Selon une des porte-paroles, «parfois, entre femmes, on a besoin de discuter de ce qui nous appartient vraiment».

J’imagine un homme dire et faire la même chose...

Mais je digresse.

La liberté d’être

J’ai toujours cru que la plus grande victoire du féminisme, la pierre angulaire qui soutient tout l’édifice de l’égalité hommes-femmes, est la liberté de choisir et de décider ce qui est bon pour nous.

La liberté d’être ce que nous avons envie d’être, de faire ce que nous avons envie de faire et de dire ce que nous avons envie de dire.

La liberté de demeurer à la maison pour s’occuper de la famille ou de diriger une multinationale.

La liberté de porter des robes sexy et des talons hauts ou des ponchos en terre cuite et des sandales en babouche.

La liberté d’avoir des enfants, ou pas. De se marier, ou pas. De s'afficher straight ou gay.

La liberté de défendre la liberté des femmes qui portent le voile et la liberté d’être contre un signe d'oppression.

La liberté d’être éco-féministe, anarcho-féministe, socialiste-féministe, féministe radicale, féministe culturelle, féministe altermondialiste,  féministe postmoderne, féministe libertarienne, féministe comme Madonna, Beyoncé, Sheryl Sandberg ou Lady Gaga.

Nous refusons que les hommes nous disent quoi faire, comment penser et quoi dire mais nous accepterions l’imposition d’un féminisme taille unique, façon bien-pensance, par des gouroutes auto-proclamées dont la liste des accomplissements est plus courte que les spectaculaires robes de Marie-France Bazzo ?  

L’an dernier, j’ai entendu une des jeunes stars du nouveau féminisme, Aurélie Lanctôt pour ne pas la nommer, expliquer à l’animatrice de radio Catherine Perrin que les femmes qui réussissent  dans le milieu des affaires et qui gagnent beaucoup d’argent font de tristes féministes. Grosso modo, une vraie féministe doit combattre le capitalisme, source de tous les patriarcats.Pas question de diriger Desjardins ou Ford et de garder la tête haute. C'est désolant.

Ça prend une belle tête d’œuf pour dire aux jeunes femmes que l’ambition de devenir cheffe d’entreprise et d’atteindre l'aisance financière pour elles et leurs familles n’est pas si souhaitable que ça, au fond. Qu’il s’agit en réalité d’une trahison des idéaux du mouvement des femmes.

Dîner de cons à Tout le monde en parle

En parlant de trahison, hier à Tout le monde en parle, nous avons eu droit à un désolant spectacle qui noircit pour moi le 8 mars 2016 à tout jamais.

Ma collègue Sophie Durocher et Geneviève Saint-Germain avaient été invitées à débattre du féminisme. Deux femmes fortes en gueule et en opinions.

Sophie s’est portée à la défense de la liberté d’être féministe chacune à notre manière, et non pas seulement comme les gardiennes de l’orthodoxie de gauche le prescrivent.

Geneviève Saint-Germain ne s’est pas contentée de défendre sa version du féminisme, ce qui est de son droit le plus strict – et elle a dit plein de choses sensées - mais de le faire en affichant un mépris total pour son interlocutrice, en faisant des grimaces, en passant des remarques désobligeantes directement à la caméra, en se moquant d’elle ouvertement. Je n’ai jamais rien vu de tel à la télévision québécoise.

Sophie Durocher, c’est quand même pas Guy Turcotte !

Et ça vient nous faire la morale sur la solidarité...

Si j’ai bien compris la leçon, une femme qui ne prie pas à l’autel du féminisme de madame Saint-Germain ne devrait pas avoir le droit de s’exprimer ? A-t-elle au moins le droit d’exister ? (Même chose pour le texte méprisant de Nathalie Petrowski sur l'errance de Marie-France Bazzo qui refuse l'étiquette féministe.)

Je serai crue : c’était laid hier soir de voir une féministe ramer si fort pour rabaisser une autre femme pour raison d’incompatibilité d’opinions. Je ne sais pas comment Sophie Durocher a fait pour demeurer aussi calme.

Annoncé comme un débat d’idées, ce dîner de cons a fait plus de tort à la cause des femmes que les déclarations d'une ministre qui se dit féministe à sa manière. C'était insupportable.

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