Des élèves qui lui font peur
Menacé de mort par un élève, cet enseignant d’expérience a dû prendre un arrêt de travail de trois ans
Michel Laforge l’avoue franchement: même après 23 ans d’expérience comme enseignant, certains de ses élèves lui font peur.
«Ce que j’entends, ce que je vois depuis quelques années, c’est une augmentation de la fréquence des actes de violence. Il y a 15 ans, c’était les gangs de rue. Aujourd’hui, c’est plus malicieux; les élèves font du mal sans même y penser», affirme M. Laforge, qui enseigne les sciences dans une école pour les adolescents raccrocheurs de Montréal.
Menacé de mort
En 1998, Michel Laforge a eu la surprise de sa vie lorsque son directeur adjoint a débarqué dans sa classe d’une école secondaire de Montréal pour lui demander de sortir immédiatement. «Ma vie était en danger. Un élève avait menacé de me “passer”. Il était associé aux gangs de rue», raconte M. Laforge.
Traumatisé, ce dernier sera en arrêt de travail pendant plus de trois ans. Ce genre de cas est beaucoup moins fréquent aujourd’hui, admet M. Laforge.
«Maintenant, on a plus souvent de petits épisodes de violence. Encore récemment, un élève m’a blessé volontairement lors de la manipulation d’une seringue. Un autre a lancé un pupitre dans les airs pour m’intimider parce qu’il n’était pas content de sa note», illustre-t-il.
Les enfants-empereurs
Le phénomène des enfants-rois empire les choses, reconnaît M. Laforge. «On ne parle même plus d’enfants-rois. Ce sont des enfants-empereurs. C’est le règne du je-me-moi. Quand ça ne fait pas leur affaire, la frustration arrive rapidement.»
La banalisation de la violence fait craindre le pire à l’enseignant. «Elle est où, la limite? J’aime mon métier, mais il faut que le gouvernement fasse quelque chose. On attend quoi? Qu’un enseignant soit tué?»
En attendant que les «choses changent», comme il le dit lui-même, Michel Laforge refuse d’accueillir des stagiaires en enseignement dans sa classe. «La formation qu’ils reçoivent est totalement inadéquate pour faire face à la violence. Ils ne sont pas prêts à faire face à ça. Je ne peux rien faire pour eux.»
La violence au primaire
73,7 % des membres du personnel scolaire affirment être la cible au moins une fois par année scolaire d’impolitesses ou d’insultes de la part d’élèves
12,2 % sont victimes de bousculades, 12,2 % de coups, 11,9 % de menaces et 5 % de fausses rumeurs ou de propos humiliants
La violence au secondaire
66,9 % des membres du personnel scolaire affirment être la cible au moins une fois par année scolaire d’impolitesses ou d’insultes de la part d’élèves
11,4 % sont victimes de rumeurs ou de propos humiliants à l’école, 11,4 % de menaces, 7,1 % de bris d’objets personnels, 6,7 % de bousculades intentionnelles, 6,4 % de propos ou gestes à connotation sexuelle et 4,4 % de messages humiliants sur internet.
Source: Portrait de la violence dans les établissements d’enseignement du Québec, SÉVEQ (2014)