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Faut-il suicider les vieux?

Faut-il suicider les vieux?
photo d’archives

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À Ottawa, on discute de l’aide médicale à mourir.

Alors que le débat avait été à peu près apaisé à Québec, il divise clairement les parlementaires fédéraux.

C’est très bien.

Il n’est pas normal qu’une société soit toujours consensuelle. L’unanimité est généralement un mensonge forcé.

Mieux vaut avouer franchement ce qui nous divise que feindre un consensus de façade.

Alors la question est de nouveau posée: est-ce que le suicide assisté est vraiment un droit fondamental?

Euthanasie

Est-ce que notre système de santé doit le rendre concret et aider ceux qui le veulent à en finir avec la vie lorsqu’ils la jugent devenue insoutenable?

Est-ce que tuer un malade qui le demande doit vraiment être considéré comme un acte médical? Car telle est l’euthanasie, si on parle honnêtement.

Nous sommes devant une question philosophique. Différentes conceptions de la dignité humaine s’affrontent.

Mieux vaut avouer franchement ce qui nous divise que feindre un consensus de façade. 

Est-ce que la vie vaut la peine d’être vécue jusque dans ses derniers moments? Ou vaut-il mieux la quitter lorsqu’elle n’est plus que souffrance?

C’est l’éternelle question du suicide, qui hante toutes les civilisations. Nous avons toutefois l’originalité de banaliser le suicide, d’en faire non plus un acte exceptionnel, mais un droit assuré par l’État-providence.

Malheureusement, on ne peut détacher cette question de celle de notre rapport avec les aînés, de notre rapport aussi aux vieux jours.

Souvent, nous cachons nos vieux lorsqu’ils deviennent encombrants. Nous les parquons dans des centres où on se fait croire qu’ils sont heureux à jouer aux dominos avec d’autres vieillards.

Il arrive aussi qu’on les enferme dans des CHSLD miteux où ils seront lavés de temps en temps et visités une fois l’an.

C’est un peu comme si on envoyait le message suivant: la vieillesse est une honte, il faut la cacher.

Pire encore: si une personne n’est plus autonome, on se demandera comment elle peut vivre dignement.

Dérives

Évidemment, pour l’instant, on veut encadrer l’euthanasie avec des critères très restreints.

C’est une saine prudence de la part de nos parlementaires qui savent qu’ils votent sur une chose grave. Mais on peut craindre que ces barrières tombent au fil du temps.

Dans son magnifique livre La carte et le territoire, l’écrivain français Michel Houellebecq a mis en scène ce que deviendra probablement un jour l’euthanasie.

Les critères pour y avoir droit s’assoupliront peu à peu.

L’individu qui ne tolère jamais qu’on lui dicte sa conduite de quelque manière dira que c’est son droit fondamental d’en finir quand il veut avec la vie, et encore plus s’il a les moyens de s’offrir ce «soin».

Houellebecq imaginait alors qu’on assistera de plus en plus à des suicides par lassitude. La vie, à un certain stade, devient ennuyante.

On compte les jours. Et on se dit: pourquoi ne pas en finir avant d’en venir à uriner involontairement dans sa couche?

Si nous en arrivons là, l’euthanasie aura beau être maquillée en droit de mourir dans la dignité, elle révélera ce qui est peut-être son vrai visage: une forme de barbarie déguisée en humanisme médical.

 

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