L’homme le plus cool du Québec
Tous les garçons voulaient ressembler à Pierre Lalonde
Martineau

Si on devait résumer Pierre Lalonde en un seul mot, ce serait «suave».
«Qui est d’une douceur délicieuse.» (Larousse)
Tout, chez Pierre Lalonde, était suave.
Sa façon de tenir son micro, délicatement, du bout des doigts.
Son phrasé, si particulier (dans sa bouche, tous les mots de la langue française sonnaient comme «shalala»).
Sa façon de bouger, doucement, langoureusement.
Sa coiffure impeccable.
Aucun Québécois n’était plus cool.
Les Américains avaient Perry Como. Nous, on avait Pierre Lalonde.
SE LA COULER DOUCE
Quand j’étais enfant, tous les garçons voulaient ressembler à Pierre Lalonde.
Je me souviens, je me confectionnais un micro en collant une corde à une pile électrique et je faisais semblant d’animer Jeunesse d’aujourd’hui pour faire triper mes cousines.
Même quand le paysage musical a muté et que les auteurs-compositeurs-interprètes ont commencé à remplacer les vedettes du yéyé au petit écran (quand on est passé de Douliou Douliou Saint-Tropez à Comme j’ai toujours envie d’aimer), Pierre Lalonde a continué de représenter l’essence même du cool.
Élégant, galant, charmant.
Suave.
Ce gars-là ne marchait pas: il glissait.
Tu avais beau être déprimé et traverser une mauvaise passe, quand tu regardais Pierre Lalonde à la télé, tu retrouvais tout de suite ta bonne humeur tellement tout, chez lui, semblait facile.
Les filles, l’amour, la vie.
Il était l’équivalent d’un après-midi passé sur le bord d’une piscine, avec une légère brise dans les cheveux et le bruit cristallin des glaçons qui tintent dans le fond d’un verre.
Vivre? Aussi facile qu’un putt au troisième trou.
Tu frappes légèrement la balle, et tu la regardes rouler tranquillement vers sa destination en lançant un sourire à tes partenaires...
Roum dum dum wa la dou, c’est le temps des vacances.
UNE RENCONTRE CATASTROPHIQUE
Je n’ai rencontré Pierre Lalonde qu’une seule fois, et ça s’est très mal passé.
J’étais chroniqueur à l’émission Tous les matins, animée par Paul Houde et Dominique Bertrand sur les ondes de Radio-Canada. Je commentais les nouveaux courants de société.
Quand la maquilleuse m’a appris que Pierre Lalonde serait l’un des invités, j’ai tout de suite appelé ma mère pour lui apprendre la bonne nouvelle et lui dire de ne pas rater l’émission.
Malheureusement, ce jour-là, ne me demandez pas pourquoi, j’ai eu la mauvaise idée de parler de chirurgies destinées à allonger le pénis.
Je voulais montrer qu’il n’y avait pas que les filles qui capotaient sur leur image corporelle, les hommes aussi. La preuve: de plus en plus de gars passaient sous le bistouri pour se faire allonger la quéquette.
Je venais tout juste d’aborder le sujet, que Pierre Lalonde (qui, je l’ai appris plus tard, était très prude) s’est exclamé: «Mais c’est quoi, ça? On est-tu au canal 2, ici, ou au canal 10?»
Puis il a enlevé son micro et a quitté le plateau.
J’étais devant l’une de mes idoles et j’ai fait patate.
En direct.
Pas cool, ça. Pas suave pantoute.
BEAU BRUMMELL, GRAND BONHOMME
Même dans la maladie, Pierre Lalonde est demeuré un gentleman.
Il s’est retiré discrètement de la vie publique, sans dire un mot, sur la pointe des pieds.
La classe. Avec un grand C.