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Les vétérinaires veulent l’empêcher de râper les dents des chevaux

L’Ordre des vétérinaires voudrait qu’il cesse de pratiquer le métier qu’il exerce depuis deux décennies

Yves Jean
Photo Dominique Scali Yves Jean avec un cheval de l’écurie DCGB, à Mirabel. Il a commencé son apprentissage en Floride en 1990. «On devrait travailler ensemble, l’Ordre des vétérinaires et moi. J’aimerais ça faire partie du partage de connaissances», dit-il.

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Yves Jean est en conflit depuis 15 ans avec des vétérinaires parce qu’il est une des rares personnes au Québec à être spécialisée dans le râpage de dents de chevaux sans être membre de l’Ordre.

«Ils me reprochent de ne pas avoir le diplôme de vétérinaire. Mais le but ultime, c’est la santé du cheval. Il ne faut jamais oublier ça», répète Yves Jean, 54 ans.

Se décrivant comme un «homme à chevaux», le résident de Laval fait beaucoup de kilométrage pour offrir des soins dentaires équins d’un bout à l’autre de la province.

Il a commencé comme cavalier dans le monde des courses. Il a aussi été entraîneur, éleveur, palefrenier, énumère-t-il. Il a ensuite suivi une formation en soins dentaires équins aux États-Unis en 1990, mais n’a jamais été formé en médecine vétérinaire au Québec.

Acte réservé?

Même s’il pratique son métier depuis 25 ans, l’Ordre des médecins vétérinaires considère que le râpage de dents devrait être un acte réservé à ses membres et a traîné Yves Jean devant les tribunaux.

Dans une décision rendue en juin, une juge de la Cour du Québec a acquitté M. Jean, qui peut donc continuer à pratiquer son métier. La bataille n’est toutefois pas terminée, puisque l’Ordre a l’intention de porter le jugement en appel.

Ce sont généralement les vétérinaires équins qui donnent des soins dentaires. Or, la dentisterie pour chevaux est une spécialisation qui n’existe pas au Québec, ni en médecine vétérinaire, ni en technique de santé animale, indique le jugement.

Les futurs vétérinaires équins reçoivent de 7 à 11 heures de cours en dentisterie, indique la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

D’où l’importance de l’expertise qu’Yves Jean a développée et qui est selon lui très rare au Québec. «J’en connais deux autres seulement [qui font la même chose]», dit-il.

Risque

Les accrochages ont commencé au début des années 2000. L’Ordre reprochait à Yves Jean d’injecter lui-même un tranquillisant aux bêtes pour procéder au râpage de façon sécuritaire, ce pour quoi il a déjà plaidé coupable par le passé, avoue-t-il.

C’est d’ailleurs dans la sédation, une étape nécessaire, que réside le plus gros risque de laisser des non-vétérinaires râper les dents, estime l’Association québécoise de protection des chevaux. «Si c’est mal donné, ça peut être très dangereux», dit la porte-parole Chamie Cadorette.

Or, si la collaboration était plus facile, M. Jean ne verrait pas d’inconvénient à se coordonner avec des vétérinaires pour l’injection, dit-il. «C’est une compétition inutile», déplore celui qui voudrait échanger avec l’Ordre et la Faculté plutôt que d’être en guerre. «Je voudrais que les étudiants puissent apprendre de mon expérience.»

Puisqu’il porte le jugement en appel, l’Ordre a préféré ne pas commenter.

 

Les bêtes domestiquées doivent être traitées

Yves Jean utilise une lime pour râper les dents des chevaux. Certains vétérinaires utilisent plutôt une râpe électrique.
Photo Courtoisie Yves Jean
Yves Jean utilise une lime pour râper les dents des chevaux. Certains vétérinaires utilisent plutôt une râpe électrique.

L’idée de râper les dents des chevaux peut paraître inusitée, mais cette opération est essentielle à la santé équine.

En effet, si l’alimentation des chevaux sauvages permet à leurs dents de s’user naturellement, ce n’est pas le cas des chevaux domestiques, explique-t-on dans le jugement de juin dernier.

Les dents des chevaux domestiques doivent donc être régulièrement râpées de façon préventive, sans quoi les pointes dentaires peuvent blesser l’intérieur de la bouche de l’animal, explique l’Association des vétérinaires équins du Québec (AVEQ) sur son site web.

«Crème de la crème»

Une mauvaise dentition peut notamment entraîner des problèmes comme une perte de poids et des douleurs à la tête, indique l’AVEQ.

«On observe vraiment la différence. On voit des chevaux qui entrent ici qui sont tout maigres. [Yves Jean] vient, et un mois après, ils sont bien gras», raconte Geneviève Bastien de l’Écurie DCGB, à Mirabel. «Avant que le jugement ne soit rendu, on a eu très peur [qu’il ne puisse plus pratiquer]», dit-elle.

«Yves Jean, c’est la crème de la crème», abonde le copropriétaire de l’écurie, Daniel Bouchard.

Précision

La différence entre les soins que donne Yves Jean et ce que font la plupart des vétérinaires équins? «On est un peu plus agressif dans la réduction des incisives. On va un peu plus loin», explique-t-il.

Une telle opération de râpage coûte entre 60 $ et 150 $. Mais sa principale motivation n’est pas l’argent, assure-t-il. «Voir un cheval lâcher un soupir de soulagement [parce qu’il n’a plus mal], c’est tellement gratifiant».

M. Jean décrit son métier comme un art hyper précis. «Un huitième de pouce peut faire la différence entre un cheval qui va bien et un cheval intenable», illustre-t-il.

 

 

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