Trop de fraises à vendre
La chaleur les a fait pousser en abondance au Québec, mais les agriculteurs peinent à les écouler
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La chaleur a fait pousser tant de fraises dans les champs du Québec cet été que les producteurs ne savent plus qu’en faire, ce qui fait chuter les prix.
Cette abondance entraîne une baisse des prix jamais-vu pour les producteurs. Au Marché central, les fraises d’automne se vendent en dessous du coût de production depuis un peu moins d’une semaine, selon Daniel Racine, propriétaire du grossiste Racine petits fruits.
«Il y a des producteurs qui sont découragés, ils perdent énormément d’argent. Le coût de production est environ 16 $ pour 12 chopines, mais on les a vendues entre 10 $ et 12 $ [hier]», se désole-t-il.
De plus, les consommateurs n’ont pas le réflexe de se tourner vers la fraise d’automne, qui se trouvent sur les tablettes jusqu’en octobre.
«La demande ne suit pas. Les gens ne savent pas que la saison s’étire jusqu’à l’automne. Peut-être qu’ils la confondent avec la fraise de la Californie parce qu’elle est plus grosse et plus ferme que la fraise d’été», se désole Yourianne Plante.
Gaspillage
Mais si cet excédent de fraises sur le marché se maintient, certains agriculteurs pourraient décider de laisser leurs récoltes au champ. Ce ne serait pas aussi avantageux pour les producteurs de trouver d’autres débouchées comme la congélation.
«Si ça coûte plus cher de récolter que de vendre, ce ne serait pas surprenant de voir des producteurs abandonner des champs moins performants», s’inquiète David Lemire, le président de l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec.
Ce surplus de petits fruits est aussi lié au printemps tardif, ce qui fait que toutes les régions de la province récoltent à peu près en même temps, selon David Côté, producteur à Saint-Paul-d’Abbostford.
Temps des provisions
«On a planté plus tard, en Montérégie, soit à peu près en même temps qu’à Québec. Normalement, il y a un certain décalage entre les régions, mais cette année, il y a eu un “boom” partout», note le propriétaire de Maraîcher André Côté.
La région de Québec a aussi connu un épisode de canicule, ce qui a fait rougir les champs rapidement. «On a deux fois plus de fruits que les bonnes récoltes, c’est exceptionnel», note Louis Gosselin, producteur à l’île d’Orléans
C’est donc le temps de faire des provisions pour préparer des confitures ou de congeler des fraises puisque les prix sont avantageux pour les consommateurs. Les fraises sont plus rouges et plus sucrées que d’habitude, insistent les producteurs.
Mauvaise synchronisation avec les chaînes
«On ne blâme pas du tout les chaînes d’épicerie. Si on avait pu prévoir, tout le monde ce serait adapté. Mais ce n’est pas simple de travailler avec les prévisions, surtout qu’on n’a pas ces volumes-là en août, normalement», insiste Yourianne Plante, directrice générale de l’Association des fraises et framboises du Québec.
Des producteurs de fraises étaient surpris et déçus de constater que les chaînes d’épicerie ne faisaient pas de promotion sur les fraises du Québec dans leur circulaire cette semaine pour en vendre plus, alors que les champs débordent.
Choquant
La plupart des supermarchés ne mentionnaient pas du tout les fraises dans leur circulaire, alors que Super C affichait la fraise des États-Unis ou du Mexique dans ses pages.
«C’est toujours choquant de voir les fraises de Californie dans les circulaires en plein été», souligne Louis Bélisle, de la ferme A. Bélisle & Fils.
«On a encore plus de volume que ce dont les chaînes ont besoin. C’est sûr que ça nous aurait aidés s’ils avaient pu en écouler», ajoute Simon Charbonneau, de Fraisebec.
Il s’agit surtout d’une question de synchronisation puisque les chaînes prévoient au moins trois semaines à l’avance le contenu de leur circulaire, précise David Lemire, de l’Association des fraises et framboises du Québec.
«Je ne pense pas que ce soit de la mauvaise volonté. On a pas eu le bon timing pour que nos fraises se retrouvent dans les spéciaux et permettre qu’on écoule les surplus», insiste le producteur, tout en espérant que des rabais seront affichés sur la circulaire de jeudi.
Le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), qui répond au nom de toute l’industrie, a assuré au Journal que ses membres étaient «engagés dans la promotion et la vente de produits québécois».
Qu’est-ce que la fraise d’automne ?
- Plus grosse et plus ferme que la fraise d’été
- Très rouge à l’intérieur
- Meilleur équilibre entre l’acidité et le sucré
- Se retrouve sur les tablettes d’août à octobre
- Se conserve mieux que la fraise d’été
- Repousse sans cesse sur les mêmes plants tant qu’il n’y a pas de gel
- Existe depuis 20 ans au Québec, mais commence à se faire réellement connaître
- 190 producteurs au Québec en 2015
- 10 millions de fraisiers plantés en 2015
- 20 variétés, mais la plus populaire est la Seascape