Contre la pesée en éducation physique
Une pétition dénonçant cette pratique jugée «humiliante» gagne des appuis
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«Humiliant», «enrageant», «dégradant». Une jeune femme qui a souffert d’anorexie après avoir dû se peser devant toute la classe d’éducation physique dénonce cette pratique décriée dans une pétition publiée cette semaine.
Un mois après sa première expérience de pesée, la jeune femme de 21 ans se faisait vomir pour la première fois. «C’est la goutte qui a fait déborder le vase», raconte celle qui appuie une pétition qui circule pour dénoncer les pesées en éducation physique du primaire au cégep.
« La troisième fois, ma psychologue m’a signé un papier. Ne pas avoir à me peser faisait partie de ma thérapie. » – Élyse Beaudet
Ce type de pratique, qui consiste à peser les élèves pour connaître leur poids et à mesurer leur pourcentage de graisse, a toujours fait partie de la culture d’enseignement en éducation physique, explique Jean-Claude Drapeau, président de la Fédération des éducateurs physiques enseignants du Québec.
De plus en plus d’enseignants abandonnent toutefois la pesée, observe-t-il, sans toutefois pouvoir dire combien.
Trois fois
Reste que de nombreux étudiants doivent passer par cette étape chaque année, ce que déplore l’organisme Anorexie et boulimie Québec (ANEB). Pour preuve, Élyse Beaudet y a été confrontée à trois reprises entre 2011 et 2015 dans trois cégeps de la région de Montréal alors qu’elle souffrait de troubles alimentaires mêlant anorexie et boulimie.
«C’était comme si on me disait: “tu as raison de trouver que tu n’es pas correcte”», relate celle qui a obtenu un score à la limite du «poids santé» et «surpoids»
«La deuxième fois, je suis sortie et j’ai texté ma psychologue en pleurant. La troisième fois, ma psychologue m’a signé un papier. Ne pas avoir à me peser faisait partie de ma thérapie.»
«Je sais que ce n’est pas tout le monde qui va développer un trouble alimentaire après ça. Mais même pour une personne qui n’est pas vulnérable, c’est dévalorisant», dit-elle.
Plus de 2000 signataires
Et même lorsque les étudiants ne peuvent pas voir les mesures des autres, le processus reste «humiliant», abonde la jeune femme qui a lancé la pétition et qui désire conserver l’anonymat.
«Si tu ne veux pas dire ton score aux autres, tu te fais niaiser», illustre la jeune femme de 19 ans, qui est aussi en rémission de trouble alimentaire. Sa pétition avait recueilli plus de 2000 signatures hier soir.
Le ministère de l’Éducation n’a pas pu commenter hier.
Une pratique « désuète » selon une psy
Demander aux élèves de se peser en classe est une pratique «désuète» qui a peu de valeur pédagogique, signale une experte.
«Pourquoi on fait ça?» s’insurge Patricia Groleau, psychologue spécialisée en troubles alimentaires.
Mme Groleau a, à plusieurs reprises, entendu de jeunes patients se plaindre d’avoir dû se peser en cours d’éducation physique. «Ça vient renforcer un processus de comparaison qui est déjà présent, d’autant plus qu’en contexte scolaire, ça vient d’une personne en autorité. Après, c’est difficile de remettre en question [l’obsession du poids]», observe Mme Groleau.
Conscience
Sans vouloir juger les professionnels qui y recourent, la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec (FÉÉPEQ) avoue être en questionnement par rapport à cette pratique, indique son président Jean-Claude Drapeau.
Le but est généralement de «favoriser une prise de conscience chez les jeunes de leur propre condition physique», explique M. Drapeau.
«On observe que la condition des jeunes se détériore entre le moment où ils entrent au cégep et le moment où ils en sortent», illustre-t-il.
«Mais à une époque où les messages basés sur l’image corporelle sont omniprésents, cette méthode est désuète», maintient Mme Groleau. «Ce qui est gagnant, c’est parler des saines habitudes de vie», suggère-t-elle.