Une participante se porte à la défense de «Célibataires et nus Québec»
Je lis avec une curiosité malsaine tous les commentaires des gens au sujet de l’émission sur les réseaux sociaux. L’avis général est que Célibataire et Nus fait honte au Québec, que le QI des gens n’a jamais été aussi bas, que ce ne sont que des douchebags qui s’y retrouveront, que l’on n’était jamais descendu aussi bas au niveau télévisuel. Les professionnels du milieu se plaignent également de l’insignifiance de cette émission - notamment sur une chaîne spécialisée en musique - alors que plusieurs autres projets sont refusés.
Pourtant, l’émission existe parce qu’elle reflète ce que les Québécois écoutent. Si les diffuseurs en sont rendus là, c’est parce que le public a toujours eu le plaisir coupable d’écouter de la téléréalité. Il en faut toujours plus pour le scandaliser et le faire parler alors on se déshabille simplement pour choquer et on présente des gens qui vont faire réagir. Le public n’a pas besoin d’aimer ce qu’il regarde, tant qu’il regarde. L’objectif est simplement un plus grand nombre de vues et plus de publicitaires prêts à payer un bon prix pour se faire voir eux aussi.
Écoutiez-vous les émissions spécialisées en musique à MusiquePlus? Passez-vous vos soirées à binge-watcher Découvertes, Enquête ou La Facture? Si ces dernières émissions existent encore, c’est parce que Radio-Canada est financée par le gouvernement. Pour le reste, malgré les bonnes intentions de présenter du contenu pertinent, les chaînes sont un jour ou l’autre rattrapées par le besoin de faire de l’argent pour continuer d’exister. À cela rajoutez le manque de financement pour les projets en général et cela explique l’intérêt de produire des téléréalités: pas d’acteurs à payer et pas de prises à reprendre. Le type d’émission est peu coûteux et rapporte beaucoup. Si vous voulez que les producteurs dépensent beaucoup pour du contenu de qualité, faites en sorte qu’ils ne se retrouvent pas avec une dette et regardez leurs émissions. L’émission Célibataires et nus se veut purement légère et divertissante. Je peux rire un bon coup, et parfois je n’ai pas besoin de plus que ça. La seule raison pour laquelle l’émission nuirait à la société québécoise, c’est parce que vous en parlez plus que vous ne parlez des vrais enjeux.
À ce jour, la première émission a été vue en ligne plus de 16 000 fois, la deuxième près de 20 000 fois. Les courtes vidéos partagées sur la page Facebook peuvent cumuler plus de 300 000 vues, plus de 1000 partages et plus de 3000 commentaires. Une vidéo montée à partir de certains extraits du deuxième épisode cumule également plus de 650 000 vues, et on ne parle même pas des spectateurs à la télévision. C’est en parlant contre l’émission que vous faites en sorte qu’elle continue d’exister et de se faire connaître. Si vous voulez vraiment tuer le projet dans l’oeuf, arrêter de nourrir la poule qui le pondra. Si vous voulez que le feu «destructeur de culture» s’éteigne, laissez-le se consumer plutôt qu’encourager vos amis à y ajouter du bois. Ce n’est pas pour rien que l'on considère les vidéos comme étant virales: à chaque fois que vous vous approchez d’une personne pour lui en parler, vous lui transmettez le virus et elle le propagera à son tour.
Plus vous en parlerez, plus Célibataires et nus Québec continuera d’exister. Taisez-vous et les douchebags vont se taire eux aussi. Pour le moment, autant en profiter et en rire un peu, car c’est la réaction la plus saine pour tout le monde après tout.
Charlotte Poitras, participante à l’émission et étudiante en télévision à l’UQÀM