Les chanteurs savent-ils parler?
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Je veux bien admettre que les chanteurs ne sont pas des orateurs. Que leurs paroles ne coulent pas de source lorsqu’ils s’expriment verbalement. Au Gala de l’ADISQ, dimanche soir, dont je me suis imposé l’écoute en sachant que cela risquait d’être une épreuve, les gagnants m’ont encore une fois sidérée.
Comment expliquer que ces jeunes artistes se présentent sur scène sans préparation et improvisent des remerciements où les borborygmes, les hésitations, les bégaiements et les grossièretés langagières tiennent lieu de discours? Par définition, les «nominés» n’ignorent pas qu’ils peuvent se retrouver devant des millions de téléspectateurs, mais, à l’évidence, ils ignorent ce que sont les niveaux de langage, les comportements adaptés aux circonstances, la différence entre la parole triviale réservée aux intimes et la parole publique, plus officielle.
Ils se croient au-dessus de tous les codes sociaux et attribuent à leurs bafouillages des qualités d’authenticité, de sincérité et de spontanéité. Ils sont populaires, mais ne comprennent pas qu’ils ne sont pas obligés de s’exprimer comme des handicapés de la langue.
Obligations artistiques
Nombre de chanteurs se refusent cependant à cette opération. Par respect du public, sachant qu’ils seront portés par l’émotion du moment, trop de lauréats qu’on récompense ne semblent guère comprendre que leur succès crée des obligations. Dont celle d’user de la langue avec respect et efficacité.
Évidemment, la révélation de l’année, Safia Nolin, transformée après sa performance douteuse de dimanche en icône féministe sur les réseaux sociaux, réunit en sa personne ce qu’il y a de plus infantile, détestable et déplacé chez un artiste.
Le génie ne lui étant pas encore reconnu, cette fille est la plus clivante des vedettes de l’heure. Lorsque Céline, à la hauteur de son statut de diva, si chic et si classe, se retrouve ensuite sur la même scène et s’exprime avec élégance, par contraste, le malaise est de taille.