La trahison d’un idéal
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«Donne-moi tes pauvres, tes exténués,
Tes masses innombrables aspirant à vivre libres,
Le rebus de tes rivages surpeuplés,
Envoie-les-moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte.»
– Emma Lazarus, 1883
Ces vers se trouvent sur le socle de la statue de la Liberté. Ils honorent la tradition d’accueil du peuple américain, héritier des Pères pèlerins du Mayflower arrivés en Amérique le 11 novembre 1620 après avoir fui la persécution religieuse en Angleterre.
Cela n’a pas empêché le président Trump d’interdire par décret l’entrée de tout réfugié – pas seulement les musulmans – sur le territoire américain, alors que le monde traverse sa plus grande crise humanitaire depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Coïncidence, vraiment ?
Avec le toupet qu’on lui connaît, Trump a fait coïncider la signature de ce décret avec la Journée internationale de la commémoration de l’Holocauste.
Il ne pouvait pas ignorer que le 27 janvier, c’est Yom Hashoah, ou jour de l’Holocauste en hébreu. Et s’il ne le savait pas, Jared Kushner, son beau-fils, conseiller spécial, mari d’Ivanka et juif orthodoxe, aurait pu lui rappeler que ses grands-parents, des survivants de l’Holocauste, sont arrivés comme réfugiés aux États-Unis en 1949 après trois ans dans un camp de «personnes déplacées».
«Personne ne voulait de nous. Pour les Juifs, toutes les portes étaient fermées», écrivait la grand-mère de Jared dans ses mémoires, Le miracle de la vie.
L’interdiction de Trump durera au moins 120 jours – mais sera d’une durée indéterminée pour les Syriens –, le temps d’établir des méthodes de vérification d’antécédents plus strictes, dit-il. Il ne dit pas que les enquêtes actuelles sont si exigeantes qu’elles durent de 12 à 24 mois. Qu’a-t-il en tête, une séance de waterboarding pour faire cracher le morceau?
Mais tout cela serait nécessaire pour protéger les Américains des «terroristes islamiques radicaux».
Jouer sur la peur
Depuis 2001, les États-Unis ont accueilli 784 000 réfugiés en sol américain.
Combien d’attentats terroristes ont été perpétrés par des réfugiés aux États-Unis depuis 2001?
Deux. Le premier au comptoir d’El Al à l’aéroport de Los Angeles en 2002, qui a fait deux victimes, et l’autre au marathon de Boston en 2013, où trois personnes ont perdu la vie.
Une seule victime innocente, c’est trop, mais l’histoire récente des États-Unis, qui existent et qui ont prospéré grâce aux immigrants et aux réfugiés, ne justifie pas une mesure aussi extrême et déshonorante qu’un moratoire sur les réfugiés. À part une promesse électorale.
L’exception saoudienne
Le président a aussi interdit la délivrance de visas pour visiter les États-Unis aux citoyens de l’Iran, de la Libye, du Soudan, de la Somalie, de la Syrie, du Yémen et de l’Irak. Sans doute une façon pour les Américains de dire merci aux Irakiens de les avoir laissés saccager leur pays.
Par contre, les citoyens d’Arabie saoudite, d’Égypte, du Pakistan et de l’Afghanistan, des régimes amis mais non moins dangereux pour la sécurité des États-Unis, ne seront pas touchés par cette interdiction.
Trump ne pouvait ignorer que 15 des 19 terroristes du 11 septembre 2001 étaient de nationalité saoudienne. Deux provenaient des Émirats, un du Liban et le chef de la bande, Mohammed Atta, était égyptien.
Aucun n’avait le statut de réfugié.