L’or rouge de la Montérégie
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Stéphane Talbot avait 47 ans lorsqu’il a troqué les salles de classe de l’UQAM pour une terre à l’horizon infini sur le versant sud du mont Saint-Bruno, où s’épanouissent chaque automne plusieurs milliers de crocus sativus, cette fleur mauve mythique qui nous donne le safran, une épice précieuse recherchée par les fins gourmets.
«J’aurais dû faire le saut dix ans plus tôt», regrette aujourd’hui Stéphane, un ingénieur devenu professeur-chercheur à l’école des sciences de la gestion de l’UQAM. Les jours de pluie, chausser ses bottes de caoutchouc et partir à l’assaut de ses champs boueux pour cueillir les fleurs arrivées à maturité fait partie des contraintes de sa nouvelle vie. Un inconvénient qu’il avoue supporter beaucoup mieux que le stress relié à l’enseignement.
« J’étais sur le point d’obtenir ma permanence à l’université. Il fallait que je me branche. Ma femme et moi rêvions depuis longtemps de ce retour à la terre. C’était notre projet de semi-retraite » raconte celui qui a grandi auprès d’un père pépiniériste à Sainte-Rose-de-Laval.
Résidants de Sainte-Julie, en Montérégie, le couple lorgnait les lopins de terre longeant le mont Saint-Bruno depuis quelques années. Un jour, ils ont décidé de faire des appels en espérant tomber sur un vendeur motivé.
En 2011, ils ont trouvé la perle rare : un site enchanteur de 28 hectares avec une vue imprenable sur le mont Saint-Hilaire. Le terrain était situé à côté d’un vignoble, à moins d’une demi-heure de la ville de Boucherville où son épouse, Catherine Jomphe, a encore son cabinet d’orthodontie. Ne restait plus qu’à trouver une façon d’exploiter intelligemment la superficie cultivable de leur nouveau domaine.
Un apprentissage
« On cherchait quelque chose d’original, de rare, avec un bon potentiel de rendement pour une petite surface », dit-il.
En faisant quelques recherches sur internet, le safran s’est imposé. Mis à part le contrôle des mauvaises herbes, la culture de cette délicate fleur mauve exigeait peu d’entretien. « Pour un gentleman-farmer comme moi, c’était un bon moyen de commencer. »
Lui et sa femme ont suivi deux stages dans le Limousin en France pour apprendre à planter les bulbes, puis à en faire la récolte. L’émondage, cette opération délicate qui consiste à séparer le pistil de la fleur, est sans doute la partie la plus exigeante de cette culture.
Depuis quatre ans, vers la fin octobre, le couple et ses trois fils passent de longues journées à cueillir ensemble les fleurs. Les membres du clan familial s’installent ensuite dans la cuisine avec un bon éclairage. Chaque pistil, d’un beau rouge vif, est coupé à la main avec une paire de ciseaux miniatures. « Cette attention fait toute la différence dans la qualité et l’apparence de notre safran », fait valoir Stéphane. Elle explique aussi le prix élevé de cet or rouge qui, à l’état brut, se vend 22 $ le demi-gramme.
Outre le safran, le couple cultive le sureau, un fruit semblable à une grappe de mini raisins, vedette montante dans l’univers des aliments riches en antioxydants.
En 2014, ils ont aussi planté 500 noisetiers inoculés dans le but de produire de la truffe noire. « Notre projet le plus fou », dit Stéphane. Il leur reste à entraîner un chien pour la chasse aux truffes et à se croiser les doigts pour que ces champignons de luxe, qui commencent tout juste à être cultivés au Québec, se développent sur les racines de leurs arbres à partir de 2019.
Produits vedettes
Safran
Le Clan vend du safran à l’état brut et quelques produits fins aromatisés au safran préparé avec amour par Catherine Jomphe, dont une gelée de thé vert, une confiture de poires et vanille et des pacanes à l’érable safranées.
Sureau
Outre l’activité d’auto cueillette à la mi-août, Le Clan fabrique un vinaigre de vin blanc au sureau.
Pour le moment, les produits sont disponibles en ligne seulement ou à l’épicerie fine Yotta à Boucherville. www.leclan.ca/boutique
Le Clan