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Pas plus heureux, même après avoir perdu 275 livres

Un homme qui a subi une chirurgie bariatrique soutient que ça ne règle pas tout

GEN-MARTIN LAVOIE
Photo collaboration martin alarie Martin Lavoie avoue que la dernière année ne s’est pas passée comme prévu. Ne regrettant rien, il veut atteindre son objectif final de peser moins de 300 livres à l’automne. Il compte s’inscrire à des marches cet été, et peut-être même à une course!

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Un an après avoir subi une chirurgie bariatrique, un obèse qui a perdu 275 livres réalise qu’une immense perte de poids ne règle pas tous les problèmes, et ressent le «côté sombre» de l’opération.

«J’avais idéalisé que ça règlerait tout, avoue Martin Lavoie, 45 ans. Ça règle le physique, mais ça ne change rien pour le reste. (...) Ce n’est pas le bonheur en une opération.»

«Tout ce que j’avais lu avant la chirurgie, c’est que c’était fantastique, dit-il. Mais, j’aurais aimé que les gens parlent plus du côté sombre, parce qu’il y en a un.»

Travail mental

En mars 2016, après des années d’hésitation, le résident de St-Jérôme a subi la chirurgie bariatrique, qui a réduit son estomac de 80 %. Le Journal le suit depuis ce temps dans sa perte de poids.

Au plus lourd dans sa vie, il pesait 644 livres en mars 2015. À ce poids, maigrir n’était plus une option pour lui, sans quoi sa vie était compromise. Depuis deux ans, le facteur de métier a perdu pas moins de 275 livres et pèse 369 livres. La dernière fois qu’il a été aussi «léger», il avait 28 ans.

«C’est fou, la différence. Je ne me souviens pas avoir eu autant d’énergie, même quand j’étais enfant, constate-t-il sans cacher sa fierté. Je ne pensais jamais que je serais là un jour.»

«Physiquement, ça va vraiment mieux», jure-t-il.

Pas d’exutoire

Or, M. Lavoie avoue que la dernière année ne s’est pas passée comme prévu. Sépa­ration, baisse de motivation pour bouger, séances de psychothérapie; les derniers mois ont été mouvementés.

«J’étais déprimé sur un moyen temps, et je n’avais pas l’exutoire que j’ai toujours eu, je ne pouvais pas me bourrer la face. J’étais tout croche», dit-il, avouant que le deuil de la nourriture ne finira jamais.

En manque de motivation pour faire du sport, Martin Lavoie n’a pas perdu une seule livre en six semaines, au début 2017. «C’était déprimant en maudit», dit-il.

D’ailleurs, l’homme de 45 ans espère que son témoignage aidera les gens qui songent à subir la chirurgie bariatrique à bien se préparer.

«Et pas juste physiquement, mentalement aussi. Sinon, il y a des séquelles après. Si c’était à refaire, je le referais différemment. Je me préparerais mieux.»

«Les gens n’en parlent pas, mais moi, je le dis. La peau qui pendouille, c’est déprimant», soutient celui qui est en couple depuis quelques mois.

Plaisir d’être en forme

Malgré tout, le père de famille assure ne pas regretter de s’être fait opérer.

«Je n’ai pas fait ça pour que ça devienne un échec, dit-il. Je goûte au plaisir d’être en forme.»

Son objectif ultime? Peser moins de 300 livres d’ici l’automne. Bien que confiant, l’homme sait que les dernières 70 livres à perdre seront les plus difficiles.

«Je vais mettre les bouchées doubles cet été, et je pourrai enfin dire mission accomplie», promet-il.

Quelques chiffres

  • Chandail 3 ou 4 XL (au lieu de 10 XL)
  • Pantalon XL (au lieu de 5 XL)
  • Calories par jour : 2000 calories (au lieu de 6000)
  • Tour de taille : 58 pouces (au lieu de 78 pouces)

Sa perte de poids dans le temps

  • Mars 2015 : 644 livres
  • Décembre 2015 : 508 livres
  • Octobre 2016 : 408 livres
  • Décembre 2016 : 384 livres
  • Aujourd’hui : 369 livres

La chirurgie n’est pas un remède miracle

Les difficultés psychologiques qui découlent de la chirurgie bariatrique­­ touchent beaucoup de patients, qui réalisent que la perte­­ de poids n’est pas un remède miracle, selon une psychologue spécialisée.

«C’est vrai que ça ne règle pas tout, admet Catherine Bégin, psychologue de l’Université Laval­­ spécialisée dans les problèmes liés au poids.

Après la lune de miel

«La chirurgie, c’est pour sauver des vies. Mais ça ne règle pas le psychologique», dit-elle.

Selon son expérience, les patients­­ vivent souvent une période­­ très positive dans les 24 mois suivant la chirurgie, notamment­­ parce que la perte de poids est très motivante.

Or, certains patients réalisent par la suite que les problèmes refont surface.

«Les gens se transforment physiquement, mais comment le psychologique va suivre? On ne peut pas le deviner», explique-t-elle.

Mme Bégin nuance toutefois ses propos: plusieurs patients ne vivent pas de difficultés post-chirurgie­­.

«Pour eux, la perte de poids est suffisante. Ils gardent le même conjoint et le même travail», dit-elle.

Récemment, deux médecins spécialistes soulignaient au Journal que jusqu’à 40 % des chirurgies bariatriques sont un échec, et que plusieurs patients avaient repris beaucoup de poids dans les années suivant la chirurgie.

Un constat qui n’étonne pas Mme Bégin.

Peur d’engraisser

«J’ai vu de tout. Des gens qui reprennent du poids ou qui en perdent trop et qui deviennent obsédés par l’idée d’engraisser, dit-elle. Les groupes de soutien ne peuvent pas nuire.»

Certains autres déplacent l’excès­­ de nourriture dans autre chose (alcool, entraînement, magasinage, jeux de hasard, etc.)

Selon Martin Lavoie, un meilleur suivi psychologique post-chirurgie devrait être offert­­.

«Il faudrait que les gens soient mis en garde que mentalement, ça se peut que ça chire. Mais ça, les gens n’en parlent pas beaucoup.»