Les grands dilemmes de Bergevin
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Marc Bergevin pourra toujours soutenir que les séries éliminatoires constituent un long parcours et que très souvent, les obstacles font en sorte qu’une sortie expéditive peut bousiller tous les plans concoctés au préalable.
Par exemple, les Blackhawks de Chicago, meilleure formation de l’Association de l’Ouest, sont en vacances.
Le Wild du Minnesota, deuxième dans l’Ouest en saison régulière, est aussi éliminé.
Les Blue Jackets de Columbus, qui ont récolté plus de points que le Canadien, fréquentent également les terrains de golf aujourd’hui.
Mais le directeur général du Tricolore en arrivera forcément à un constat d’échec. On va également lui rappeler que P.K. Subban a atteint le deuxième tour des séries éliminatoires avec les Predators de Nashville.
Ce qui ne ment pas, c’est que le Canadien se retrouve dans une situation qui soulève plusieurs interrogations. Bergevin devra présenter un nouveau plan de match. Non pas que les effectifs sont inférieurs à ceux qu’on lui avait remis comme héritage, sauf que le processus de développement n’a pas fonctionné comme prévu. Le recrutement n’a pas été chic.
Relève limitée
Alors qu’à Pittsburgh, en moins d’un an, on a ajouté Bryan Rust, 80e sélection en 2010, Tom Kuhnhackl, 110e sélection en 2010, Carter Rowney, joueur autonome de l’université North Dakota, Conor Sheary, joueur autonome de l’université Mass-Amherst, Jake Quentzel, 77e sélection en 2013, et Matt Murray, 83e choix en 2012.
Vous me direz qu’ils ont l’opportunité de jouer avec Sidney Crosby, Evgeni Malkin et Phil Kessel, c’est vrai, mais il faut tout de même reconnaître qu’ils n’ont pas loupé l’occasion de s’installer confortablement dans le vestiaire. Et combien ont coûté ces joueurs aux Penguins?
Qu’a-t-on comme relève chez le Canadien? Au moins, Artturi Lehkonen a fait sa niche et non seulement a-t-il démontré de belles qualités, mais on le considère maintenant comme un incontournable en attaque. Mikhaïl Sergachev? J’espère qu’il sera aussi impressionnant que Charlie McAvoy, choisi au 14e rang de la première ronde, cinq sélections après celle du joueur russe. McAvoy joue en moyenne 24 minutes par match avec les Bruins de Boston depuis le début des séries.
Revenons donc à la dernière saison et qu’entend faire Marc Bergevin pour remettre l’équipe sur les rails?
Créer sa chance
Le Canadien a perdu contre les Rangers parce que l’adversaire lui a été supérieur et plus déterminé. Les joueurs du Tricolore racontaient après leur élimination que la chance leur avait fait un pied de nez, mais il faut savoir flirter avec la chance et la meilleure façon, c’est de la provoquer.
Ça n’a pas été le cas.
On pourrait accuser Carey Price, qui a perdu son duel contre Henrik Lundqvist, sauf que son équipe a été lamentable en attaque. Mais là encore, faut-il s’en étonner? Une formation ne peut s’affirmer sans des joueurs de centre de haut niveau.
Le jeune homme n’a démontré aucune intensité lors du dernier match. Il a amorcé la saison comme premier joueur de centre après une fin de saison spectaculaire en 2015-2016. Avant d’être blessé fin novembre, il était parmi les 10 premiers marqueurs de la ligue... et il termine l’année sur un trio aux côtés de qui? Avec aucun joueur n’ayant les qualifications pour être dans le top 6. C’est quoi l’affaire? Bergevin doit prendre une décision, lui faire signer une nouvelle entente ou l’échanger? Y a-t-il une autre alternative? Doit-on se montrer plus patient avec lui? Un instant, ça fait maintenant cinq ans qu’il joue dans la ligue. Galchenuyk devait être le joueur de centre numéro un. Il l’était en octobre et en novembre. Également en février... puis ce fut le vide. Pourquoi?
Nathan Beaulieu devait assurer la relève à la ligne bleue. Mais quand on ne peut percer la formation partante lors du sixième match d’une série, alors que la survie de l’équipe est en jeu, ça dit quoi pour l’an prochain? Ne devra-t-on pas l’envoyer dans une autre ville et donner à Sergachev l’opportunité de prouver que les recruteurs du Canadien ne se sont pas trompés? Beaulieu est capable du meilleur comme du pire. Le problème, c’est que le pire domine le meilleur. Peut-on assurer l’avenir d’une brigade défensive avec un joueur si peu fiable? Peut-être que son départ changerait l’attitude de Galchenyuk, qui sait?
Il a été une belle surprise. Bergevin a couru un risque, il a gagné son pari. Maintenant, le directeur général doit composer avec une situation particulière. Quelles seront les exigences salariales de Radulov, qui soulignera qu’il a été le joueur le plus vaillant du groupe. Par contre, Bergevin a déjà dit que Radulov avait connu une bonne saison mais il n’est pas Sidney Crosby. Très juste. Toutefois, quand on verse 6 millions $ à Tomas Plekanec, on se retrouve dans une situation pas très confortable. Il faut vivre avec ses erreurs de négociateur. Que vaut vraiment Radulov? L’effort a été sa marque de commerce. Les chiffres au tableau ne justifient pas un contrat que recevrait un attaquant de très haut niveau.
Le sujet est délicat. À partir du principe qu’il est le meilleur joueur de la formation, ça ne devrait pas être un gros problème à résoudre. Par contre, il y a plusieurs facteurs à considérer. Le Canadien peut-il gagner la coupe Stanley avec Price? À la lumière des résultats et avec les effectifs en place, on ne pariera pas de gros sous. Combien exigera-t-il sur le plan monétaire? Son contrat devrait comporter plusieurs années à 10 millions $ par saison. Aura-t-on ensuite les ressources monétaires – en considérant les contraintes du plafond salarial – pour corriger les carences de l’organisation, c’est-à-dire améliorer une attaque anémique? Il s’agit d’un cas très particulier et pas facile à résoudre. On peut payer le gros montant mais comment pourra-t-on capitaliser sur un investissement aussi important? Il faudra bien trouver de nouveaux effectifs mais avec quel argent?
Il a échoué. Il n’a pas répondu aux attentes et il a été éclipsé par Rick Nash dans la série contre les Rangers. Mais comme l’a bien résumé Claude Julien, les «Blueshirts» ont fourni un meilleur effort. Par contre, dans les standards d’aujourd’hui, quand on possède un marqueur de 35 buts à 4,5 millions $ par saison, on le garde. Toutefois, devrait-on reconsidérer son rôle de capitaine de l’équipe? L’expérience a été tentée à San Jose avec Joe Thornton qui a été remplacé par Joe Pavelski et les résultats ont été concluants. L’expérience a été tentée à Los Angeles avec Dustin Brown qui a été remplacé par Anze Kopitar et les Kings ont raté les séries. Pacioretty a gardé la tête haute et il a très bien réagi dans le dossier Michel Therrien. Il a très bien assumé ses responsabilités et ça me laisse croire qu’il s’acquitte bien de son rôle de capitaine. Par contre, ce qui m’inquiète, c’est que le Pacioretty qu’on a vu dans la série contre les Rangers est le même Pacioretty qu’on a observé lors de la Coupe du monde en septembre dernier. Un joueur incapable de produire sous la forte pression.
Que réserve l’avenir ?
Marc Bergevin aura un été chaud. Il doit se préparer à une compétition encore plus féroce la saison prochaine. Le Lightning de Tampa Bay sera de nouveau une formation de premier plan. Les Panthers de la Floride, avec le retour de Dale Tallon et un nouvel entraîneur, seront plus efficaces mais devront-ils dénicher un gardien? Les Maple Leafs de Toronto, s’ils embauchent un défenseur de premier plan, seront redoutables. La situation devrait s’améliorer à Buffalo. Les Bruins de Boston seront toujours les Bruins. Par conséquent, le statu quo est impensable et l’embauche de nouveaux effectifs est requise chez le CH. Mais comment procéder? Indéniablement, si Bergevin ne parvient pas – il croyait avoir résolu le problème avec Galchenyuk – à améliorer la position de centre, le Canadien aura du mal à progresser. On pensait également qu’à la longue, Michael McCarron apporterait une autre dimension à l’attaque de l’équipe dans le rôle de centre, mais les résultats sont désastreux. Si on regarde du côté de la Ligue américaine, il n’y a aucun candidat de taille à l’exception de Charley Lindgren, de Charles Hudon et de Brett Lernout.
Oublions ces histoires qu’il y aura toujours une fenêtre ouverte avec un gardien comme Carey Price. Il faut plus qu’un gardien pour atteindre le sommet. Les règles ont changé au cours des dernières années. Il y a des équipes qui ont gagné la coupe Stanley sans un gardien de premier plan: Antti Niemi, Corey Crawford, à sa première saison, Chris Osgood, Matt Murray... Mais ces équipes avaient des attaques impressionnantes, elles misaient sur d’excellents joueurs de centre.