Le Canada ratifiera un accord avec un autre paradis fiscal
Des critiques craignent un passe-droit pour les multinationales
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Le Canada permettra aux entreprises canadiennes d’éviter légalement l’impôt dans un autre paradis fiscal malgré sa promesse d’éliminer de telles échappatoires, dénoncent des experts.
«Le gouvernement du Canada, qu’il soit conservateur ou libéral, fait la lutte à l’évasion fiscale de la même manière [...] il rend légal aujourd'hui ce qui était encore un crime économique hier», analyse l’auteur et philosophe Alain Deneault.
Un accord de renseignement fiscal signé entre le Canada et les Îles Cook, un paradis fiscal notoire, est sur le point d’être ratifié par le gouvernement fédéral. La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland procèdera par décret dès cette semaine.
Pas d’impôt
L’accord prévoit qu’en échange des informations du petit État du Pacifique Sud, le Canada permettra aux entreprises canadiennes de rapatrier les revenus de leurs filiales dans ces îles au soleil sous forme de dividendes libres d’impôt.
«Ça devient un autre endroit où ce sera stratégique pour les entreprises de s’incorporer, et rapatrier les profits libres d’impôt», analyse Marwah Rizqy, professeure à l’Université de Sherbrooke.
Grâce à un détail dans la loi, le Canada n’impose pas les profits réalisés dans les pays qui concluent des accords d’échange d’informations, puisqu’ils sont considérés comme partenaires dans la lutte à l’évasion fiscale.
Les Îles Cook forment un territoire autonome rattaché à la Nouvelle-Zélande, d’une population comparable à celle de Belœil au Québec. Puisque cet État n’impose pas les sociétés étrangères, il deviendra théoriquement possible pour les compagnies canadiennes qui y ouvrent une filiale d’éviter complètement l’impôt.
«C'est choquant de constater que le Canada adopte une approche qui lui fait perdre son pouvoir d'imposition», commente André Lareau, professeur de fiscalité internationale à l’Université Laval.
Renseignement
Le ministre des Finances Bill Morneau a promis «d’éliminer des échappatoires fiscales injustes» dont profitent les entreprises.
Son bureau s’est défendu en qualifiant l’accord avec les Îles Cook «d’important outil pour aider l’Agence du revenu du Canada à détecter l’évasion fiscale internationale», puisque les individus auront plus de mal à cacher leurs actifs sur ces îles.
De telles ententes n’ont cependant pas permis l’évitement fiscal au Panama, tel que révélé par les médias dans les Panama Papers, ou encore à l’Île de Man, où la firme KPMG aurait élaboré un stratagème pour que de riches Canadiens évitent l’impôt.
«Ça ne sert à rien de signer des accords avec des républiques de bananes, des pays où c’est difficile d’avoir accès aux documents, de faire des recherches sur les actionnaires des entreprises», analyse la fiscaliste Marwah Rizqy.
Les Îles Cook se rajouteront d’ici les prochains mois à la liste de 22 pays avec qui le Canada a conclu des ententes similaires, dont plusieurs paradis fiscaux comme l’Île de Man, le Panama ou les Îles Caïmans.