De la lumière transformée en superfluide par des chercheurs montréalais
MONTRÉAL – Des chercheurs de Polytechnique Montréal sont parvenus à démontrer que la lumière peut se comporter comme un superfluide à température ambiante, ouvrant la voie à la création d’appareils informatiques extrêmement peu énergivores.
Les chercheurs de Polytechnique et de l’Institut de nanotechnologie du Conseil national de recherche italien à Lecce sont parvenus à créer des polaritons, soit des photons transformés en «quasi-particules lumière-matière» en interagissant avec des molécules organiques.
Contrairement à la lumière normale qui est réfléchie et diffusée lorsqu’elle rencontre un obstacle, les polaritons ne sont pas perturbés par les obstacles. Sous forme de superfluide, la lumière peut s’écouler sans frottement et poursuivre son parcours derrière un obstacle, a résumé Stéphane Kéna-Cohen, professeur adjoint au département de génie physique de l’école polytechnique montréalaise.
D’autres chercheurs étaient déjà parvenus à créer ce phénomène par le passé, mais seulement à des températures avoisinant les -269 °C, soit quatre degrés de plus que le zéro absolu.
Afin de parvenir à ce résultat, l’équipe du docteur Kéna-Cohen a créé un dispositif composé de deux miroirs placé l’un en face de l’autre et recouvert d’un mince film de molécules organiques de seulement 100 nanomètres d’épaisseur. En comparaison, le diamètre d’un cheveu est d’environ 50 000 nanomètres.
L’équipe italienne a ensuite utilisé l’appareil développé à Montréal pour réaliser l’expérience, tandis que l’équipe de Polytechnique a mené des simulations confirmant les résultats. Le tout avait été amorcé en 2014.
En plus de permettre d’étudier plus facilement la physique des condensats de Bose-Einstein, cette découverte ouvre la voie à la création de lasers à très faible puissance et d’une nouvelle gamme d’appareils électroniques. «L’utilisation de portes logiques à base de polaritons permettrait d’éliminer les pertes [d’énergie] d’une porte à l’autre», a fait valoir M. Kéna-Cohen.
La création de tels dispositifs fonctionnant à température ambiante fait d’ailleurs partie des prochains défis de l’équipe du docteur Kéna-Cohen. La création d’un ordinateur de bureau à polaritons n’est toutefois pas pour demain, a prévenu le chercheur.
L’étude est publiée dans l’édition du 5 juin de la revue «Nature Physics».