11 ans en voilier autour du monde
Deux retraités de Longueuil ont vu de beaux paysages et ont été marqués par les rencontres humaines
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Un couple de retraités a vécu l’expérience d’une vie. Il vient de revenir au Québec après un voyage de 11 ans autour du monde à bord d’un voilier, pendant lequel il a nagé au milieu de l’océan avec des dauphins et contourné des vagues de dix mètres.
Yvon Legault, 73 ans, et Carmelle Rousselle, 63 ans, vivent une retraite unique qui peut faire rêver. L’ancien économiste et sa conjointe, qui vient du milieu du théâtre, sont partis du port de Montréal en septembre 2006 à bord de leur voilier et ils ne sont revenus que le mois dernier. En tout, ils ont navigué plus de 68 000 kilomètres sur l’océan et ont amarré dans une trentaine de pays.
« On dirait qu’on a rêvé, que tout ce qu’on a vécu n’est pas réel », affirme le couple, les yeux encore remplis d’étincelles.
Au cours de leur périple autour du globe, ils ont vu les plus beaux paysages, rencontré des gens extraordinaires et découvert des endroits isolés comme Suwarrow, une île presque inhabitée et paradisiaque située dans l’océan Pacifique.
En Thaïlande, alors qu’ils logeaient dans un petit village, ils ont fait une drôle de rencontre. « En sortant de l’appartement où on habitait, on a croisé un homme qui promenait son éléphant. C’était assez surprenant », se souvient Mme Rousselle.
Puis, en Indonésie, ils ont découvert le dragon de Komodo, un immense lézard. À Singapour, ils ont goûté à un durian. « Le fruit pue tellement qu’il est interdit d’en apporter dans certains endroits publics, dont le métro. On a dû mettre des gants pour éviter de garder l’odeur sur nos doigts », rigole le couple.
Expérience humaine
Malgré la beauté de chacune de leurs découvertes, ce sont surtout les rencontres humaines dans les différents pays qu’ils ont visités qui les ont marqués.
Le couple a noué de grandes amitiés avec des personnes rencontrées par hasard. Aux Maldives, après avoir demandé à un homme le chemin pour se rendre à un restaurant, celui-ci les a plutôt conduits chez lui où il leur a concocté un festin.
Partout, ils ont été accueillis comme des rois.
Par exemple, en 2013, à Singapour, ils ont rencontré Esther dans le métro. Alors que les retraités lui demandaient des informations, Esther les a invités à passer Noël dans sa famille. Depuis, ils restent en contact. « On est restées très proches. Elle prévoit d’ailleurs venir me visiter bientôt », raconte la femme de 63 ans.
M. Legault et Mme Rousselle correspondent aussi avec Paul, rencontré à Madagascar. Ils se sont liés d’amitié avec sa famille et lui après avoir participé à des promenades qu’il organisait sur une pirogue. « Il est devenu un bon chum », précise M. Legault.
Au-delà de la langue
Avant de rencontrer le couple, Paul n’avait jamais utilisé un ordinateur, car là où il habite, il n’y a pas d’électricité. Ce sont donc les Québécois qui lui ont montré comment envoyer des courriels à partir d’un café internet situé dans un autre village que le sien.
Par moment, la langue a été un obstacle pour le couple, notamment en Thaïlande où l’alphabet s’exprime dans les intonations de la voix. Malgré cela, les voyageurs ont réussi à se faire comprendre auprès des gens locaux au moyen de signes et d’objets.
En Indonésie, des enfants se sont empressés de monter dans une pirogue pour les rejoindre au large. À l’aide de gestes, ils leur ont demandé des livres en anglais. Lorsque le couple leur en a donné, les jeunes sont rapidement retournés sur la terre ferme pour lire.
Dans des petites îles isolées, ils ont aussi reçu des demandes de brosses à dents, de fil et d’aiguilles, des articles difficiles à trouver dans certains coins de pays.
Avant de partir pour la grande aventure, le couple naviguait depuis déjà plusieurs années. M. Legault avait d’ailleurs suivi des formations de navigation, incluant des cours en lien avec l’électricité, la météo, la mécanique, etc. Malgré cela, les onze années passées sur l’eau leur ont offert de nombreux défis.
Pirates
Ils se sont notamment inquiétés lorsqu’ils ont été suivis par un bateau de pêche alors qu’ils se trouvaient au sud du Sri Lanka. Il aurait pu s’agir de pirates.
Le bateau, beaucoup plus gros que le leur, s’approchait dangereusement de leur voilier de 33 pieds. La vingtaine d’hommes à bord leur faisait signe de ralentir, ce que le couple a refusé de faire, ne connaissant pas les intentions des pêcheurs. Heureusement, les vagues et le vent leur ont permis de les semer. « C’était assez inconfortable comme situation », se souvient Carmelle Rousselle.
Contre vents et marées
Les Longueuillois ont aussi vu des navires de guerre se rendre vers la mer Rouge pendant qu’ils voguaient sur l’océan Indien. Comme ils hésitaient entre emprunter la mer Rouge ou longer l’Afrique du Sud, ils ont opté pour la seconde option, d’autant plus que la situation politique au Yémen s’envenimait.
Ce choix a par contre causé une grande difficulté au couple puisque le long des côtes de l’Afrique du Sud, ils ont dû effectuer de nombreuses escales afin d’éviter de faire face à des vagues de 8 à 10 mètres de haut. « Ç’a été la période la plus stressante de nos 11 ans de navigation », précise Mme Rousselle.
La mauvaise météo a plus d’une fois modifié les plans des voyageurs. Ce fut le cas quand ils ont mis le cap vers les Seychelles. Leur déplacement en mer leur a pris 22 jours, alors qu’ils n’avaient des provisions que pour 10 jours.
« On a pêché un seul poisson durant les 22 jours et on a failli manquer d’eau », se souviennent-ils. Cette fois-là, leur moteur de dépannage qui fonctionne au diesel était aussi presque à sec. Il était donc préférable qu’ils ne l’utilisent pas.
Deux chats à bord
Le duo est resté très uni et s’est très rarement querellé pendant la traversée, même si leur voilier ne faisait que 33 pieds de long. « Il y a toujours quelque chose à faire sur un bateau, alors on n’avait pas le temps de se chicaner », rigole le couple sans enfant qui comptait déjà 18 années de vie commune avant leur départ.
Au moment de quitter le port de Montréal, en 2006, M. Legault et Mme Rousselle n’avaient pas de plan précis. Ils prévoyaient partir pour trois ans, mais ne fermaient aucune porte quant à la durée possible de leur grande aventure. « On est partis sans projet fixe. On voulait vivre autre chose. Découvrir de nouveaux endroits et de nouvelles cultures », se rappelle l’ancien économiste.
Bien qu’ils aient vendu leur condo, leurs voitures et leurs meubles pour financer leur expédition, ils n’ont pas été capables de se départir de leurs chats, Snoro et Noirot, qu’ils ont emmenés avec eux. Ces derniers ont participé aux huit premières années du voyage avec leurs maîtres. Ensuite, il a été jugé plus sage de leur permettre de retrouver un environnement plus stable à Montréal, chez des proches.
Budget
Tout au long de leur périple, le couple a habité un voilier d’occasion et en acier acheté au coût de 40 000 $.
Des rénovations de plus de 70 000 $ ont dû être effectuées avant le départ pour réaliser le projet. Mais une fois en mer, ils ont réussi à se contenter de peu.
Pour l’ensemble de leurs dépenses, incluant les réparations sur le bateau, ils avaient prévu 30 000 $ par année. Ce budget a été respecté et les tourtereaux ne se sont jamais privés de quoi que ce soit durant leur voyage.
Ils jetaient l’ancre sur des destinations paradisiaques, mais peu coûteuses.
Le bateau est présentement en vente à Grenade, d’où ils sont revenus vers Montréal en juin. Il est enregistré au nom de « Taima », qui aurait plusieurs significations, dont « C’est assez, on passe à autre chose ». C’est d’ailleurs ce que Carmelle Rousselle et Yvon Legault souhaitent faire maintenant.
Par contre, ils ne sont pas fermés à l’idée de voyager à nouveau dans un avenir rapproché. Mme Rousselle aimerait bien enseigner l’anglais en Chine, car. comme le dit si bien son conjoint, « il y a encore beaucoup de choses à voir ».
Le quotidien sur le bateau
Sur un voilier, les préparatifs sont essentiels et il n’y a pas beaucoup de temps libre.
Chaque jour, Yvon Legault et Carmelle Rousselle devaient veiller à prévoir leur nourriture. Pour les longs déplacements, ils pouvaient conserver des fruits et légumes frais entre 7 et 10 jours.
Quand leur réserve était épuisée, ils se nourrissaient surtout de conserves, de noix et de céréales. Le poisson pêché était quant à lui mangé cru, cuit dans un presto ou déposé dans les pots Mason afin de ne rien gaspiller.
Les cartes de navigation devaient aussi être préparées par le capitaine du bateau, M. Legault. Sa tâche consistait donc, avant chaque départ, à vérifier la météo et à détailler les routes navigables à emprunter. Par la suite, il devait enregistrer tous les détails sur le GPS pour ensuite mettre le cap sur leur destination.
Durant les déplacements de nuit, le couple dormait en alternance afin qu’il y ait toujours une personne qui monte la garde et qui s’assure que le bateau ne dévie pas de la trajectoire. Quant aux journées sur l’eau, elles étaient bien occupées avec la préparation des repas et l’entretien quotidien du voilier. Sinon, la lecture, les jeux de cartes, les mots croisés et le Scrabble occupaient les voyageurs.
Le plus dur, c’est le retour
Après avoir été bercé par la mer durant les 11 dernières années, le couple est revenu à Montréal il y a un mois. Le retour à la vie normale est plus difficile qu’il l’avait imaginé.
Après avoir eu l’immensité de l’océan comme paysage pendant 11 ans, c’est dans un petit appartement de Longueuil que Le Journal a rencontré les voyageurs.
Cet endroit leur a été prêté par un membre de leur famille le temps qu’ils se recréent un nid bien à eux. Ils ont aussi emprunté une voiture à leur entourage puisqu’il y a 11 ans, Yvon Legault et Carmelle Rousselle ont tout vendu pour vivre leur projet. Ils doivent maintenant se rebâtir une vie.
Depuis leur retour, ils doivent s’acclimater à un rythme de vie plus lent que celui qu’ils ont connu durant les années passées sur le voilier, alors qu’il était constamment en mouvement et à la recherche de nouveautés.
Afin de s’occuper, Mme Rousselle n’exclut pas un retour sur le marché du travail. « On doit trouver des façons de passer le temps », lance-t-elle.
Une aventure inoubliable et impressionnante
Snoro et Noirot interdits
Les chats d’Yvon Legault et Carmelle Rousselle, Snoro et Noirot, ont vécu huit ans à bord du voilier. S’ils ont vu bien du pays, ils ont aussi empêché leurs maîtres d’en visiter certains, dont la Nouvelle-Zélande, l’Australie et la Nouvelle-Calédonie, où il est difficile de franchir les douanes avec des chats.
En Nouvelle-Calédonie, il était exigé que les petits félins reçoivent un vaccin spécifique avant d’entrer au pays.
En Australie et en Nouvelle-Zélande, en plus des coûts reliés à la présence de leurs chats, le couple devait obligatoirement les placer en quarantaine pendant plusieurs jours, ce qu’il a refusé.
À l’eau
Contrairement à leurs maîtres qui ne sont jamais tombés à l’eau durant leur périple, Snoro et Noirot ont pris de bonnes douches durant le voyage, surtout au moment de jeter l’ancre, alors qu’ils étaient plus téméraires. Afin d’aider leurs bêtes à regagner le bateau, le couple a accroché une serviette en permanence à l’arrière du bateau pour leur permettre de s’y agripper et de remonter à bord.
1800 $ pour un visa
Yvon Legault et Carmelle Rousselle ont dû s’informer pour chacune des destinations sur les procédures à suivre pour obtenir un visa. En Malaisie, par exemple, un visa de trois mois était octroyé gratuitement, alors qu’aux Maldives le couple a dû débourser 1800 $ pour l’obtenir.
Au Brésil, la procédure a fait déchanter le couple puisque le visa devait être demandé avant d’arriver sur place et n’était valide que pour une semaine. Ils n’ont donc pas posé pied sur ce pays d’Amérique du Sud. En Indonésie et en Thaïlande, les visas devaient aussi être obtenus en avance, mais leur durée était plus longue.
Quant à la monnaie qui diffère d’un pays à l’autre, le couple a, chaque fois, utilisé sa carte de guichet pour retirer de l’argent dans les guichets automatiques trouvés dans les différents endroits visités.
Le périple d’Yvon Legault et Carmelle Rousselle
« De Nosy Be [Madagascar], nous avons traversé au Mozambique, ensuite jusqu’à Richards Bay, en Afrique du Sud, premier port d’entrée. » (octobre 2016 à décembre 2016)
« En mars 2017, nous avons quitté Cape Town [Afrique du Sud] pour une traversée de 18 jours en mer, pour arriver à l’île Sainte-Hélène [océan Atlantique Sud]. »
« Après l’île Sainte-Hélène, nous avons fait une traversée de 36 jours pour arriver à Grenade, qui représentait un tour complet puisque nous avions quitté Grenade en 2009. »
Coups de cœur
- Les îles de San Blas du Panama, aussi appelées Kuna Yala
- Île Suwarrow aux îles Cook
- Les îles Galapagos
- Les îles Marquises de la Polynésie française
- Vanuatu
- Madagascar
Ce qui les a marqués
- Ils ont nagé avec des dauphins et des raies manta dans l’océan.
- Des raies et un cachalot leur ont offert un spectacle en sautillant autour de leur bateau.
- Dans le ciel étoilé, ils ont aperçu à deux reprises la planète Mercure.
- Ils ont observé simultanément un lever de soleil à l’est et la lune qui se couchait à l’ouest.
- Ils sont arrivés face à face avec un éléphant en sortant de leur appartement.
- Ils ont croisé des navires de guerre dans l’océan Indien.