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Empathie 101

Empathie 101
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«Ça s'appelle de l'humanité. Ça s'appelle du doigté. Ça s'appelle de la délicatesse.» Ainsi débute la chronique du 28 septembre 2017 de Patrick Lagacé.  Pour l’essentiel, on y expose le manque d’empathie dont certains médecins font preuve à l’égard de leurs patients.  Bien sûr, quand des personnes sont dans un état de vulnérabilité grave en raison de leur état de santé, un manque d’empathie à leur endroit, aussi minime soit-il, est inacceptable. C’est vrai pour les médecins, mais ce l’est aussi pour tout être humain. Et plus je vieillis, plus je me rends compte que cette qualité humaine se perd chaque jour, un peu partout. Dans nos familles, nos cercles d’amis, au travail, à l’école.
Rien de très surprenant quand on y réfléchit.  Dans une société narcissique qui carbure aux égoportraits, aux «J’aime» et qui ne jure que par le Moi au lieu du Toi, c’est malheureusement la suite logique des choses.  Pour améliorer les compétences de communication de leurs membres, le Collège des médecins offre un programme de tutorat. Offre peu populaire, comme on l’apprend dans l’article de M.Lagacé.  Selon moi, même s’il s’agit d’une initiative plus que louable, c’est un peu beaucoup trop tard. C’est soigner un cancer généralisé à l’aide de vitamines C.  Le mal est déjà fait.

Pour s’assurer qu’une société (et pas seulement les médecins) développe une empathie naturelle envers l’autre, il faut débuter le plus tôt possible. Certains diront que c’est aux parents d’inculquer cette aptitude de vie. Oui, je le reconnais, c’est à la maison que débute l’enseignement de l’empathie. Toutefois, je crois que ce n’est peut-être pas suffisant.
En tant qu’enseignant, je crois que cela revient aussi à l’école de développer l’empathie chez les enfants. Utopique, dites-vous? Pas au Danemark.   Ce pays, souvent reconnu comme le plus heureux au monde, offre des cours d’empathie à tous ses élèves de 6 à 16 ans à raison d’une heure par semaine. En gros, les élèves sont amenés à développer leurs compétences à communiquer, à écouter, à échanger entre eux.  Pourquoi le Danemark a-t-il décidé de rendre l’empathie obligatoire dans ses écoles? Pour créer des adultes heureux, épanouis et équilibrés  qui sauront se mettre à la place de l’Autre, qui seront capables de mettre parfois leur Moi de côté au profit du bien d’autrui. 
À mon sens, les Danois ont compris quelque chose qui nous échappe depuis toujours.  Ils sont modernes, avant-gardistes. Et pour l’être, ils n’ont pas besoin d’inventer le véhicule volant ou le nouvel iPhone. 
Dans un monde centré sur lui-même, où les personnes se définissent de plus en plus par leurs photos Instagram, il est même urgent de développer ce genre de cours dans nos écoles. Bien sûr, le cours d’éducation financière, nouvellement offert en 5e secondaire, est important et il a sa place dans un parcours scolaire de qualité. Même chose pour le cours d’éducation sexuelle qui tarde à s’implanter dans nos établissements.  Ce sont deux cours importants, voire essentiels pour tous les jeunes Québécois.  Toutefois, un cours d’empathie serait tout aussi pertinent dans un cheminement scolaire qui vise l’excellence.
Or, je ne suis pas naïf. 
Dans un monde où l’école est souvent considérée comme une usine à diplômes qui forme de futurs travailleurs servant à faire rouler un système économique axé sur la consommation, juste l’idée d’un tel cours peut relever de l’absurde. 
Si les Danois sont si heureux, c’est en partie dû au fait qu’ils pensent aux autres et qu’ils ont appris à le faire dès l’école primaire. 
Comme s’ils n’avaient pas voulu laisser le hasard former leurs futurs citoyens. 
Être centré sur soi-même de manière excessive peut nous éloigner du bonheur. 
Les Danois l’ont compris. Il n’en tient qu’à nous de les imiter. 
Cela éviterait des tels dérapages dans le bureau du médecin. Et pas seulement là.
Un peuple plus empathique, un peuple tourné vers l’Autre, c’est une protection de plus vis-à-vis l’intolérance qui contamine notre jugement, nos valeurs. 
Si Sartre disait que l’enfer, c’est les autres, moi, j’ai envie de dire que le bonheur, c’est les autres.