Scandale Gilbert Rozon: les humoristes réagissent
Plusieurs humoristes ont accepté jeudi de livrer leurs commentaires sur l’affaire Gilbert Rozon.
Cogeco nouvelles et Le Devoir ont révélé mercredi qu’au moins neuf femmes leur ont raconté avoir été victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles de la part du fondateur de Juste pour rire. Gilbert Rozon a depuis annoncé qu’il quittait ses fonctions de président du Groupe Juste pour rire, de commissaire aux célébrations du 375e de Montréal ainsi qu’en tant que vice-président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Voici donc les réactions des humoristes :
GUY NANTEL
«J'ai personnellement coupé les liens avec Gilbert et le festival depuis plus d'un an justement en raison de ses problèmes de personnalité. Je ne remettrai plus les pieds à Juste pour rire tant que son nom y sera lié et ça, il le savait déjà avant les récents évènements. C'est malheureux parce qu'il a énormément fait pour tout le milieu de l'humour et pour ma carrière en particulier. Mais il m’a fait du mal aussi, comme à bien d'autres. Et maintenant, il ne doit pas que démissionner, il doit vendre et rapidement en plus, sinon j'ai bien peur qu'il n'y ait pas de festival l'été prochain faute d'artistes. Je lui souhaite de faire une thérapie et de s'en sortir. Il n'est jamais trop tard pour réparer les erreurs du passé, mais il a du chemin à faire et il doit être sincère dans sa démarche. Mais pour l'heure, mes pensées vont surtout à tous ceux et celles qui ont souffert de ses comportements narcissiques et manipulateurs.»
MARTIN CLOUTIER (du duo Martin et Dominic)
«Je veux saluer les témoignages de toutes ces filles-là qui sont droites comme une barre. [...] C’est le festival Juste pour rire. Là, c’est le contraire de rire. Ce n’est pas juste pour se faire chier. On s’en va tous là pour “avoir du fun”, véhiculer une valeur positive. Pis au loin, en arrière du bruit, t’es en train de me dire que ça arrivait pendant que j’étais peut-être sur le stage à faire rire 3000 personnes avec mon partner? Pour vrai? Ça n’arrivera plus. Gilbert Rozon ne gagnera plus une cenne à cause de moi. Je le dis publiquement. Je n’en ai pas parlé à Dominic. Il ne fera d’aucune façon, directement ou indirectement, une cenne avec moi. C’est terminé», a-t-il lancé sur les ondes de CKOI.
FRANÇOIS MASSICOTTE
«Je suis extrêmement choqué par l'affaire Rozon. Choqué et triste. Bravo aux journalistes pour cette enquête, mais surtout bravo à celles qui ont eu le courage de témoigner. Je connais bien plusieurs d'entre elles. Ça fait 29 ans que je participe à Juste pour rire, c'est comme si j'étais à côté quand ça s'est passé et je n'ai rien vu. Alors je suis solidaire avec mon ami Martin Cloutier, terminé Juste pour rire, Gilbert Rozon ne fera plus une cenne avec moi», a-t-il écrit sur Facebook.
ABID ALKHALIDEY
«Je condamne à 100% ces gestes. J’offre toute mon écoute, tout mon soutien et toute forme d’aide possible aux victimes. J’encourage et je suis fier que des gens osent parler et dénoncer ces comportements. Je pense que nous allons bénéficier de tout cela, dans l’avenir, en tant que société. Ça fait mal aujourd’hui, mais je pense que c’est un premier pas important vers la bonne direction. Je crois que ça va nous permettre de grandir. En ce moment, je crois qu’il faut surtout accueillir avec beaucoup de respect et de support toutes formes de dénonciation. Je crois que nous allons grandir tout ensemble en nous mettant dans cet état d’esprit.»
MARTIN PERIZZOLO
«À mes débuts dans l’industrie, vers l'an 2000, pendant le festival, Gilbert nous a invités, moi et deux autres humoristes à souper. À la table, il y avait un humoriste français prestigieux. Et lors du souper, Gilbert s’est levé et est passé derrière nous. À tour de rôle, il plaçait ses mains sur nos épaules. L’humoriste français lui faisait des oui ou des non de la tête... Il nous offrait à l’humoriste français. Aussitôt qu’on a découvert le scheme, on a eu la force de se lever et partir. On n’a pas figé. On a rigolé, “tsé”, des gars pis nos orgueils. On connaît malheureusement tous des histoires comme celles-là, pas juste dans cette industrie. Parmi les femmes qui ont pris la parole, je porte certaines d’entre elles dans mon cœur. Je ne souhaite de mal à personne, les dommages collatéraux seront graves, mais je supporte avec tout mon amour ces femmes. Je suis heureux qu’elles aient trouvé la force de ne plus rester figées. Je suis fier d’aborder le sujet de consentement dans mon spectacle. Rien n’est réglé, tout est encore à faire.»
JEAN-MICHEL ANCTIL
«Étant père de trois filles, c’est quelque chose qui vient me chercher. J’ai toujours dit à mes filles : "faites en sorte d’être respectées et de vous faire respecter". Quand tu vois des choses comme ça qui arrivent, c’est toujours désolant. Il y a une part d’incompréhension, en même temps. Tu te demandes ce qui peut pousser quelqu’un à faire ça. C’est un mélange de ça, je dirais: de l’incompréhension, de la colère...»
PIERRE HÉBERT
«Ce matin, j'ai embrassé ma fille en souhaitant que jamais un homme ne lui fasse du mal. J'ai serré mon gars dans mes bras en lui faisant la promesse que j'allais l'éduquer à aimer et respecter les femmes qu'il va côtoyer. Je m'assois en me demandant si j'avais pu faire quelque chose de différent, non pas juste dans l'histoire d'Éric Salvail ou de Gilbert Rozon, mais dans ma vie de tous les jours avec ma famille, mes collègues, mes amies... Je sais par contre que plus que jamais, j'ouvrirai mes oreilles, mes yeux, mais surtout mon cœur», a-t-il publié sur Facebook.
ALEX PERRON
«Je suis de tout cœur avec les présumées victimes. Je salue leur énorme courage parce que ça en prend! Et si M. Rozon est reconnu coupable, il devra en assumer les conséquences et surtout trouver une façon de changer ce comportement inacceptable.»
JEAN-THOMAS JOBIN
«Avec tous les témoignages accablants, il devenait impératif pour lui de démissionner. Pour plusieurs raisons, mais la principale étant pour, à tout le moins, faire un premier mea culpa par empathie pour ses victimes.»
LAURENT PAQUIN
«J’ai appris la nouvelle de la démission de Gilbert Rozon hier soir entre deux scènes alors que je jouais dans Demain Matin Montréal M’attend au au TNM.
Ce matin, j’étais debout à 6h pour me rendre sur le plateau d’un tournage. J’aurais aimé avoir plus de temps pour m’asseoir et penser à ce que j’allais vous dire là-dessus. Mais, je peux vous partager mon sentiment présent. Je suis extrêmement choqué, déçu, bouleversé, j’irais même jusqu’à dire que je me sens trahi.
Oui, trahi, parce que depuis les événements du manoir Rouville Campbell, j’ai cru que ce genre d’agissements était maintenant chose du passé chez lui. J’ai eu une conversation à ce sujet avec Gilbert Rozon, il y a quelques années, et il me semblait tout à fait sincère.
Peut-être m’accusera-t-on d’être naïf, voir même aveugle, mais je fais partie de ces gens qui croit qu’un humain peut changer. Parfois c’est le cas... mais parfois ce ne l’est pas.
D’où ma grande frustration.
Je crois et ce, sans aucune réserve, les femmes qui ont choisi de dénoncer.
Je n’ai jamais été témoin de ces agissements, et Gilbert Rozon ne s’en est évidemment jamais vanté devant moi.
Je travaille actuellement avec les gens de Juste Pour Rire Spectacle et je peux vous assurer que ces gens sont des gens biens, professionnel, respectueux, intègres et avec qui j’ai une relation professionnelle, mais aussi amicale et chaleureuse.
Je suis avec Juste Pour Rire et avec le Festival depuis plusieurs années et j’ai un attachement émotif avec l’entreprise et les gens qui y travaillent.
Par contre, je ne souhaite plus voir mon nom associé à celui de Gilbert Rozon.
C’est une histoire à suivre.
On se reparle.
Je vous aime.»
Réactions quant à l'émission Dans l'œil du dragon
Le porte-parole de Radio-Canada, Marc Pichette, a d’ailleurs indiqué qu’«aucune décision n’a encore été prise quant au retour de l’émission Dans l’œil du dragon en 2018». Il a ajouté que «si celle-ci est reconduite, il va sans dire que Monsieur Gilbert Rozon n’en fera pas partie».
DANIÈLE HENKEL (elle a été juge comme Gilbert Rozon à l'émission Dans l'œil du dragon en 2016)
«Bonjour à tous, je prends ce temps nécessaire pour vous partager mon ressenti. Je vous avoue que je suis profondément affligée par les dérangeantes révélations des derniers jours. Comme toujours, la vérité doit triompher et je souhaite que justice soit faite. Une fois la poussière retombée et l’attention médiatique dissipées, il faudra nous assurer qu’aucun évènement de la sorte ne passe sous le radar à nouveau. Servons-nous de ces situations inadmissibles pour décupler les efforts de sensibilisation et d’éducation», a-t-elle mentionné sur sa page personnelle.
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-Propos recueillis par Marc-André Lemieux, Raphaël Gendron-Martin et Valérie Gonthier