Détournement de patrimoine
Dans le flot de reportages et d'analyses de la mise à jour économique du gouvernement Couillard – j’y reviendrai ce jeudi dans ma chronique -, une nouvelle parmi d’autres est malheureusement passée inaperçu.
C’est en fait l'histoire d’une appropriation scandaleuse, mais peu étonnante. Certains diraient même d'un détournement politique et physique du patrimoine.
Le Devoir rapporte en effet que «le gouvernement canadien va de l’avant avec son projet de construire dans la région de la capitale fédérale un nouveau centre « dernier cri » pour rassembler, sous un seul toit, les 25 millions d’artefacts historiques et archéologiques qui constituent la collection nationale de l’agence Parcs Canada. Mais cette mesure centralisatrice déplaît au milieu des historiens et des archéologues.»
Traduction : comme entendait le faire le gouvernement de Stephen Harper avant lui, le gouvernement Trudeau s’apprêterait à mettre la patte sur des millions artefacts historiques précieux, y compris ceux issus des chantiers de fouille au Québec même.
Résultat : selon le professeur Martin Pâquet de l’Université Laval, «cela signifie beaucoup, car l’accès aux artefacts implique la recherche sur place. Les archéologues de Québec n’auront plus accès aux artefacts qui sont issus de leurs chantiers de fouille. De plus, pour les citoyens des lieux d’où viennent ces artefacts, c’est une dépossession de leur patrimoine. Par exemple, les Gaspésiens de Forillon, qui espéraient ravoir les artefacts des fouilles qui provenaient de chez eux — artefacts qui étaient entreposés à Québec jusqu’en 2012 —, devront faire 17 heures de route pour les consulter à Gatineau. Idem pour Louisbourg », l’ancienne forteresse française en Nouvelle-Écosse.»
On savait déjà que depuis Trudeau père, le fédéralisme canadien se faisait de plus en plus centralisateur. Mais qui aurait même songé à voir ce très mauvais travers s’étendre jusqu’en archéologie ? Quitte même à priver de nombreux chercheurs et citoyens, y compris au Québec, la seule province francophone au Canada, de pans entiers de leur propre «patrimoine» historique.
Ce «dossier» n’est peut-être pas aussi «sexy» que les déboires de Carey Price, mais pour les générations à venir, il est MAJEUR.
Le gouvernement Couillard a la responsabilité de prendre tous les moyens légaux possibles pour empêcher une telle centralisation au fédéral de ce qui, dans les faits, est une partie essentielle de la mémoire du Québec.
Les partis d’opposition ont aussi le devoir de continuer à le lui rappeler et les citoyens, de le dire à leurs élus.
C’est une question d’intégrité historique et de respect élémentaire pour la nation distincte que forme le Québec, simple «province» ou pas.