La médecine de quartier en péril
Des docteurs blâment les supercliniques du ministre Gaétan Barrette
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Au moins cinq médecins de famille du Centre médical Beauport prédisent la disparition de la « médecine de quartier », en raison du modèle de superclinique du ministre Gaétan Barrette, mais également de l’impossibilité pour leur équipe de recruter de nouveaux collègues.
« C’est impossible de recruter. Nous sommes une clinique de quartier qui existe depuis 1977. L’an prochain, on va peut-être perdre deux médecins. Le ministère ne gère pas bien les petits groupes de médecine de famille (GMF). À l’exception des grosses structures, tout ce qu’il y a autour risque de disparaître », affirme le Dr Nil Lefrançois, 71 ans.
Selon le médecin, qui compte 45 ans de pratique, toutes les autres cliniques semblables se retrouvent dans la même situation.
De la pression
Ailleurs, le Centre médical de Charlesbourg a fermé il y a quelques semaines son service sans rendez-vous en raison d’un manque de médecins. À Beauport, sept médecins offrent 68 heures de service par semaine, avec une ouverture 363 jours par année et un sans rendez-vous de 8 h à 20 h. En 2015, leur clinique était même l’une des plus performantes selon le ministère.
« Que le Dr Barrette décide de mettre de la pression sur les docteurs pour une augmentation de productivité, ça va. Mais c’est un spécialiste qui est habitué à des grandes structures de niveau hospitalier. La première ligne, je ne suis pas sûr qu’il connaît ça », affirme le Dr Lefrançois.
Face à une situation qui le désole, ce dernier parle d’une démarche collective de la part de son équipe. « On se sent abandonné. On n’a jamais de soutien. Les GMF étaient l’idéal pour offrir des services à la population dans son milieu. Nous devions être la solution, et il arrive un ministre qui veut faire des supercliniques. »
De l’intérêt
De son côté, le Dr Jérôme Croteau, 29 ans, est le plus jeune médecin du groupe. Malgré trois ou quatre décennies de moins que ses collègues, il aimerait bien poursuivre sa carrière dans son milieu actuel.
« Le recrutement est vraiment difficile. Les postes sont donnés dans les supercliniques. Je suis bien content d’être ici. Il y a une proximité de services pour la clientèle âgée du quartier. C’est difficile pour eux de se déplacer. »
Réagissant aux critiques, le ministre Gaétan Barrette a mentionné il y a quelques semaines qu’il ne pouvait garantir un recrutement. « Il y a une limite à ce que je peux faire », avait-il lancé. « C’est faux, totalement faux ! Il favorise ce qu’il veut créer », a rétorqué le Dr Lefrançois.
Ce qu'ils ont dit:
« Les GMF, c’était une bonne formule qu’il fallait bonifier, mais on dirait qu’ils ont pris une autre direction, une nouvelle saveur. »
— Dre Louise Martin, 40 ans de pratique médicale
« On a failli recruter l’an dernier. Quelqu’un était intéressé à venir ici, à faire exactement notre pratique. Tout le monde était favorable, mais il n’a pas eu le poste et il est allé à Trois-Rivières »
— Dre Diane St-Aubin, 30 ans de pratique médicale
« Je ne veux pas parler contre les confrères de mon âge, mais très peu vont prendre 3000 patients parce que les besoins ont changé. Si on veut agir, c’est tout de suite. »
— Dr Jérôme Croteau
« J’ai rencontré quatre fois le sous-ministre. J’ai demandé à avoir une discussion nez à nez avec le Dr Barrette. Je vais lui exposer c’est quoi la médecine de quartier. »
— Dr Nil Lefrançois, 45 ans de pratique médicale