Il veut être le Jean Coutu des cliniques privées
Un médecin qui a sept cliniques désire en avoir jusqu’à 50 d’ici cinq ans
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Un propriétaire de sept cliniques privées veut devenir le Jean Coutu des services médicaux payants, en profitant de l’intérêt des médecins de plus en plus nombreux à larguer le système public.
« Je n’ai jamais eu autant d’appels [de médecins] », assure le Dr Marc Lacroix, qui se voit à la tête d’un réseau de 25 à 50 cliniques privées dans plusieurs régions du Québec d’ici cinq ans.
Les Cliniques médicales Lacroix, qui comptent cinq établissements à Québec et une à Montréal, ont récemment acheté la clinique Avenir MD à Laval, ce qui en fait selon lui le médecin à la tête du plus grand nombre de cliniques privées au Québec. Un premier pas vers d’autres acquisitions, dit Marc Lacroix, qui cible aussi l’Estrie, le Saguenay et l’Outaouais.
Selon Marc Lacroix, de plus en plus de docteurs sont insatisfaits de la réforme Barrette et se tournent vers le privé en quête d’autonomie professionnelle. Il rappelle que le ministre de la Santé a notamment obligé les médecins avec 25 ans de pratique à suivre 1500 patients et à augmenter leur assiduité, donc d’être plus souvent disponibles pour les patients.
Le Dr Lacroix explique également que les médecins de ses cliniques sont des salariés à l’heure avec une rémunération qu’il qualifie de « compétitive » avec le système public, où les médecins sont payés à l’acte.
Son équipe compte 20 omnipraticiens, mais aussi un dermatologue, un endocrinologue, un gynécologue, un chirurgien et même un neurochirurgien.
179 $ pour 30 minutes
Une première consultation coûte 179 $ et le patient a la garantie d’avoir 30 minutes dans le bureau du médecin.
« L’ingrédient de base dont on a besoin en médecine familiale c’est du temps, et la réforme [de Gaétan Barrette] enlève du temps aux médecins », déplore le Dr Lacroix.
S’il ajoute que dans les premières années le recrutement était plus difficile, ses cliniques aujourd’hui ne manquent pas d’effectifs et embauchent constamment, poursuit-il.
88 départs
D’ailleurs, les plus récentes données publiées par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) semblent lui donner raison. Elles montrent que 88 médecins se sont désaffiliés du réseau public depuis 2017, dont 38 omnipraticiens.
Même s’il arrive que des docteurs quittent le réseau temporairement pour s’y réinscrire un mois ou une semaine plus tard, ces départs restent deux fois plus nombreux qu’en 2016 et qu’en 2015.
Ces départs n’inquiètent pas le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, car il juge que le nombre reste faible.
« Ma préférence va à un système public », dit-il, mais rien dans les lois canadiennes n’empêche un médecin de se désaffilier.
Si jamais leur nombre venait à croître davantage, le ministre dit qu’il pourrait par exemple imposer que les médecins au privé obtiennent la même rémunération qu’au public.
Des départs préoccupants selon la FMOQ
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) est préoccupée par le nombre de docteurs qui ont quitté le réseau public l’an dernier.
« On n’est pas surpris, parce qu’on avait un climat [négatif] des nombreux projets de loi qui menaçaient les médecins d’obligations et de pénalités, ç’a eu un effet, c’est certain », déplore le président de la FMOQ, Louis Godin.
De 2017 à aujourd’hui, ce sont 88 médecins qui se sont désaffiliés de la RAMQ, dont 38 omnipraticiens. Le Dr Godin soutient que ce nombre de docteurs dans le réseau public représente environ 40 000 patients qui pourraient être pris en charge.
« [Au privé], ils n’ont pas à se soucier des humeurs gouvernementales », poursuit-il, notamment sur les questions du nombre minimal de patients et de consultations que doit faire un médecin.
Insécurité
« Les discussions autour de la loi 20 [sur la réforme Barrette] ont créé un sentiment d’insécurité chez les médecins », remarque-t-il.
Le Dr Godin ajoute qu’il y a aussi des régions où l’installation de nouveaux médecins est difficile, car il y a peu de postes accordés, comme à Québec, notamment.
Par contre, il ne partage pas l’avis que les consultations dans un regroupement de médecins de famille soient nécessairement plus courtes que les 30 minutes garanties au privé.
Il déplore surtout que les médecins soient des cibles pour tous les partis politiques.
« Malheureusement, c’est connu, l’état du système public n’est pas à son mieux depuis quelques années et cela a sans doute incité certains médecins à choisir le privé », déplore quant à elle par courriel la porte-parole de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, Nicole Pelletier.