Obligation de travailler dans un rayon de 200 km: l’épuisement des préposés aux bénéficiaires pourrait s'empirer
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Comme si leurs conditions de travail n’étaient pas déjà assez difficiles, des préposés aux bénéficiaires dénoncent que leur employeur voudrait les obliger à travailler sur appel dans un rayon de plus de 200 km.
Le Journal a appris que cette demande a notamment été évoquée par le Centre intégré de santé et des services sociaux (CISSS) des Laurentides dans les négociations locales avec le syndicat.
Ainsi, un employé de Saint-Eustache à temps partiel pourrait recevoir un appel le matin même pour aller travailler à Mont-Laurier, à 2 h 30 de route. Des sanctions seraient imposées à ceux qui refusent. Une demande démesurée qui mènera encore plus d’employés à l’épuisement, selon le syndicat.
Les préposés seraient alors un peu comme des enseignants suppléants, qui vont d’école en école dans une commission scolaire. Par contre, quatre commissions scolaires différentes couvrent le territoire du CISSS des Laurentides.
Une première
« Après 17 ans [à temps partiel] je pensais améliorer mon sort, mais je pense pas que c’est ce que mon employeur est en train de m’offrir », déplore la préposée aux bénéficiaires Karine Lehoux, de Saint-Jérôme.
Marie-Claude Ouellet, qui siège à la table des négociations, dit que le CISSS ne veut pas limiter les employés à un établissement. Lors d’une rencontre le 24 janvier, elle a demandé si l’employeur voulait déplacer ses employés sur tout le territoire et « la réponse du porte-parole patronal a été “oui” », ajoute-t-elle.
Pourtant, la porte-parole du CISSS des Laurentides, Myriam Sabourin, assure qu’il n’est « pas du tout » question d’obliger les employés de voyager de Saint-Eustache à Mont-Laurier.
Elle souligne cependant que le CISSS aimerait accroître la mobilité du personnel pour combler plus facilement ses quarts de travail. Des « secteurs géographiques » sont envisagés, dit-elle.
La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), qui représentent ces travailleurs, dit que c’est la première fois qu’elle voit une telle demande. Ces négociations locales sont les premières depuis la création des CISSS par la réforme Barrette. D’autres régions auraient aussi les mêmes demandes pour ses préposés, selon une vice-présidente de la FSSS, Josée Marcotte.
« Ça va juste aggraver les choses, plutôt que de les améliorer », se désole Mme Marcotte. Selon elle, dans le climat actuel où les infirmières et les préposées épuisées dénoncent leurs conditions de travail, les employeurs devraient plutôt songer à donner « de l’oxygène » à ses travailleurs.
Pour sa part, Karine Lehoux souligne qu’elle réfléchira sur son avenir si les propositions patronales devenaient réalité. La mère monoparentale dit qu’il lui serait impossible de concilier travail et famille si elle recevait un appel le matin l’obligeant à aller travailler à 200 km de chez elle.
Comme préposée à temps partiel, elle travaille déjà dans plus d’un CHSLD selon les besoins, mais tous dans la ville de Saint-Jérôme.
Par ailleurs, son syndicat indique aussi que pour pallier le manque de personnel et les besoins criants, l’employeur voudrait aussi transformer des postes à temps partiel. Ainsi, plutôt que de travailler un nombre de jours fixes, les employés se verraient garantir un nombre d’heures par année. Un préposé pourrait alors se retrouver à travailler 12 jours de suite et ne plus retravailler pendant trois mois.
À ce sujet, la porte-parole du CISSS dit ne pas vouloir commenter chacune des discussions tenues à la table des négociations, mais souligne qu’il n’y a « pas d’inquiétude à y avoir ».
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a quant à lui refusé de commenter les négociations locales entre les CISSS et leurs employés.
Des essais pour les infirmières
Des projets pilotes pour réduire le ratio de patients d’une infirmière seront bientôt tentés par le gouvernement.
« Ça avance », a déclaré la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), Nancy Bédard, hier, après une troisième rencontre avec le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
L’épuisement des infirmières, qui ont été nombreuses à le dénoncer cet hiver, a mené à la tenue de ces rendez-vous entre le syndicat des infirmières et le ministre pour trouver des solutions.
Mme Bédard estime d’ailleurs que les professionnelles « vont voir la lumière au bout du tunnel rapidement » si les engagements du gouvernement se concrétisent.
Trois semaines
D’ici trois semaines, les lieux des projets pilotes seront décidés, ainsi que les ratios proposés.
Actuellement, une infirmière en CHSLD peut avoir de 50 à 100 patients à sa charge lors d’un quart de travail, selon la FIQ.
Si les nouveaux ratios démontrent que les patients reçoivent de meilleurs soins et offrent un meilleur climat aux infirmières, le ministre Barrette pourrait envisager davantage d’embauches.