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Denis Coderre et le syndrome du maire-entrepreneur

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a démoli le 13 août en après-midi une partie des dalles de béton aménagées dans un parc-nature de l'Ouest-de-l'Île par Postes Canada qui désirait y installer des boîtes postales sans la permission de la Ville.
AMELI PINEDA/24 HEURES/AGENCE QMI

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Le rapport du Bureau de l’Inspecteur Général (BIG) blâmant l’administration Coderre pour sa gestion de la Formule E ne devrait surprendre personne. Trop souvent, politiciens et citoyens considèrent qu’une Ville devrait être gérée comme une entreprise privée, et les actes décrits dans le rapport sont la conséquence directe d’une telle philosophie.

Résumons ce que le BIG reproche à l’ancien maire Coderre. Lorsqu’Evenko, qui avait été approchée par l’ancienne administration afin d’être le promoteur de la course de Formule E, a conclu que la course serait nécessairement déficitaire, la compagnie a choisi de ne pas agir comme promoteur de l’événement. En réponse, l’administration Coderre a alors choisi de créer une organisation à but non-lucratif, Montréal c’est Électrique (MCE), avec comme mission d’organiser la course de Formule E. MCE a ensuite mandaté Evenko afin d’organiser l’événement, sans passer par un appel d’offres comme la Ville aurait dû le faire si elle avait elle-même accordé un tel contrat à une entreprise.

L’enquête du BIG révèle que le cabinet du maire contrôlait toutes les décisions de MCE, ce qui rend la stratégie limpide: la création de MCE a servi à conserver Evenko comme le promoteur de facto de l’événement tout en faisant faire courir les risques financiers à une autre entité.

D’une certaine façon, nous avons déjà vu pire comme scandale: rien n’indique que des individus se soient enrichis personnellement dans cette histoire. Ce que le rapport du BIG révèle, toutefois, ce sont les efforts déployés par l’administration Coderre afin de contourner les règles d’octroi des contrats, et ce dans le but de garantir la tenue de la course de Formule E à tout prix.

On est ici en présence d’un mal qui n’est pas unique à Denis Coderre, mais plutôt répandu parmi les maires de plusieurs municipalités au Québec et à l’extérieur de la province: le syndrome du maire-entrepreneur. Le maire-entrepreneur se voit d’abord et avant tout comme le promoteur de sa municipalité. Son rôle, à ses yeux, consiste à faire fleurir sa municipalité, que ce soit en convaincant des entreprises de venir s’installer sur son territoire, ou encore en y tenant des événements qui génèrent de l’activité économique, comme la course de Formule E.

Se faisant, le maire-entrepreneur a tendance à oublier qu’il est un élu et pas le chef d’une entreprise. Il oublie parfois que les risques associés à ses décisions sont assumés par l’ensemble des contribuables, comme les Montréalais qui ont dû éponger le déficit de MCE. Il oublie aussi parfois qu’il doit se conformer aux règles de bonne gouvernance qui ont été adoptées afin d’éviter les dérapages.

Les politiciens n’ayant pas la cote auprès du public, il est avantageux pour les candidats aux élections de se présenter comme des maires-entrepreneurs avant tout. La prépondérance de partis politiques municipaux portant le nom du candidat à la mairie (ex : « Équipe Denis Coderre ») témoignent de cette tendance à mettre de l’avant les supposés talents de gestionnaires des candidats plutôt que leur programme politique.

Denis Coderre, dont la personnalité était le principal argument de vente lors de son élection en 2013, a définitivement joué la carte du maire-entrepreneur avec succès. Malheureusement pour lui, les inconvénients de ce style de gestion lui ont explosé à la figure en pleine campagne électorale avec le fiasco de la Formule E, et ils reviennent encore le hanter aujourd’hui. En élisant Valérie Plante à la mairie en novembre dernier, les électeurs n’ont pas seulement choisi le programme de Projet Montréal. Ils ont aussi choisi de sanctionner le maire-entrepreneur et d’élire une mairesse tout court à sa place.

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