La consécration du Petit Prince
Le jour où Gilles Villeneuve est devenu une superstar
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Ils sont plusieurs à prétendre que Gilles Villeneuve ne méritait pas de gagner le premier Grand Prix du Canada disputé à Montréal il y a 40 ans à bord de sa Ferrari.
N’eut été des ennuis de Jean-Pierre Jarier, qui convoitait lui aussi sa première victoire en F1, le pilote québécois aurait sans doute accédé au podium mais jamais sur la première marche en ce 8 octobre 1978.
La course automobile est ainsi faite. Aucun pilote n’est à l’abri de la défaillance de sa voiture, même quand il se retrouve derrière le volant de la meilleure monoplace du plateau à l’époque, la Lotus, celle qui allait consacrer Mario Andretti au titre de champion du monde. Le malheur de l’un a fait le bonheur de l’autre.
Jarier, appelé à remplacer Ronnie Peterson qui avait perdu la vie de façon tragique à Monza, en Italie, quelques semaines plus tôt, a dû abandonner, victime d’une défaillance de ses freins arrière, alors qu’il s’était forgé une avance en tête de près de 30 secondes avec une vingtaine de tours à parcourir.
Un dépassement à la... Villeneuve
Le pilote français, qui n’aura jamais été aussi près de gagner un Grand Prix, a sans doute abusé de sa mécanique. Son abandon était prévisible sur un tracé aussi exigeant.
Aussi inattendue en ce 8 octobre 1978, cette consécration allait arriver tôt ou tard. Villeneuve était trop doué pour passer à côté.
Le sort a voulu qu’elle survienne devant les siens.
Quelques mois plus tôt à Long Beach, en Californie, celui qu’on appelait affectueusement le Petit Prince, avait frôlé l’exploit avant de trouver sur son passage un certain Clay Regazzoni à qui il souhaitait prendre un tour.
Cette fin de parcours abrupte dans les pneus de protection a néanmoins su faire taire tous des détracteurs qui affirmaient que Villeneuve n’avait pas sa place en F1.
Après le signal du départ, le pilote de Berthierville, alors rétrogradé du deuxième au quatrième rang, s’était payé un dépassement digne d’un... Villeneuve.
À l’entrée du premier virage, en épingle, il se faufile à l’intérieur pour en sortir premier devant des adversaires stupéfaits et pas les moindres : son coéquipier Carlos Reutemann, ainsi que Niki Lauda et John Watson, partenaires chez Brabham.
Ce n’était donc que partie remise. C’est probablement à Long Beach qu’il aurait dû remporter sa première victoire en F1. Il se rachètera à cet endroit dès l’année suivante. Et avec panache.
Un moment d’extase
Devant un public conquis d’avance mais peu vendu à la F1, Villeneuve a su créer l’euphorie à l’Îe Notre-Dame. Sa victoire a fait de lui une superstar. Une idole est née.
Et, encore aujourd’hui, on dit de lui, oui 40 ans plus tard, qu’il aura été l’un des plus grands ambassadeurs que le Québec a connu.
S’il n’avait pas été fauché par un terrible accident le 8 mai 1982 à Zolder, en Belgique, il aurait sans doute rejoint la cour des champions du monde.
Encore aujourd’hui, des observateurs avertis n’hésitent pas à classer le petit gars de Berthierville dans le top 5 des pilotes les plus marquants de l’histoire de la F1.
Magistral sous la pluie
On a toujours dit d’un pilote d’exception qu’il était habile sous la pluie. À l’image d’un Ayrton Senna, disparu prématurément lui aussi, Villeneuve, comme le Brésilien que plusieurs décrivent comme le plus grands de tous les temps, était magistral face aux intempéries.
À Watkins Glen, site du Grand Prix des États-Unis Est en 1979, il avait fait une démonstration hors du commun qui allait susciter l’admiration de tous et surtout de ses rivaux.
Sur une piste détrempée lors d’une séance d’essais libres, Villeneuve défie toute logique en enchaînant les tours à un rythme d’enfer. Si bien qu’il a été le plus rapide, devançant le deuxième au tableau, son coéquipier Jody Scheckter, par 11 secondes !
Des pilotes se sont dirigés en bordure de la piste pour assister à ses prouesses. L’un deux, Jacques Laffite, n’avait pas caché son émerveillement.
«Ça ne vaut pas la peine de tenter de le battre, avait alors déclaré le pilote français. Il est dans une classe à part.»
Villeneuve avait attiré une meute de journalistes à sa sortie de voiture.
«Je me suis amusé, a-t-il répondu avec un large sourire. J’aurais peut être pu rouler encore plus vite, mais mon moteur avait des ratés sur la ligne droite. C’est dommage. Peut-être aussi aurais-je été victime d’un accident...»
♦ Doublé canadien: Comme si la victoire de Gilles Villeneuve n’était pas suffisante, ce premier Grand Prix à Montréal a été marqué par la deuxième place de Jody Scheckter qui avait été recruté par une écurie fondée par l’homme d’affaire canadien Walter Wolf. Comme scénario idéal, on ne pouvait trouver mieux.
Résultats 1er GP du Canada à Montréal
Pos | Pilote (PAYS) | Écurie | Moteur | 8 octobre 1978 |
1. | Gilles Villeneuve (CAN) | Ferrari | Ferrari | 70 tours en 1h 57min, 49,196s |
2. | Jody Scheckter (AFR) | Wolf | Ford | à 13,372s |
3. | Carlos Reuteman (ARG) | Ferrari | Ferrari | à 19,408s |
4. | Riccardo Patrese (ITA) | Arrows | Ford | à 24,667s |
5. | Patrick Depailler (FRA) | Tyrrell | Ford | à 28,558s |
6. | Derek Daly (IRL) | Ensign | Ford | à 54,476s |
7. | Didier Pironi (FRA) | Tyrrell | Ford | à 1 min, 21,250s |
8. | Patrick Tambay (FRA) | McLaren | Ford | à 1 min, 26,560s |
9. | Alan Jones (AUS) | Williams | Ford | à 1 min, 28,942s |
10. | Mario Andretti (É.-U) | Lotus | Ford | à 1 tour |
11. | Nelson Piquet (BRÉ) | Brabham | Alfa Romeo | à 1 tour |
12. | J.-Pierre Jabouille (FRA) | Renault | Renault | à 5 tours |
Non classé | ||||
Keke Rosberg (FIN) | ATS | Ford | à 12 tours | |
Abandons | ||||
Jacques Laffite (FRA) | Ligier | Matra | au 53e tour | |
James Hunt (G.-B.) | McLaren | Ford | au 52e tour | |
J.-Pierre Jarier (FRA) | Lotus | Ford | au 50e tour | |
René Arnoux (FRA) | Surtees | Ford | au 38e tour | |
Bobby Rahal (É.-U.) | Wolf | Ford | au 17e tour | |
John Watson (G.-B.) | Brabham | Alfa Romeo | au 9e tour | |
Niki Lauda (AUT) | Brabham | Alfa Romeo | au 6e tour | |
Hans-Joachim Stuck (ALL) | Shadow | Ford | au 1er tour | |
Emerson Fittipaldi (BRÉ) | Fittipaldi | Ford | au 1er tour | |
Non qualifiés | ||||
Clay Regazzoni (SUI) | Shadow | Ford | ||
Beppe Gabbiani (ITA) | Surtees | Ford | ||
Arturo Merzario (ITA) | Merzario | Ford | ||
Hector Rebaque (MEX) | Lotus | Ford | ||
Rolf Stommelen (ALL) | Arrows | Ford | ||
Michael Bleekemolen (P.-B.) | ATS | Ford |
Position de tête : Jean-Pierre Jarier 1 min, 38,015s
Meilleur tour en course : Alan Jones 1 min, 38,072s (au 70e tour)