Quel territoire?
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Pour rêver un territoire, encore faudrait-il en avoir un à nous. Déjà que ceux qui nous ont vaincus au dix-huitième siècle puis au dix-neuvième siècle, nous ont parqués dans une réserve, vaste en effet, mais une réserve tout de même, qui s’appelle province de Québec, alors que le Canada français courait depuis la baie James jusqu’à la Louisiane.
Disons qu’il ne faut pas se surprendre du désintéressement pour le territoire qu’on nous a alloué par la force des armes. Sans parler qu’il semblerait que nous, Montréalais, habiterions un territoire « non cédé »... Alors, comment rêver d’un territoire dans de telles conditions ?
Les deux auteurs déplorent que nos régions se vident de leur jeunesse au profit des grands centres urbains et que nous n’exploitions pas suffisamment nos potentiels et nos ressources. Il faut de l’audace et de l’ambition, semblent-ils dire, comme nos ancêtres défricheurs et coureurs des bois. Habitons-le mieux, arrêtons de critiquer le froid, la neige et les canicules. Nous sommes devenus des Nord-Américains, bien différents des colons venus de France, nos ancêtres. Multiplions les ententes et traités avec nos frères Amérindiens et Inuit, valorisons nos quatre saisons et résistons aux sirènes des tout-inclus sur les chaudes plages du Sud.
Ce sont souvent des menaces de catastrophe qui suscitent un regain d’amour et de solidarité. Ainsi, en 2010, nous nous sommes réveillés avec une grave menace à notre confort citadin et rural. Des entreprises gazières se proposaient de forer des puits un peu partout le long du fleuve Saint-Laurent pour y extraire du gaz de schiste.
Tout cela avec l’appui du gouvernement. Le sous-sol des champs, des villages et des villes appartenait à ces entreprises gazières. Nos nappes phréatiques étaient menacées. Ça n’avait aucun sens. Alors, « de 2010 à 2013, une mobilisation citoyenne sans précédent a motivé le décret d’un moratoire sur les activités gazières. [...] Nous pouvions espérer reprendre nos droits sur le territoire ».
Inverser la situation
Les auteurs en appellent à une meilleure connaissance de notre territoire : climat, géologie, faune et flore. Et de citer en exemple la découverte récente de cette plante, l’asclépiade. Cette mauvaise herbe, qui pousse abondamment dans nos champs, serait la soie d’Amérique. « Elle peut absorber jusqu’à deux fois plus de pétrole que les matériaux usuels en cas de déversement. Elle est plus chaude, aussi compacte et moins chère que le duvet. » Les Amérindiens la connaissaient et l’utilisaient déjà dans la fabrication de leurs vêtements ou comme médecine.
Appelant à une mobilisation autour de la survie des petits villages, les auteurs citent le cas de Saint-Camille, en Estrie. Le village se dépeuplait au profit des villes. On a organisé une sorte de « grande séduction » pour inviter de nouveaux citoyens à s’y installer. Le but était d’éviter la fermeture de l’école primaire, du bureau de poste ou de la Caisse populaire, comme cela se voyait ailleurs. On a mis sur pied un Centre communautaire et culturel, créé des projets d’habitation sur de petites fermes, etc. Résultat : la population s’est accrue d’environ 20 %.
La région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et celle du Bas-Saint-Laurent seraient les plus menacées par la dévitalisation. « Comment peut-on laisser aller ainsi tant de vies, et tant de potentiels ? » disent les auteurs. Ici, les recettes toutes faites ne fonctionnent pas. Il faudra penser local en ajustant nos lunettes, mobiliser les ressources humaines et créer des solidarités nouvelles. Cet ouvrage fourmille de conseils et d’exemples d’initiative.