Ubisoft, milliardaire des subventions
Plus important bénéficiaire des crédits d’impôt du Québec, Ubisoft dépendra de l’aide gouvernementale jusqu’en 2027, au moins.
Depuis 2005, Ubisoft a reçu pas moins de 1,1 milliard $ en crédits d’impôt et subventions au Canada, révèle une compilation faite par Le Journal à partir des rapports annuels de la multinationale française.
Environ 90 % de cette somme a été versée par le gouvernement du Québec.
L’an dernier, Ubisoft a reçu pas moins de 148 M$ en aide gouvernementale au Canada. Cela représente plus de 31 000 $ pour chacun des 4700 salariés que l’entreprise compte au pays.
Et ce n’est pas fini : l’an dernier, Québec a garanti à Ubisoft le maintien du niveau actuel des crédits d’impôt jusqu’en 2027, en retour de quoi l’entreprise s’est engagée à créer 1000 nouveaux emplois dans la province.
Le Québec et l’Ontario ont versé près des trois quarts des subventions totales de 192 millions de dollars qu’Ubisoft a touchées l’an dernier dans le monde.
D’autres pays comme la France, le Royaume-Uni et Singapour ont également contribué.
Ces subsides permettent à Ubisoft de réduire de 20 % le coût des salaires versés à ses 13 740 employés dans le monde.
Profits subventionnés
Mieux encore, le soutien des États explique une grande partie de la rentabilité d’Ubisoft.
Au cours des quatre dernières années, l’entreprise a enregistré des profits nets de 634 millions $, mais a reçu pour 615 millions $ en subventions.
« Tout changement des politiques gouvernementales pourrait avoir un impact significatif sur les coûts de production et la rentabilité de la société », reconnaît d’ailleurs Ubisoft dans son dernier rapport annuel.
Louis Têtu, PDG de Coveo, s’indigne que des entreprises comme Ubisoft vivent ainsi aux crochets des gouvernements.
« On envoie des chèques à Paris, à New York et en Californie, mais on ne bâtit rien ici, déplore-t-il. En plus, on nuit aux propriétaires d’entreprises d’ici, qui peinent à réaliser leur virage numérique parce qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre dans le numérique. »
« Les programmes de crédits d’impôt, ce sont des choix qui sont faits dans différentes économies à travers le monde, qui permettent de stimuler de la croissance, des revenus directs et des retombées indirectes », répond Cédric Orvoine d’Ubisoft.
De son côté, Catherine Émond, directrice de l’Alliance numérique, le lobby de l’industrie, fait valoir que les crédits d’impôt ont permis à plusieurs entrepreneurs de se lancer en affaires.
Le secteur québécois du jeu vidéo compte aujourd’hui 140 entreprises qui emploient 11 000 personnes.
Mme Émond note également que certaines des avancées faites dans les jeux vidéo sont par la suite exportées dans d’autres secteurs, notamment ceux de l’intelligence artificielle et des technologies financières.
46 M$ à CGI
Dans le secteur informatique, la multinationale montréalaise CGI est un autre grand bénéficiaire des crédits d’impôt.
L’an dernier, l’entreprise en a touché pour 183 millions $ dans le monde, dont environ 25 % de Québec, soit 46 millions $.
« S’il n’y avait pas de crédit d’impôt, on n’aurait pas ouvert de bureaux à Shawinigan, où on a un peu plus de 200 personnes aujourd’hui, à Saguenay où on a 650 personnes, ou à Sherbrooke où on en a 350. Ce sont des emplois qui iraient ailleurs parce qu’il y a beaucoup de compétition entre les différents pays », affirme un porte-parole de CGI, Sébastien Barangé.
D’autres acteurs importants du secteur technologique montréalais, comme Ericsson et Morgan Stanley, ne divulguent pas les sommes qu’ils reçoivent de Québec.
Principaux bénéficiaires des crédits d’impôt
Les crédits d’impôt québécois permettent aux employeurs de certains secteurs technologiques de se faire rembourser par l’État jusqu’à 37,5 % des salaires admissibles.
- Ubisoft : 4000 salariés au Québec
- CGI : 7000
- Ericsson : 1400
- Morgan Stanley : 1200
- SAP : 950
► Note : Ce ne sont pas les salaires de tous les employés qui sont admissibles aux crédits d’impôt. De plus, les taux de remboursement des salaires varient.
Combien coûtent les crédits d’impôt ?
Dépenses fiscales projetées pour 2017
- Recherche et développement : 444 M$
- Développement des affaires électroniques : 349 M$
- Titres multimédias (jeux vidéo) : 190 M$
- Films et séries de l’étranger : 155 M$
- Cinéma et télévision pour le Québec : 140 M$