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Simon Brault joue au plus fin

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De retour de vacances, Simon Brault, directeur général du Conseil des arts du Canada, s’est empressé de nier qu’il y ait eu censure dans son refus de subventionner Kanata, la pièce de Robert Lepage et Michel Nadeau que devait présenter à Paris le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine.

Aussi malin que jésuite, Brault attribue uniquement l’abandon du projet au désistement du coproducteur américain (Park Avenue Armory). L’affaire Kanata n’aurait dès lors rien à voir avec la fin abrupte du spectacle SLĀV, que plus d’un a attribuée à la censure.

Brault, qui est, si je ne m’abuse, comptable professionnel agréé, n’a pas besoin d’une analyse pour comprendre que la perte d’une subvention pouvant aller jusqu’à un demi-million de dollars et le retrait d’un important partenaire financier sont plus qu’il n’en faut pour rendre un projet irréalisable. Le Conseil des arts a refusé son aide à Kanata parce que les créateurs ne rencontraient pas les « quotas », n’étant pas entourés de collaborateurs des Premières Nations.

PAS DE CENSURE, MAIS...

Ébranlée par ce refus, la confiance de Park Armory fut réduite à néant par l’annulation du spectacle SLĀV. Si Brault a raison de prétendre qu’il n’y a pas eu censure comme telle pour Kanata, la décision du Conseil a eu les mêmes conséquences. Quand on tient les cordons de la bourse, on n’a pas besoin de censurer. Il suffit de couper les vivres pour arriver aux mêmes fins.

En septembre, Simon Brault et Steven Loft, son directeur des arts autochtones au Conseil, ont publié une lettre dans laquelle ils écrivent que « l’appropriation des récits, des façons d’être et des œuvres d’art autochtones est tout simplement une continuité du colonialisme ».

Il faut avoir une analyse joliment déformée par de longues années de fonctionnariat ou son équivalent (Brault est au CAC depuis 14 ans) pour juger que la relecture que proposait Kanata de nos relations avec les Premières Nations constitue une « appropriation culturelle ». On ne s’approprie rien de l’autre quand on présente sur lui un point de vue différent et plus éclairé.

Comme l’a révélé Michel Nadeau, coauteur de Kanata, la pièce se situe à trois époques différentes. À chacune, un artiste européen se lie d’amitié avec un autochtone et découvre avec lui les drames révoltants vécus par les Premières Nations. Comme les écoles résidentielles et les centaines de disparitions de leurs femmes et de leurs filles.

LE POINT DE VUE D’ARIANE MNOUCHKINE

Hier, à l’émission Medium large de Radio-Canada, Ariane Mnouchkine, dans des propos d’une grande modération, a fait part à Stéphan Bureau de sa tristesse que Kanata soit abandonné. Malgré l’échec de sa rencontre du 19 juillet avec Robert Lepage et les opposants des Premières Nations, elle a renouvelé son offre d’ouvrir le Théâtre de la Cartoucherie à tout producteur autochtone voulant en profiter. De son côté, Lepage maintient son offre d’ouvrir aux autochtones la scène de son nouveau théâtre, Le Diamant. Ariane Mnouchkine a rappelé que Lepage aurait été prêt à ajouter à Kanata un 4e acte entièrement conçu et joué par des autochtones.

Mme Mnouchkine a finalement déploré la succession de fatwas (mises à mort) que les fanatiques lancent sur les réseaux sociaux et la vitesse à laquelle des murs s’érigent entre les peuples. N’en déplaise à Simon Brault, elle a ajouté que la censure peut aussi être économique, ce que représente le refus du Conseil des arts de supporter Kanata.

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