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Elle poursuit son médecin après la mort de son bébé

La docteure a oublié de téléphoner à sa patiente avant de partir en vacances

Audrey Cayer avec Jade, sa fille de deux ans. Elle a conservé les photos prises après son accouchement du nourrisson décédé, une pratique qui aide les parents qui vivent un deuil périnatal. Elle garde aussi un lampion à l’effigie du petit Jake à côté de son lit. 
Photo Dominique Scali Audrey Cayer avec Jade, sa fille de deux ans. Elle a conservé les photos prises après son accouchement du nourrisson décédé, une pratique qui aide les parents qui vivent un deuil périnatal. Elle garde aussi un lampion à l’effigie du petit Jake à côté de son lit. 

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Une mère qui a perdu son bébé presque à terme poursuit son médecin pour 195 000 $. Celle-ci serait partie en vacances sans l’avertir qu’un accouchement d’urgence était nécessaire.

« C’est la pire affaire au monde, perdre un bébé à la fin d’une grossesse parfaite », lâche Audrey Cayer, 35 ans.

Dans son petit appartement de Maskinongé en Mauricie, un lampion et une photo de Jake, le garçon décédé avant même de voir le jour, trônent à côté du lit.

« Je ne suis pas capable de faire mon deuil [...] J’y pense tout le temps. »

En mai dernier, elle a entamé une poursuite contre la Dre Estelle Bélanger, qui fait face à une plainte disciplinaire pour n’avoir pas fait un suivi de grossesse adéquat.

Au début mai 2015, Mme Cayer en était à plus de huit mois de grossesse quand elle a consulté la Dre Bélanger pour une échographie de routine à la Clinique de gynécologie et d’obstétrique de Trois-Rivières. On lui a alors dit que tout allait bien.

Sauf qu’elle ignorait alors que son enfant était en train de mourir.

« Mais si j’avais accouché ce jour-là, mon garçon serait vivant. »

Tout baigne

Lors d’un examen de routine subséquent, elle a rencontré un autre médecin de la même clinique, mais celui-ci n’arrivait pas à trouver l’échographie précédente et a donc présumé que tout allait encore bien.

Ce n’est que lors d’un nouvel examen de routine à la fin du mois de mai qu’on l’a informée que son enfant était mort dans son ventre. Elle s’est donc rendue d’urgence à l’hôpital. Après quelque 14 heures de labeur, elle a accouché du petit Jake.

« Un beau petit garçon de cinq livres », dit-elle en retenant ses larmes.

Quelques semaines plus tard, la Dre Bélanger a demandé à la rencontrer dans son bureau, raconte Mme Cayer. Elle lui aurait dit que la mort de Jake était due à son erreur. Après l’échographie, la médecin aurait réalisé qu’il ne s’alimentait plus correctement.

Elle aurait oublié de téléphoner à sa patiente pour l’avertir, puis serait partie en vacances en laissant le document sur son bureau, et non dans son dossier médical.

« Quand elle me l’a avoué, elle pleurait. [...] Mais il reste que c’est de la négligence. »

Surprotection

Mme Cayer a aujourd’hui une petite fille de deux ans prénommée Jade. Encore troublée par la perte de son premier enfant, elle avoue avoir tendance à la surprotéger.

« Je m’empêche de travailler pour la garder avec moi. Ça fait trois garderies où je l’inscris, mais je ne suis pas capable. Je le sais qu’il faut que je consulte [en psychothérapie]. »

Mais pour cela, il faut des sous, explique-t-elle.

Elle demande donc 195 000 $ en dommages et intérêts, selon le document de cour obtenu par Le Journal.

Le Collège des médecins trop lent, selon un expert

Il aura fallu deux ans et demi pour qu’aboutisse l’enquête sur Estelle Bélanger par le Collège des médecins, que certains accusent de « lenteur déraisonnable ».

« C’est ridicule. C’est inacceptable », s’exclame Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades.

Le Collège des médecins est censé protéger le public contre les erreurs médicales et recueillir les plaintes des usagers.

Audrey Cayer avait donc demandé une enquête en décembre 2015. Mais ce n’est qu’en juin dernier que le Collège a officiellement déposé une plainte disciplinaire contre la Dre Bélanger.

Délais « déraisonnables »

Pendant ce temps, Mme Cayer attendait impatiemment les résultats de cette enquête pour pouvoir entamer sa poursuite, explique son avocat, Jimmy Lambert. Surtout que pour poursuivre au civil, il y a des délais de prescription à respecter.

Mme Cayer n’est d’ailleurs pas sa première cliente à faire les frais des délais « déraisonnables » du syndic, souligne Me Lambert.

« Le Collège prend un temps infiniment long à traiter les plaintes des citoyens. »

« On ne peut pas dire qu’on protège le public quand on prend deux ans et demi [à lui répondre], abonde Paul Brunet. Il faut que le syndic comprenne que quand ça prend trop de temps, c’est comme si justice n’était pas rendue. »

Dans l’oubli

De son côté, Mme Cayer explique qu’elle voudrait protéger d’autres mères contre le genre d’erreur qui a coûté la vie à son bébé.

« Je ne veux pas juste de l’argent. Je veux que ça ait un impact [...] Sans cela, mon fils tombe dans l’oubli. »

Le Collège confirme qu’une plainte disciplinaire a été déposée contre la Dre Bélanger, mais qu’il ne peut commenter le dossier pour l’instant. Des audiences auront lieu prochainement et le conseil de discipline déterminera s’il y a bel et bien eu faute professionnelle.


Le Journal n’a pas été en mesure d’obtenir la version des faits d’Estelle Bélanger car elle était en vacances, nous a-t-on indiqué à sa clinique. Son avocat n’a pas pu être joint non plus.

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