Trop d'élus à Montréal?
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Les temps sont durs pour les élus municipaux au Canada. En Ontario, le premier ministre Doug Ford a créé une crise politique et constitutionnelle lorsqu’il a annoncé avoir recours à la clause dérogatoire afin de forcer Toronto à réduire son nombre d’élus de 47 à 25 et ce, malgré l’avis d’un juge qui a déclaré cette mesure est anticonstitutionnelle.
Au Québec, François Legault a déclaré cette semaine vouloir discuter avec Montréal de la possibilité de réduire le nombre d’élus dans la métropole s’il est porté au pouvoir dans trois semaines, ce à quoi la mairesse Valérie Plante a répondu que « ce n’était pas une priorité ».
M. Legault a-t-il raison de s’intéresser au nombre d’élus à Montréal? Il s’agit d’une question dont la complexité est à la hauteur de la complexité de l’organigramme de la ville de Montréal.
Montréal compte présentement pas moins de 103 élus et élues, un nombre qui n’inclue même pas ceux et celles des villes défusionnées. Parmi eux, on compte 64 conseillers municipaux et maires d’arrondissements (qui siègent à la fois aux conseils d’arrondissements et au conseil municipal) et 38 conseillers d’arrondissements, qui siègent uniquement aux conseils d’arrondissements.
Le poste de conseiller d’arrondissement a été créé lors des fusions municipales afin d’assurer que les différents arrondissements aient un poids relativement proportionnel à leur population au conseil municipal, et ce, sans se retrouver avec un nombre trop petit d’élus sur le conseil d’arrondissement.
Pour bien comprendre, prenons l’exemple de Montréal-Nord et d’Ahuntsic-Cartierville. Avec sa population de 135 000 habitants, Ahuntsic est un des plus peuplé à Montréal. Les quatre conseillers municipaux de l’arrondissement ainsi que la mairesse siègent donc tous et toutes au conseil municipal. En comparaison, Montréal-Nord compte environ 84 000 habitants. L’arrondissement n’a donc que trois représentants au conseil municipal, et ses deux autres élus ne siègent qu’au conseil d’arrondissement.
Cet arrangement permet donc aux deux arrondissements d’avoir une représentation acceptable au conseil central tout en ayant un nombre minimal d’individus impliqués dans la gestion des arrondissements. Les arrondissements sont des organes politiques importants gérant des budgets de plusieurs dizaines de millions de dollars, et il serait dangereux d’en donner la responsabilité politique à seulement trois élus. Afin qu’il y ait de réelles discussions et de l’espace pour une certaine opposition, cinq élus par arrondissement me semble être un plancher en-dessous duquel on ne peut descendre. Dans cette perspective, une réduction du nombre d’élus devrait passer par une réforme de la gouvernance de la municipalité, telle qu’une fusion entre arrondissements.
À titre de comparaison, les municipalités québécoises, même les plus petites, ont un conseil municipal composé d’une mairesse et de six autres élus. Un arrondissement comme Montréal-Nord a donc un ratio d’élu par 17 000 habitants, alors que la plupart des municipalités ont un ratio d’un élu par 100 ou 1000 habitants.
Les élus municipaux jouent par ailleurs un rôle particulièrement important dans la relation entre les citoyens et leurs gouvernements. Plusieurs personnes se tournent spontanément vers leurs élus municipaux lorsqu’ils ont un problème, et ce même si le problème est en fait la compétence d’un autre palier de gouvernement. J’entends régulièrement parler de conseillers municipaux qui prennent de leur temps afin de rencontrer personnellement les citoyens qui les ont contactés, un luxe que les députés provinciaux et fédéraux peuvent rarement se permettre en raison de leur horaire chargé.
Pour une fois, il faudrait peut-être arrêter de se comparer à l’Ontario et accepter que Montréal n’est pas Toronto. Le nombre d’élus à Montréal est certes élevé, mais rien ne prouve pour le moment que la population n’est pas bien servie par cet arrangement.