Les visages du marathon de Montréal
L’élite inspire la relève et fait rêver. Et le peloton incite et invite à en faire autant. Ils seront près de 25 000 coureurs ce week-end à courir leur premier 5 km, à viser une performance au 10 km, à franchir le cap du 21,1 km ou à terminer un énième marathon. On vous raconte quatre de ces mille histoires.
Les jumelles Puntous
La foulée dynamique rythmée par une couette de feu bien coordonnée, et deux fois plutôt qu’une : les jumelles Puntous ont l’habitude de retenir les regards, que ceux-ci connaissent leur histoire ou non.
Celle d’hier, ce sont ces performances historiques au mythique Ironman de Kona en 1983 et en 1984, alors que les jeunes sœurs s’imposaient en première (Sylviane) et deuxième (Patricia) positions. Et ça aurait aussi bien pu être vice-versa. Inséparables, les jumelles Puntous sont une équipe : « on a gagné », disaient-elles, sans ce souci de distinguer leur performance individuelle. Médailles au cou, jeune vingtaine et une personnalité pétillante assumée, sans surprise, les jumelles Puntous se transforment instantanément en vedettes sur le circuit de triathlon international. Elles y seront actives pendant près d’une décennie.
Du triathlon au marathon
« Pour nous, ça a toujours été la course », dit pourtant Patricia. À 19 ans, elles couraient leur premier marathon : 2 h 48 min 59 s. Le triathlon s’est imposé, à cause de leur talent en natation et en vélo, tout simplement. Depuis leur retour au pays et leur retraite de triathlète, il n’est plus question de remonter en selle (« ark ! » disent-elles dans un fou rire si on en fait allusion). La piscine, seulement si elles sont blessées (« l’eau est trop froide ! »).
Plutôt, les jumelles courent, et elles gagnent. Âgées de 57 ans, elles visent désormais des victoires dans leur catégorie d’âge. « Mais on est arrivé 4e et 5e femme au classement général au 30 km à Boucherville (1 h 38 min 15 s et 1 h 38 min 17 s) au début du mois ; on a rattrapé plein de petites jeunes ! » dit Sylviane, en riant.
Cette nouvelle histoire de coureuses d’élite s’écrit depuis plus de vingt ans au Québec. Les jumelles Puntous n’en sont pas pour autant à leur dernier chapitre. Cette année, elles renouent au 42,2 km au marathon de Montréal, après une pause de cinq ans.
« On n’est pas assez patientes pour les marathons ! C’est trop long ! », dit Patricia. Plus long qu’un Ironman (3,9 km de natation, 180 km de vélo et 42,2 km de course à pied)... ? « Oh oui, ajoute-t-elle. Un Ironman, c’est plus facile ! Alors qu’au marathon, il faut courir vite... en se retenant d’abord pendant 23 ou 24 kilomètres. Une heure et demie de galère avant que la course commence. »
Et à l’ultra-marathon...
« Notre gros projet serait de se qualifier pour participer au Championnat du monde de 100 km sur route », ajoute Sylviane.
Ça ne prendrait pas de la patience, ça ? Selon les jumelles, plutôt de la persévérance, et les reines de l’endurance ne sont pas du genre à lâcher le morceau. « Quand on est fatigués, on court quand même. Les moments difficiles finissent toujours par passer », dit Patricia. Les jumelles résidentes d’Anjou conservent une moyenne de 120 km par semaine, à longueur d’année. Compétitives depuis 40 ans, elles n’y sont pas pour le footing de santé. À Montréal, elles visent 3 h 30 au 42,2 km. « Et on verra », dit Sylviane. Et vous, vous les reconnaîtrez, c’est certain. Patricia court toujours à gauche, Sylviane, à droite. Boucles d’oreilles roses pour Patricia, bleues pour Sylviane.
Un premier demi-marathon à 77 ans
« J’ai commencé à courir à 70 ans », dit Odile Loulou. On s’initie à la course à 70 ans, un peu de la même façon qu’à 20, 30, 40 ou 50 ans.
« Une amie de mon cours de Pilates m’a parlé de course par hasard, j’ai rencontré son petit groupe avec un entraîneur, puis j’ai embarqué comme ça », raconte la Montréalaise.
Odile Loulou a toujours été active. « J’ai recommencé le ski alpin à 66 ans aussi ! Mon médecin m’a dit que ma santé me permet de tout faire... je pourrais même partir en expédition au Mont-Blanc », raconte la femme de 77 ans, mi-sérieuse. Ce dimanche, Odile courra son premier demi-marathon.
« Peut-être le dernier, aussi !, précise celle-ci en riant. J’ai trouvé ça difficile de courir avec les grosses chaleurs de cet été. »
« Mon entraîneur parle d’un marathon pour mes 80 ans, peut-être », ajoute-t-elle dans un même souffle.
« Mon mari me dit que je suis trop vieille pour courir ! Je le laisse parler ! » dit Odile. De toute façon, il sera là pour l’encourager dimanche, comme il l’était l’année précédente, pour le 10 km. « 51 ans de mariage... dit Odile. Il me fait aussi de bons petits plats ; il a juste peur que je me fatigue. »
Et un premier marathon à 18 ans.
« Je voulais participer au marathon l’année dernière, mais je ne pouvais pas m’inscrire ; j’étais trop jeune ! » dit Olivier Roy, qui a eu 18 ans cet été.
Instructeur de ski de fond et de natation, l’étudiant de Sainte-Sophie n’affichait pas un profil sédentaire avant d’intégrer la course à pied à son quotidien il y a deux ans. Depuis, il court deux à trois fois par semaine, pendant 45 à 90 minutes. « Et j’ai fait des longues sorties, dont une d’un peu plus de 25 kilomètres. », ajoute le jeune coureur, adepte des sports d’endurance.
« Des collègues de mon emploi d’été ayant l’expérience de la course et même de triathlon m’ont donné beaucoup de conseils dans les derniers mois » partage Olivier.
Il en demeure que l’épreuve mythique de 42,2 km sera sa première compétition de course à pied, à vie. On lui a dévoilé moult fois LE conseil de base : ne pas partir trop vite. Bien sage, il a adopté l’objectif qu’on recommande à tout futur nouveau marathonien : finir. « Pour mon deuxième, si ça va bien, je vais m’ajouter un défi de temps », dit Olivier Roy. À bon entendeur !
Un record du monde au marathon en poussant un fauteuil roulant ?
Sébastien Roulier, 45 ans, a d’abord fait les manchettes locales en remportant le marathon de Rimouski en 2010 en 2 h 46 min 41 s... alors qu’il poussait ses enfants. Plus tôt cette année, le pédiatre intensiviste au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke a de nouveau retenu l’attention en établissant un record Guinness (en voie d’homologation) au demi-marathon, franchissant la ligne d’arrivée du 21,1 km de Lévis en 1 h 30 min 37 s derrière sa copilote, Marie-Michèle Fortin. Au marathon de Montréal, il s’attaquera au record Guinness du 42,2 km le plus rapide au monde en poussant une personne à mobilité réduite.
« Ce record a été établi à 3 h 35, et je vise plutôt un temps autour de trois heures », dit le coureur, en apparence optimiste.
« Battre des records, ce n’est toutefois pas ça l’important, précise Sébastien Roulier. Marie-Michèle, ma copilote, rêve de devenir marathonienne.
Montréal a une connotation particulière pour elle, son grand-père, aujourd’hui décédé, l’ayant déjà couru à moult reprises. Je lui prête mes jambes d’une certaine façon. »
Une expérience qu’il considère le nourrit, et qui lui donnera peut-être une dose extra de « carburant du cœur » lors du Spartathlon, une course de 246 km reliant Athènes à Sparte qu’il attaquera moins d’une semaine après le marathon de Montréal.