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Le cerf fou est un danger public au Québec

Des experts appellent à l’élimination de tout le troupeau et à la condamnation de la ferme

Les cerfs d’élevage de Grenville-sur-la-Rouge, où la maladie a été détectée la semaine dernière, sont près de la rivière Rouge. Le cheptel se trouve à côté d’un ruisseau. Ce ruisseau est situé à proximité de la rivière Rouge. On sait que la maladie peut se transmettre par l’eau.
Photo courtoisie Les cerfs d’élevage de Grenville-sur-la-Rouge, où la maladie a été détectée la semaine dernière, sont près de la rivière Rouge. Le cheptel se trouve à côté d’un ruisseau. Ce ruisseau est situé à proximité de la rivière Rouge. On sait que la maladie peut se transmettre par l’eau.

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Québec sait depuis 2017 que la maladie du cerf fou est un danger public, mais ne semble pas avoir pris les mises en garde des scientifiques fédéraux au sérieux.

Santé Canada a avisé les autres ministères et les provinces dès avril 2017 que la maladie débilitante chronique (MDC), qui a été détectée la semaine dernière dans un élevage de cerfs des Laurentides, « a le potentiel d’infecter les humains ».

C’est ce qu’indique un document interne obtenu par Le Journal et préparé par le Bureau des dangers microbiens, une entité de Santé Canada.

 

« Aucun tissu qui pourrait contenir des agents de MDC ni aucun morceau d’animal qui aurait montré des signes de maladie ne doit entrer dans la chaîne alimentaire humaine ou animale », écrivent les scientifiques, qui sonnent l’alarme.

On sait aussi que la maladie se transmet via les excréments par le sol ou l’eau contaminés.

Santé Canada appelait déjà à mettre en garde les populations à risque, en particulier les chasseurs et les Premières Nations. Mais un an et demi plus tard, aucune campagne de sensibilisation n’a été lancée.

Appel à la prudence

Le document avait été motivé par une étude encore en cours dans un laboratoire de l’Agence canadienne d’inspection des aliments en Alberta, où des singes de laboratoire sont tombés malades après avoir consommé de la viande contaminée.

Jointe par Le Journal, la chercheuse Stefanie Czub, qui mène toujours l’expérience, indique que moins de la moitié des 21 primates qui participaient à l’expérience sont encore en vie.

« Aucun humain ne doit consommer des prions (les agents pathogènes à l’origine de la maladie) », insiste-t-elle. Elle appelle à la plus grande prudence, et met en garde les chasseurs.

La scientifique souligne qu’un animal peut sembler en parfaite santé, mais être porteur de la maladie, dont le temps d’incubation peut aller jusqu’à deux ans. Elle recommande aux chasseurs de faire tester chaque prise.

À ce jour, aucun cas humain de MDC n’a été documenté. Toutefois, il n’est pas exclu que le pathogène puisse passer la barrière des espèces et s’adapter à l’organisme humain, comme l’ont fait les prions à l’origine de la maladie de la vache folle.

Condamner la ferme

Pour éviter une épidémie, le docteur Michael Samuel, expert de la MDC au Wisconsin Cooperative Wildlife Research Unit, où la maladie fait des ravages depuis des années, recommande que tout le cheptel de la ferme de Grenville-sur-la-Rouge soit abattu et que la ferme soit condamnée.

La Dre Czub est du même avis. Ils expliquent que le prion est extrêmement résistant.

« Si vous ne vous en débarrassez pas rapidement, vous n’y arriverez jamais », prévient Michael Samuel.

Mais le ministère de l’Agriculture (MAPAQ) indique vouloir poursuivre son enquête avant « d’éliminer un troupeau au complet ».

« On est encore dans l’analyse des cas et de déterminer d’où la maladie pourrait venir », a dit le porte-parole du ministère Yohan Dallaire-Boily.

Le MAPAQ dit avoir testé toutes les bêtes en contact avec l’animal malade et toutes se sont révélées saines.


Élevage de cerfs

Même après une semaine de mise en quarantaine, il n’y a toujours pas de double clôture afin d’éloigner les bêtes captives de celles en liberté.
Photo courtoisie
Même après une semaine de mise en quarantaine, il n’y a toujours pas de double clôture afin d’éloigner les bêtes captives de celles en liberté.

Rivière Rouge

Les cerfs d’élevage de Grenville-sur-la-Rouge, où la maladie a été détectée la semaine dernière, sont près de la rivière Rouge. Le cheptel se trouve à côté d’un ruisseau. Ce ruisseau est situé à proximité de la rivière Rouge. On sait que la maladie peut se transmettre par l’eau.
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Qu’est-ce que la maladie du cerf fou ?

Il s’agit d’une maladie mortelle semblable à la vache folle qui fait des ravages dans les populations de cerfs dans l’Ouest canadien et américain.

Cette maladie se traduit par des troubles dégénératifs progressifs, rares et fatals du cerveau.

Actuellement incurables, ils sont dus aux transformations d’une protéine en une forme altérée, appelée prion.

Le cerveau des humains et des animaux atteints d’une maladie à prion subit des lésions qui entraînent une dégénérescence du système nerveux central.

​Indestructible, la protéine responsable de la maladie se propage dans les excréments, les fluides corporels et par contact direct. La propagation peut se faire par l’eau ou de la terre contaminée.

Contagieux et indestructible

Les scientifiques n’ont à ce jour trouvé aucun moyen de décontaminer une ferme infectée par les pathogènes de la maladie débilitante chronique (MDC).

« Ils sont extrêmement résistants. Ils peuvent survivre pendant des années dans le sol et l’eau », prévient la Dre Stefanie Czub de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

La maladie peut se transmettre d’un animal à l’autre. Or, rien n’est fait pour empêcher que les cerfs de la ferme de Grenville-sur-la-Rouge entrent en contact avec des cerfs sauvages a pu observer Le Journal.

« Je vois régulièrement des cerfs de Virginie sur le bord de la clôture en contact avec les animaux de la ferme Harpur. Je ne sais pas ce que fait le gouvernement avec ce dossier », a dit un employé municipal qui s’est confié au Journal sous couvert de l’anonymat.

Cerf d’élevage... en liberté

« Cet été, mon fils pêchait sur le bord de la rivière Rouge près de Harpur Farms et il a vu un cerf rouge de l’élevage en liberté. Il avait un tag sur l’oreille. La clôture de l’élevage n’est pas très haute », a ajouté l’homme.

De plus, la ferme est traversée par trois ruisseaux, dont un se jette dans un affluent de la rivière Rouge.

« Le prion est incontrôlable dans l’eau », souffle la chercheuse Stefanie Czub.

Le ministère de la Faune fera une conférence de presse à 14 h aujourd’hui et le MAPAQ s’entretiendra avec les citoyens à 19 h, a appris Le Journal.

De la résistance

GRENVILLE-SUR-LA-ROUGE  |  Des propriétaires ou locataires de terrains de chasse dans les Laurentides ont décidé d’interdire l’accès aux agents du gouvernement qui veulent venir y tuer les cervidés sauvages pour protéger la population.

« Le gouvernement fonctionne tout croche, dit Donald Forté, un chasseur qui possède un chalet à Boileau, en Outaouais. Ils vont tout tuer avec leurs chasseurs américains sans nous dédommager. Nous n’aurons plus d’animaux sauvages. »

Vendredi dernier, à 24 heures de l’ouverture de la saison, le ministère de la Faune a interdit la chasse dans une partie des zones 9 et 10 qui sont situées entre les Laurentides et l’Outaouais.

Ces secteurs sont situés tout près de l’élevage de cerfs où une bête atteinte de la maladie débilitante chronique a été trouvée pour la première fois dans la province.

Américains à l’aide

Quelques heures après, Le Journal révélait que Québec avait embauché une firme américaine qui a fait ses preuves dans l’État de New York où la même maladie sévissait pour venir abattre les cerfs.

Cette décision fait bondir les chasseurs des régions touchées. « J’ai investi une fortune et je loue des terres pour chasser. Et ce sont les Américains qui vont venir tuer mes bêtes ? » s’indigne M. Forté.

Selon lui, les agents de la faune lui ont interdit toute forme de chasse.

« J’ai pas le droit de chasser les bernaches, l’ours et j’ai même pas le droit de trapper », lance M. Forté.

Plusieurs chasseurs de la région songeraient même à déposer un recours collectif contre les ministères de la Faune et celui de l’Agriculture, tous deux impliqués dans la gestion de la maladie débilitante chronique du cervidé.

M. Forté aurait aimé que le gouvernement inclue les chasseurs dans la solution.

« C’est ce qu’on veut. On connaît nos terrains. On peut faire la job et communiquer avec les agents de la faune », soutient-il.

Même constat pour Marc Ballard, qui habite aussi Boileau et qui dénonce la façon de gérer la crise par le gouvernement.

« À quelques centaines de mètres de chez nous, les gens ont le droit de chasser, mais pas nous. On n’est pas des imbéciles. On va collaborer avec plaisir avec le gouvernement », explique-t-il.

L’homme affirme avoir été averti par des agents de la faune de ne pas aller dans sa forêt de 218 acres et de ne pas y pratiquer toute forme de chasse jusqu’à nouvel ordre.

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