Affrontements et alliance en vue entre la CAQ et Ottawa
OTTAWA | La Coalition avenir Québec formera un gouvernement québécois revendicateur et parfois conflictuel sur certains enjeux, mais aussi un potentiel allié important pour les libéraux de Justin Trudeau, croient des experts. Dans l’équipe libérale, on s’avoue étonné de l’ampleur de la victoire de la CAQ, qui a dépassé de loin les résultats annoncés par les sondages.
Mais malgré le changement de parti historique, des sources gouvernementales fédérales espèrent qu’il n’y aura pas de points d’achoppement «majeurs» à l’horizon. Seules exceptions potentielles: l’immigration et les enjeux identitaires (comme le port de symboles religieux dans la fonction publique).
«On ne va pas toujours être d’accord sur tout, ça serait bien plate si tous les premiers ministres étaient toujours d’accord, mais nous allons toujours chercher des façons d’être constructifs», a avoué lui-même le premier ministre Justin Trudeau lors d’un événement à Vancouver mardi.
Chez des experts consultés par Le Journal, on s’attend à ce que la CAQ revendique rapidement d’Ottawa davantage de pouvoir ou de financement relativement à l’immigration, la culture, l’agriculture et aussi la taxation (comme un rapport d’impôt unique).
Immigration et signes religieux
Si les positions de la CAQ en matière d’immigration ont parfois semblé confuses lors de la campagne, il est clair à plusieurs égards que M. Legault est moins ouvert aux nouveaux arrivants que M. Trudeau, croient des experts consultés par Le Journal.
Même situation pour l’interdiction du port de symboles religieux dans la fonction publique, promise par M. Legault, mais à laquelle des ministres fédéraux se sont déjà opposés du temps de l’administration Couillard.
«C’est clair que si M. Legault va de l’avant avec ces propositions plus extrêmes, comme les pseudo-déportations [d’immigrants qui n’auraient pas appris le français après trois ans], il y aura des tensions majeures», analyse Mike Medeiros, politologue expert en relations Québec-Canada et professeur à l’Université d’Amsterdam.
Or, des sources gouvernementales, qui ont demandé l’anonymat parce qu'elles n’avaient pas l’autorisation de parler aux médias, croient que M. Legault risque de tempérer plusieurs de ses positions plus «extrêmes» en immigration après son arrivée en poste.
«Il y a souvent un rajustement des promesses politiques après l’arrivée au pouvoir d’un nouveau parti», a raisonné une source.
Alliés pour l’environnement
Or, contrairement à l’avis exprimé par plusieurs commentateurs au cours des derniers jours, les politologues et des membres de l’équipe libérale croient que M. Legault pourrait s’avérer un allié de M. Trudeau dans sa lutte contre les changements climatiques.
La raison: le fait que M. Legault est un rare politicien canadien de droite qui appuie l’idée d’une taxe sur le carbone.
«En répétant son engagement pour cette taxe au Québec, M. Legault pourrait en devenir un porte-étendard dans le reste du pays et, plus particulièrement, dans les provinces comme l’Ontario ou l’Alberta où des politiciens ont ou veulent l’éliminer», croit Éric Montigny, professeur de sciences politiques à l’Université Laval.