Ils trouvent la fiche médicale de leur fils dans une poubelle
Plus d’une dizaine de dossiers ont été jetés dans un endroit accessible aux patients
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Des parents ont fait le saut quand ils ont trouvé la fiche médicale de leur enfant et une dizaine de feuilles de données personnelles de patients dans une poubelle de l’hôpital de la Cité-de-la-santé de Laval.
« On traite nos informations personnelles comme si c’était des factures de Tim Hortons », ironisent Julia et David (noms fictifs).
Le couple au début de la trentaine préfère taire leurs noms pour ne pas subir de représailles de l’hôpital.
Ils se sont présentés à la Cité-de-la-Santé le dimanche 7 octobre parce que leur bébé d’un an avait une étrange éruption cutanée. Toujours inquiets après quatre heures d’attente, ils ont décidé de se rendre dans une clinique privée, qui les a ensuite renvoyés à l’urgence.
De retour à l’hôpital, les parents ont de nouveau patienté des heures avant d’être appelés dans un des petits locaux adjacents à la salle d’attente. Ils y sont restés plus de 45 minutes avant l’arrivée du médecin.
À cet endroit, ils ont changé la couche du bébé. C’est en voulant jeter la couche sale que Julia a remarqué que des fiches médicales se trouvaient dans la poubelle.
Détails intimes
Sur le dessus, une feuille avec les symptômes de son propre fils traînait. La page présentait aussi les informations recueillies au triage de l’urgence : nom, numéro d’assurance maladie et date de naissance.
La troublante trouvaille n'est pas sans rappeler le reportage du Journal portant sur la facilité avec laquelle un intrus peut accéder aux documents médicaux de plusieurs hôpitaux de la province, publié en 2012.
Diagnostics, notes opératoires et numéros de cellulaires : le journaliste avait pu consulter toutes ces données sensibles sans être importuné.
La mère de Laval suppose pour sa part que c’est le fait d’avoir quitté l’urgence pour aller dans une clinique avant de revenir qui explique que leur première fiche du triage ait été jetée.
Mais dans la poubelle se trouvaient également plus d’une dizaine de fiches d’autres patients contenant des données personnelles, comme des numéros d'assurance maladie.
Certains énuméraient même des détails intimes : irritation aux testicules, douleur pelvienne, difficulté d’uriner.
Elle a aussi trouvé une carte d’hôpital avec l’adresse et le numéro de téléphone du patient.
Jeu d’enfant
Afin de tester à quel point le local en question était accessible, Le Journal s’est rendu à la Cité-de-la-Santé.
Sans avoir à s'inscrire au triage, il a été aisé d'entrer dans la salle de consultation et d'atteindre la poubelle où se trouvaient les fiches.
« Le dossier de mon fils aurait pu se retrouver entre les mains de n’importe qui », s’indigne Julia.
Les employés seront rappelés à l’ordre
Les fiches découvertes par le couple de Laval n’auraient jamais dû se trouver à la poubelle, car cette façon de faire ne respecte pas les règles de l’hôpital, assure un porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval.
Les documents doivent plutôt être déchiquetés ou placés dans des bacs verrouillés, indique Pierre-Yves Séguin par courriel.
« Un rappel immédiat sera effectué auprès des employés quant à leur responsabilité », dit-il. Les membres du personnel sont en fait censés en être informés dès leur embauche.
L’événement sera aussi colligé comme un « incident de sécurité » et fera l’objet d’une « analyse interne ».
Déchiquetés après ?
Le couple rencontré par Le Journal avait d’ailleurs l’impression que les employés savaient qu’ils ne respectaient pas les règles.
Après avoir trouvé la fiche de son fils, la mère a demandé à une infirmière pourquoi le document se trouvait intact dans une poubelle accessible à tous.
L’infirmière lui aurait répondu qu’étant donné le fort achalandage, les documents étaient jetés, puis repris et déchiquetés à la fin de la journée.
Mais elle n’y a jamais cru.
« Ça ne fait pas de sens. Il y avait des déchets comme des [tasses de] café et des bouchons d’oreille dans cette poubelle. »
« C’est inadmissible. C’est un manque de respect envers les patients », ajoute-t-elle.
Son conjoint considère que leur cas illustre que le personnel médical tourne parfois les coins ronds.
« Ils doivent eux-mêmes être dépassés par le système », suppose-t-il.
Plainte
Le couple a d’ailleurs déposé une plainte auprès de la Commission d’accès à l’information du Québec, qui peut enquêter sur ce genre de manquement.
Sans vouloir commenter le cas précis de la Cité-de-la-Santé, la commission prend ce genre de cas « préoccupant » au sérieux, dit la porte-parole Cynthia Beaulé.
Les organismes publics sont responsables d’assurer la gestion des renseignements personnels, sans quoi ils peuvent exposer leurs usagers à des vols d’identité et de la fraude, précise-t-elle.