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15 000 travailleurs bientôt recherchés en forêt

D’ici cinq ans, de nombreux employés partiront à la retraite

Michel Denis procède à l’abattage d’un hêtre à grandes feuilles à cause de la maladie corticale du hêtre abondante dans le secteur Saint-Calixte dans Lanaudière.
Photo collaboration spéciale, Simon Dessureault Michel Denis procède à l’abattage d’un hêtre à grandes feuilles à cause de la maladie corticale du hêtre abondante dans le secteur Saint-Calixte dans Lanaudière.

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SAINT-CALIXTE | L’industrie forestière du Québec craint de ne pas être en mesure de remplacer ses travailleurs qui partiront à la retraite.

Un total de 12 000 à 15 000 emplois seront à renouveler d’ici 5 ans dans l’industrie forestière du Québec, selon le Conseil de l’industrie forestière du Québec.

Beaucoup de travailleurs ont quitté le domaine en raison des années de restructurations de l’industrie à la suite de la crise il y a une douzaine d’années, explique Annie Beaupré, directrice du Comité sectoriel de main-d’oeuvre en aménagement forestier (CSMOAF).

«On est inquiets parce que l’âge moyen dans l’industrie est très élevée (52-55 ans) et on sait qu’on va devoir faire face aux départs de nombreux travailleurs, explique Mme Beaupré. Est-ce qu’on va être capable de remplacer ces travailleurs-là, c’est la question qu’on se pose?»

Mme Beaupré a aussi ajouté que des employeurs ne recevaient parfois pas de cv, même lorsque le poste est affiché pendant quatre mois.

Baisses d’inscriptions

La relève ne se bouscule pas aux portes non plus dans les centres de formations en foresterie.

Robert Seuron, directeur-adjoint au CFP de Mont-Laurier, explique pour sa part que trois DEP de foresterie (sciage, affûtage et classement des bois débités) ne peuvent être dispensés depuis quelques années, faute de clientèle.

«Il y a pourtant quatre scieries à proximité de Mont-Laurier et elles fonctionnent au ralenti parce qu’il n’y a pas assez de personnel», déplore M. Seuron.

Ce dernier a ajouté qu’il y avait pourtant des listes d’attente de 50 à 100 élèves pour les programmes de foresterie il y a une dizaine années. «On manque d’inscriptions et il pourrait entrer beaucoup plus d’élèves», dit-il.

Une image à refaire

L’image de l’industrie est l’une des raisons qui explique la difficulté à ramener les jeunes dans l’industrie forestière, selon Denis Lebel, le président du Conseil de l’industrie forestière du Québec.

«Il y a des défis au niveau de la perception populaire et de la main-d’œuvre, mais il faut voir la forêt comme étant le principal outil pour combattre les changements climatiques», a affirmé M. Lebel.

Selon M. Lebel, il est complètement faux de dire que l’industrie fait de la déforestation et qu’elle ne s’occupe pas de l’environnement.

«Il n’y a pas personne plus qu’un forestier qui veut avoir de la forêt encore dans 15 ans, c’est son gagne-pain, ajoute M. Lebel. Il faut qu’on passe ce message-là.»

Le président a également expliqué qu’un arbre est coupé quand il est mature et que si on ne le coupe pas, on va perdre sa valeur écologique parce qu’il va émettre du carbone.

La survie de villages dépend de l’industrie forestière

Cour à bois de la Scierie St-Michel à Saint-Michel-des-Saints dans Lanaudière.
Photo courtoisie, Association forestière de Lanaud
Cour à bois de la Scierie St-Michel à Saint-Michel-des-Saints dans Lanaudière.

SAINT-CALIXTE | L’avenir social et économique d’une municipalité sur 5 au Québec dépend du secteur forestier, selon le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

Réjean Gouin, le maire de Saint-Michel-des-Saints dans Lanaudière, est un ancien travailleur du domaine forestier qui a vu une importante scierie fermer dans sa municipalité il y a 12 ans, lors de la crise forestière.

L’école secondaire de l’endroit était alors passée de 220 à 95 élèves en 4 ans. «Le village a changé lors de la crise forestière, a affirmé M. Gouin. S’il reste uniquement des personnes âgées dans les communautés, les écoles vont fermer.»

Les grands moyens

L’espoir renaît cependant dans la municipalité de 2400 âmes, alors qu’une nouvelle scierie (Scierie Saint-Michel) a vu le jour il y a 2 ans grâce à une coopérative de travailleurs et un consortium d’actionnaires.

La municipalité et l’entreprise sont d’ailleurs en communication avec une communauté autochtone à 85 km pour que des jeunes de l’endroit y travaillent. Environ 50 % de cette communauté autochtone est âgée de moins de 25 ans.

«Ça fait revivre notre village et il y a des emplois à pourvoir, a ajouté M. Gouin. On espère voir revenir l’entreprise forestière des beaux jours.»

Immigration

La municipalité de Saint-Michel-des-Saints a également envoyé une délégation économique en Tunisie en Afrique du nord, cette année.

«On essaie de les attirer pour venir travailler chez-nous, mais il faut qu’il y ait des attraits et qu’ils s’adaptent à notre culture», a ajouté le maire. La main-d’œuvre forestière, c’est un enjeu chez-nous.»

Travailleurs étrangers

Par ailleurs, l’arrivée de travailleurs étrangers temporaires est une nouvelle réalité du portrait de l’industrie depuis le mois d’août dernier, selon Annie Beaupré, directrice du Comité sectoriel de main-d’oeuvre en aménagement forestier (CSMOAF).

«Il n’y en avait pas dans les dernières années et c’est vraiment la preuve que l’industrie n’est plus capable de trouver assez de travailleurs», a affirmé Mme Beaupré.

La main-d’œuvre immigrante se déplacera donc dans les régions du Québec pour des durées de 20-25 semaines.

Coupe de bois ne veut pas dire destruction de la forêt

Julie Venne procède à l’élagage d’un bouleau à papier sélectionné comme arbre d’avenir à dégager dans une forêt privé de Sainte-Émélie-de-l’Énergie.
Photo collaboration spéciale, Simon Dessureault
Julie Venne procède à l’élagage d’un bouleau à papier sélectionné comme arbre d’avenir à dégager dans une forêt privé de Sainte-Émélie-de-l’Énergie.

SAINTE-ÉMILIE-DE-L’ÉNERGIE | Une ingénieure forestière rappelle que la coupe des arbres se fait avec une préoccupation de préservation de la forêt et de la faune.

«Tout le monde utilise du bois et je voulais faire partie de la solution pour bien gérer la récolte et limiter les impacts humains sur la forêt, a expliqué Julie Venne, ingénieure forestière de 30 ans qui travaille en forêt privée pour des propriétaires qui veulent faire de l’aménagement forestier. J’ai aussi toujours voulu comprendre les liens entre les différents éléments de la forêt.»

Dans son travail pour la compagnie Ressources Forestières Biotiques inc, Julie Venne choisit notamment les arbres à abattre ou à conserver.

«On va surtout choisir les arbres non vigoureux, en mauvaise santé ou indésirables pour conserver une forêt de feuillus nobles qui vont vivre longtemps et qui sont plus résistants aux maladies.»

Mme Venne peut aussi marquer des arbres à conserver pour les animaux et la faune. Un arbre malade peut d’ailleurs être conservé pour un habitat de petits animaux.

«On peut aussi marquer les arbres d’avenir pour ceux qui sont plus jeunes, on sélectionne les futures forêts», a ajouté l’ingénieure diplômée de l’Université Laval en Aménagement et environnement forestier.

Peu de relève

Mme Venne a aussi mentionné que ce programme est le seul du genre à se donner au Québec. «Trente finissants par année, ce n’est pas assez par rapport au nombre de gens qui s’en vont à la retraite, a-t-elle ajouté. Il y a des besoins de relève à tous les échelons et il manque de gens.»

Le plus «trippant» est à -20 degrés Celsius

Gaston Vigneau procède au marquage négatif d’un hêtre de mauvaise vigueur à cause de la maladie corticale (maladie exotique) du hêtre abondant dans le secteur Saint-Calixte dans Lanaudière.
Photo collaboration spéciale, Simon Dessureault
Gaston Vigneau procède au marquage négatif d’un hêtre de mauvaise vigueur à cause de la maladie corticale (maladie exotique) du hêtre abondant dans le secteur Saint-Calixte dans Lanaudière.

SAINT-CALIXTE | L’amour de la nature est plus fort que tout pour les vrais passionnés de la forêt.

Gaston Vigneau, un technicien forestier âgé de 55 ans, est un exemple de travailleur qui a quitté le domaine lors de la crise forestière pour aller travailler comme contremaître à Montréal.

«Mais je suis retourné dans le bois, j’aime mieux travailler avec les mouches noirs», a-t-il dit à la blague.

Le natif des Îles-de-la-Madeleine (où il n’y a aucune exploitation forestière) avait pourtant choisi l’informatique au cégep il y a 35 ans.

«Il n’y a rien de mieux que de travailler dehors, a ajouté M. Vigneau. C’est l’hiver à -20 avec du soleil que c’est le plus trippant parce que la luminosité est incroyable dans le bois.»

Un bûcheron «gaulois»

De passage à Saint-Calixte dans Lanaudière, Le Journal a également rencontré un bûcheron qui fait du travail manuel, alors que ce boulot est majoritairement mécanisé de nos jours, avec des opérateurs d’abatteuses.

«Il y a encore quelques bûcherons, mais c’est sûr qu’il y en a moins chez les jeunes parce qu’ils veulent plus travailler avec des manettes», a mentionné Michel Denis, un bûcheron de 58 ans qui travaille à son compte depuis 1993.

Michel Denis
Photo collaboration spéciale, Simon Dessureault
Michel Denis

Son métier consiste à couper et ramasser des arbres marqués par le technicien, principalement les arbres qui nuisent ou qui sont malades.

«J’adore ça, je travaille dans le bois, je suis tout seul et je n’ai pas de patron à côté de moi», a ajouté M. Denis, qui croit cependant qu’il va toujours rester de la place pour des bûcherons comme lui.

Secteur économique le plus important au Québec

  • 60 000 emplois directs
  • Salaire de 20$ de l’heure pour un finissant sans d’expérience
  • 2300 emplois à Montréal
  • 40 postes en abattage disponibles depuis plus de 4 mois
  • 10 postes en débardage disponibles depuis plus de 4 mois.
Source : Enquête sur le recrutement, l’emploi et les besoins de formation dans les établissements au Québec (EREFQ), Emploi-Québec, 2014-2015.

 

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