«Les jours de la semelle»: un nouveau Noël pour Fred Pellerin et l’OSM
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L’irrésistible humour de Fred Pellerin s’accorde à nouveau avec les cordes et archets de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) dans Les jours de la semelle, douce fiction de Noël musicale finement brodée autour du mythique univers du conteur.
Les jours de la semelle est le «quatrième volet de la trilogie», le «quatrième tiers», ou peut-être «quelque chose qu’on pourrait appeler une tradition», a déclamé le divin enfant de Saint-Élie-de-Caxton dès qu’il est entré en scène, mercredi, soir de première, à la Maison symphonique.
Fred Pellerin illustrait ainsi de son verbe coloré l’ampleur qu’est en train de prendre son heureuse alliance avec l’ensemble de Kent Nagano, débutée en 2011 avec Une tuque en mousse de nombril, puis continuée en 2013 (Le bossu symphonique) et 2015 (Il est né le divin enfin!). Et qui pourrait se poursuivre encore longtemps, à en juger par les réactions chaleureuses d’une assistance conquise, qui ont culminé en une longue ovation debout.
Avant ce souriant mot de bienvenue de notre hôte verbomoteur, les 88 instrumentistes de l’OSM venaient d’offrir leur prélude, le Lever du jour de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel.
Le parterre de musiciens était surplombé par un balcon de 90 choristes des Petits chanteurs du Mont-Royal, qui gigotaient joyeusement pendant les partitions de Pellerin et se coiffaient de tuques au moment de livrer la leur.
Grandeur
Les jours de la semelle, c’est l’orfèvrerie des mots de Pellerin et sa galerie de personnages devenus légendaires, dans une mise en scène discrète de René Richard Cyr dominée, au-dessus, par une immense sphère, support de douces projections animant le récit.
Et ce, entre la sélection de pièces de l’OSM, allant de Tchaïkovski, Schubert et Gounod, à Stravinsky, Mahler, Vivaldi, et une douce conclusion sur Petit papa Noël et l’émouvant Grand cerf-volant, de Gilles Vigneault.
Le spectacle jette un regard sur le mercantilisme de Toussaint Brodeur, marchand général de Saint-Élie-de-Caxton, qui se faisait jadis le messager des péchés des villageois jusqu’au «curé neuf», inconnu, à qui on craignait de se confesser. C’est une réflexion sur Noël, fête tenace, qui a fait «son bout religieux», explique Pellerin, avant d’être «récupérée par le commercial», et qui sombrera peut-être sous le poids de la piastre.
C’est l’histoire de cette mère monoparentale de 473 enfants, une «mitraillette de la Fallope», à la progéniture entièrement masculine, entre 7 et 14 ans («elle les a eus collés»), qui devait changer les paires de bottes de tous ses petits Gélinas en même temps. Ça en fait, de la bottine à acheter, ça, symphonie, nous rappelle Pellerin, de son ton mi-grave, mi-bon enfant.
Et ça nous remémore que, si ça prend un village pour faire grandir un enfant, ça prend aussi des enfants pour faire grandir un village...
Étrangement, l’allure éternellement dégingandée, moqueuse, du toujours tellement charismatique Fred Pellerin s’arrime parfaitement à la solennité de l’OSM, les deux parties donnant dans la grandeur, chacune à sa façon.
Dans la bouche du poète comique, Marcel Pagnol devient barman, et la fontanelle du crâne du nouveau-né, comme le jet d’air qui traverse les couvertures du lit quand deux êtres dorment dos à dos, ces détails insignifiants qu’on ne remarque plus, ou si peu, deviennent source de mille images dans notre esprit.
Le concert Les jours de la semelle est présenté à la Maison symphonique jusqu’à samedi, à guichets fermés, mais des billets se libèrent souvent à la dernière minute. Il sera diffusé sur toutes les plateformes de Radio-Canada la semaine de Noël, dont ICI Télé le 23 décembre, à 20 h.
Fred Pellerin a par ailleurs reçu, mercredi, un billet platine soulignant la vente de plus de 100 000 billets de son plus récent spectacle de contes, Un village en trois dés.