/news/transports

Les plus riches échappent souvent au remorquage

Des remorqueurs hésitent à déplacer les voitures de luxe pour éviter les réclamations

Les véhicules à traction intégrale, comme cette BMW photographiée hier à Montréal, doivent être déplacés avec une remorqueuse munie d’une plateforme. Pour cette raison, ils sont souvent laissés sur place et contournés par les déneigeurs.
Photo PIerre-Paul Poulin Les véhicules à traction intégrale, comme cette BMW photographiée hier à Montréal, doivent être déplacés avec une remorqueuse munie d’une plateforme. Pour cette raison, ils sont souvent laissés sur place et contournés par les déneigeurs.

Coup d'oeil sur cet article

Posséder un véhicule de luxe ou à traction intégrale pourrait vous éviter d’être remorqué lors d’une opération de déneigement à Montréal. La Ville reconnaît que c’est inéquitable.

Plusieurs remorqueurs et employés municipaux affectés au déneigement ont confié à notre Bureau d’enquête au cours des derniers jours qu’ils s’abstiennent souvent de remorquer ce genre de voitures, de peur de les abîmer et d’être poursuivis.

En effet, les véhicules à traction intégrale, dont beaucoup de voitures de luxe, ne peuvent être déplacés avec une remorqueuse ordinaire.

Laisser traîner deux roues au sol pourrait endommager le système à quatre roues motrices.

« On risquerait de se faire poursuivre pour avoir brisé l’auto », explique l’élu responsable du déneigement à la Ville de Montréal, Jean-François Parenteau.

Ces automobiles doivent donc être transportées sur des camions à plateforme, qui sont plus rares.

« On essaie d’augmenter le nombre de plateformes dans les contrats, mais on en manque », reconnaît M. Parenteau.

Et ce problème ne fera que s’amplifier, étant donné la popularité grandissante des véhicules utilitaires sport (VUS), estime l’élu.

Quand il est impossible d’effectuer un remorquage, les souffleuses doivent contourner les véhicules stationnés, ce qui ralentit les opérations.

« Il y a beaucoup plus de véhicules de luxe que ce qu’on pense », fait remarquer un entrepreneur en déneigement qui souhaite garder l’anonymat.

Amende moins salée

Les propriétaires dont la voiture n’est pas remorquée paient aussi des amendes moins sévères.

Si les remorqueurs ne touchent pas à un véhicule, seule l’amende liée à un stationnement interdit s’applique, soit 62 $. Dès que la remorqueuse touche à une voiture, il y a des frais supplémentaires de 87 $.

« C’est plate, on dirait toujours que les plus riches arrivent à s’en sortir », se désole une employée de stationnement du Service de police de la Ville de Montréal, qui n’a pas souhaité être nommée.

« On est en train de revoir cette politique de remorquage pour faire en sorte que ce soit équitable pour l’ensemble des citoyens », soutient Jean-François Parenteau.

D’autant plus que les récidivistes sont nombreux.

« On dirait que certains ont un “budget neige” et se disent qu’ils se feront remorquer pour ne pas se casser la tête », croit M. Parenteau.

Dans les contrats

La Ville exige de tous ses sous-traitants en remorquage qu’ils soient équipés de camions à plateforme pour déplacer des véhicules à traction intégrale, mais cette règle n’est pas toujours suivie.

L’hiver dernier, un remorqueur œuvrant dans Rosemont–La Petite-Patrie, Neigexpert, a même reçu une évaluation négative et a été mis à l’amende, notamment parce qu’il avait donné le mot d’ordre à ses employés de ne pas remorquer les 4 x 4.

Explosion du nombre de remorquages

Un nombre record de remorquages a été enregistré lors du premier chargement de neige de l’année, du 9 au 13 janvier.

En cinq jours, 9108 véhicules ont été remorqués, selon les données de la Ville.

« C’était l’enfer, relate Michel, un remorqueur qui œuvre dans Saint-Michel. On a fait 95 remorquages en 12 heures. » Dans la journée de mardi dernier, cette même équipe a fait 15 remorquages.

« À 12-15 cm, c’est là que c’est l’enfer. À plus de 20 cm, tout le monde sait qu’on va déneiger, alors les gens font plus attention », explique Léo, de Remorquage MLT.

« S’il y a beaucoup de neige, le citoyen collabore davantage parce qu’il se sent plus interpellé. Quand il y a une plus petite accumulation, c’est comme si le message était plus difficile à faire passer », dit le porte-parole de la Ville de Montréal Philippe Sabourin.

Données plus fiables

La Ville de Montréal attribue ce record à une meilleure fiabilité de ses données. Il y a une dizaine d’années, la Ville estimait le nombre de véhicules remorqués à 5000 en moyenne par chargement. « Avec les différents outils qu’on a mis en place, l’exactitude est meilleure », juge M. Sabourin.

Le nombre de remorquages par chargement est passé de 6000, il y a cinq ans, à près de 8000, dans les deux dernières saisons.

« C’est environ 2000 remorquages par jour, confirme Philippe Sabourin. C’est trop. On ne fait pas d’argent avec ça. En moyenne, le convoi est retardé de 5 à 10 minutes par remorquage. Si on veut faire des gains d’efficacité, c’est entre autres en réduisant le nombre de remorquages. »

Ça coûte cher

62 $ 

Amende de stationnement sans remorquage

149 $

Amende de stationnement avec remorquage

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.