Affaire SNC-Lavalin: une autre démission coup-de-poing
OTTAWA - Un pilier du gouvernement Trudeau a claqué la porte avec fracas lundi dans la foulée de l’affaire SNC-Lavalin, jugeant impossible de se ranger derrière la position défendue par le premier ministre et son cabinet.
La pression qui pèse depuis des semaines sur Justin Trudeau est donc encore montée d’un cran quand la présidente du Conseil du Trésor a annoncé sa démission, la troisième reliée à cette affaire.
«Malheureusement, les témoignages indiquant que des politiciens ou des responsables auraient fait pression sur l’ex-procureure générale du Canada [Jody Wilson-Raybould] afin qu’elle intervienne dans la poursuite criminelle contre SNC-Lavalin et les preuves de ces agissements ont suscité de graves inquiétudes chez moi», a affirmé Jane Philpott dans une lettre adressée au premier ministre et publiée sur son site web.
Respectée pour avoir mené à bon port des dossiers complexes, comme l’aide médicale à mourir, la ministre démissionnaire a expliqué s’être retrouvée dans une position intenable. Celle qui a pratiqué la médecine avant de se lancer en politique se voyait incapable de défendre la position du gouvernement niant toute forme d’ingérence politique.
«Malheureusement, la façon dont le gouvernement a géré ce dossier et dont il a réagi aux questions soulevées m’a fait perdre confiance en lui.»
- ÉCOUTEZ l'entrevue avec le chroniqueur Jonathan Trudeau à l'émission Le retour de Mario Dumont sur QUB radio :
Désaccords
M. Trudeau s’est dit déçu de la décision de Mme Philpott et l’a remerciée pour ses services.
«Dans une démocratie comme la nôtre et dans un endroit où on valorise autant la diversité, on peut avoir des désaccords et des débats», a soutenu le premier ministre en soirée depuis Toronto.
Troisième départ
L’affaire SNC-Lavalin a éclaté lorsque le journal «Globe and Mail» a allégué que l’ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a subi des pressions pour aider la multinationale québécoise à éviter un procès criminel pour fraude et corruption.
Le départ de Mme Philpott, qui s’ajoute à ceux de Mme Wilson-Raybould et de l’ex-bras droit du premier ministre, Gerald Butts, témoigne d’une «fissure importante au sein du gouvernement», estime le politologue François Rocher, de l’Université d’Ottawa.
«C’est un désaveu majeur et plutôt rarissime dans l’histoire politique canadienne, qu’un membre du cabinet quitte ses fonctions sur la base d’une décision qui touche un autre ministère que le sien», a-t-il souligné.
Le chef conservateur, Andrew Scheer, a réitéré son appel à la démission de Justin Trudeau. Il a invité d’autres membres du cabinet à «se lever» et à «se faire entendre». «Il est temps que les ministres libéraux se posent les mêmes questions que Jane Philpott.»
Le leader néodémocrate Jagmeet Singh a de son côté réclamé à nouveau une enquête publique sur l’affaire SNC-Lavalin.
Le commissaire à l’éthique et le Comité permanent de la justice et des droits de la personne se penchent déjà sur ces allégations.