Hôtesse sur des yachts de luxe : une job de rêve?
Difficile de nommer un symbole de réussite financière plus clinquant qu'un yacht privé. Ce luxe réservé à une infime parcelle de l’humanité requiert un équipage qui doit travailler contre vents et marées au bon maintien de l’embarcation dans des conditions parfois éprouvantes.
Pour mieux comprendre ce que cela implique, on s’est entretenu avec Justine Poulin, hôtesse sur des yachts de multimillionnaires depuis 3 ans.
Peux-tu décrire en quoi consistent tes tâches?
Justine : D’abord, il faut savoir qu’il existe deux sortes de yachts de luxe. Les yachts privés, généralement détenus par des personnes très riches qui s’en servent à des fins personnelles, et des yachts «charter», utilisés comme locations pour des clients fortunés. Les tâches diffèrent donc en fonction du type de yacht sur lequel on travaille.
Pour ma part, j’ai travaillé sur deux yachts privés et mes tâches consistaient principalement au service de nourriture pour le propriétaire et à l’entretien ménager du bateau. Lors de mon dernier contrat, j’étais «hôtesse en chef» donc je m’occupais de l’aspect administratif, comme gérer l’inventaire, le budget et les rénovations mineures.
Ça peut paraître assez relaxe en termes de responsabilités, mais on travaille sans relâche. Sur la mer, c’est 7 jours sur 7 de 13 h à 14 h par jour avec deux heures de pause. Lorsque le yacht est amarré et que le propriétaire n’est pas là, c’est habituellement du lundi au vendredi de 8 h à 17 h. Des fois, on travaille aussi les week-ends pour préparer la prochaine épopée.
Qui peut se payer de telles fantaisies?
Justine : On parle ici de gens extrêmement riches. Les coûts liés à l’entretien sont à eux seuls astronomiques. Pour s’assurer d’avoir une embarcation fonctionnelle, le propriétaire doit injecter au moins 15 % du montant initial d’achat chaque année en frais de maintenance. Donc, pour un navire de 15 millions $, c’est plus de 2 millions annuellement.
La première personne pour laquelle j’ai travaillé pendant six mois détenait plusieurs mines au Mexique et en Amérique centrale. Son yacht servait principalement à faire des balades autour de Miami depuis une île privée près de la côte.
Le second était dans l’investissement boursier et voulait explorer le monde. J’étais très excitée de travailler pour lui puisque seulement 2 % des yachts privés sur le marché sont utilisés pour naviguer autour du globe.
On a débuté par un voyage incroyable dans les pays scandinaves depuis la Hollande pour aller voir les ours polaires, puis un autre dans les îles du sud du Pacifique et en Asie. J’ai vraiment tripé pendant les deux années passées sur son bateau!
Comment en es-tu arrivée à faire ce travail?
Justine : Après le cégep, je me suis inscrite au HEC. J’avais six mois à tuer entre la fin de mon année scolaire et le commencement de l’autre. Je suis partie en voyage et j’ai rencontré des filles qui travaillaient sur des yachts pour gagner leur vie. Elles m’ont complètement vendu la chose et j’ai décidé de faire une pause sur mes études pour m’investir dans cette voie pendant quelques années.
Je me suis inscrite à une formation d’une semaine à Fort Lauderdale faisant partie de la Standards of Trainings, Certification and Watchkeeping for Seafarers (STCW) afin de réaliser les certifications nécessaires. On avait des cours de survie en haute mer et de premiers soins, mais aussi des classes pour nous montrer comment bien s’exprimer aux clients et servir correctement la nourriture.
Après cette formation, j’ai fait une spécialisation en «management d’intérieur» pour être engagée comme hôtesse. J’ai ensuite fait appel à une agence de placement pour me trouver une job et j’ai commencé à travailler peu de temps après.
Est-ce qu’on peut bien vivre comme hôtesse de yacht ?
Justine : Les conditions salariales peuvent être très intéressantes. Un salaire d’entrée pour une hôtesse sur un yacht privé se situe près de 3500 $ américains par mois.
Pour les «charters», ça tourne autour de 3000 $ plus le pourboire, souvent très juteux, redistribué entre les employés après le passage d’un locataire. Dans les deux cas, le salaire augmente en fonction des tâches et de la grosseur de l’embarcation.
Autre point important, on ne dépense pas pour la nourriture ou le logement, donc tout l’argent gagné va directement dans nos poches.
En général, les «yachties» ont entre 30 à 35 jours de vacances par année. L’employeur s’engage à payer un billet d’avion aller-retour à l’employé afin de retourner dans son pays natal et couvre les frais d’assurances maladie.
Malgré tous ces avantages, ce style de vie ne convient certainement pas à tout le monde. Oui on voit des endroits époustouflants et on développe des liens forts avec les autres membres de l’équipage, mais c’est également beaucoup de pression et de stress en permanence.
La satisfaction du propriétaire est constamment sur nos épaules et on se sent parfois très loin de ses amis et sa famille lorsqu’on est en pleine mer pendant des mois.
Ça m’arrive de vouloir simplement être chez moi à Sherbrooke avec mes proches les deux pieds sur terre.
Je prévois faire ça encore quelques années pour me mettre de l’argent de côté, mais je ne veux pas me rendre au burnout à 30 ans comme une bonne partie d’hôtesses que je connais.
As-tu vécu une anecdote cocasse lors de tes mésaventures?
Justine : Mon copain, qui travaille aussi sur des yachts, devait s’occuper du chien des propriétaires avec une attention démesurée. Chaque jour, le petit caniche ne devait boire que de l’eau de marque Fidji, et ne pouvait marcher que sur du gazon fraîchement coupé.
La plupart des ports ont des planchers de béton donc mon copain devait chercher, avec le chien dans les bras, pendant de longues minutes un parc avec du gazon exemplaire pour que le pitou puisse dégourdir ses pattes royales!