Affaire SNC-Lavalin: Wilson-Raybould a pris une décision trop rapidement, selon Butts
L’ex-bras droit de Trudeau a été sévère envers l’ancienne ministre Wilson-Raybould
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OTTAWA | L’ancien bras droit et ami de Justin Trudeau, Gerald Butts, a dressé un portrait sévère de la gestion du dossier SNC-Lavalin par l’ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould dans un témoignage fort attendu, mercredi.
Le ton calme et conciliant utilisé par M. Butts ne l’a pas empêché d’attaquer de front la version des faits offerte la semaine dernière par Mme Wilson-Raybould, qui s’est dite harcelée pendant quatre mois par l’entourage du premier ministre, afin qu’elle aide la firme d’ingénierie SNC-Lavalin à éviter un procès criminel concernant de présumés pots-de-vin.
Mme Wilson-Raybould soutient que 11 personnes ont communiqué une vingtaine de fois avec elle sur ce dossier.
« Cela fait deux réunions et deux appels téléphoniques par mois pour la ministre et son bureau sur une question qui pourrait coûter les emplois d’au moins 9000 Canadiens », a illustré M. Butts pour relativiser l’intensité des échanges, mercredi matin, devant le comité parlementaire chargé de faire la lumière sur l’affaire SNC-Lavalin.
M. Butts avait à peine terminé son témoignage que Mme Wilson-Raybould envoyait une déclaration aux médias pour annoncer son intérêt à venir témoigner de nouveau.
Quelques minutes plus tard, c’est M. Trudeau qui invitait les médias ce matin à 8 h pour livrer enfin sa version des événements.
Celui qui a démissionné en février estime que Mme Wilson-Raybould a précipité sa décision de ne pas aider la multinationale.
« La procureure générale a pris la décision finale après avoir évalué toutes les questions d’intérêt public en seulement 12 jours », a-t-il déploré.
Entêtement
En plus de prendre une décision à la hâte, Mme Wilson-Raybould a refusé d’obtenir « un second avis légal », regrette M. Butts.
« C’était une nouvelle loi. C’était la première fois qu’on y aurait eu recours », a-t-il dit.
Il a réfuté catégoriquement la thèse voulant que la députée de Vancouver Granville ait perdu son poste à la Justice parce qu’elle refusait d’aider SNC-Lavalin comme le lui demandait le premier ministre. Sans la démission de Scott Brison au Trésor, il n’y aurait pas eu de remaniement et elle serait restée ministre de la Justice, a expliqué M. Butts.
C’est seulement après le remaniement que la relation entre Mme Wilson-Raybould et l’entourage de M. Trudeau s’est durcie, a raconté M. Butts, laissant entendre que toute cette affaire est le résultat de l’amertume de celle qui a été à la tête des Anciens Combattants avant de démissionner.
D’autres témoins
Le chef de la fonction publique fédérale, Michael Wernick, a nié avoir proféré des menaces voilées à Mme Wilson-Raybould comme elle l’a affirmé la semaine dernière dans un témoignage accablant.
La sous-ministre à la Justice, Nathalie Drouin, a quant à elle offert un éclairage sur la gestion du dossier de Mme Wilson-Raybould, qui aurait refusé que son ministère produise un avis juridique sur les conséquences possibles d’une condamnation au criminel pour SNC-Lavalin, plaidant que son opinion était déjà faite.
Extraits du témoignage de Gerald Butts :
«Lorsque 9000 emplois sont en jeu, il s’agit d’un problème de politique publique de la plus haute importance. Il était de notre devoir d’examiner de manière exhaustive les options offertes par la loi.»
«J’accepte pleinement que deux personnes puissent vivre le même événement différemment. Je n’ai pas vu et ne vois pas en quoi notre brève discussion sur ce dossier constituait une pression de quelque nature que ce soit.»
«C’est la première fois que je voyais quelqu’un refuser un ministère», dit M. Butts au sujet de Jody Wilson-Raybould qui a refusé le ministère des Affaires Autochtones.
«Le premier ministre et moi-même sommes des amis proches depuis près de trente ans. Je ne pouvais permettre que notre amitié se retourne contre lui. La démission était la bonne et nécessaire chose à faire pour le bureau, et le premier ministre.»
«C’est une chose d’être accusé pour quelque chose en première page d’un journal, mais c’est une autre chose de l’être par une amie et ministre».
« Nous avons travaillé aussi fort que possible, dans le strict respect des lois et des conventions du pays, pour protéger des milliers et des milliers d’emplois canadiens. »
Ce qu’ils ont dit
« Je n’ai fait aucune menace, voilée ou sous autre forme, qui suggérait que la décision de la ministre pourrait entraîner des conséquences sur sa personne. »
– Michael Wernick, greffier du conseil privé
« Le fait qu’il vienne devant ce comité pour dire que rien d’inapproprié ne s’est produit et qu’il ne savait pas que Mme Wilson-Raybould avait pris une décision, c’est tout simplement ridicule de suggérer cela. »
– Jagmeet Singh, chef du NPD
« C’est atroce [que les libéraux refusent de réentendre Mme Wilson-Raybould en comité]. Je pense que les Canadiens veulent entendre l’histoire complète et tout particulièrement considérant le fait que le témoignage de M. Butts est en entière opposition avec ce que Jody Wilson-Raybould a dit. »
– Lisa Raitt, députée conservatrice
« Pourquoi Jody Wilson-Raybould a refusé d’avoir des avocats extérieurs qui auraient pu la conseiller ? »
– Louis Plamondon, député du Bloc québécois