Justin Trudeau évoque son père Pierre Elliott dans la tempête
Le premier ministre du Canada parle d’un malentendu dans l’affaire SNC-Lavalin
OTTAWA | L’affaire SNC-Lavalin, qui a coûté à Justin Trudeau deux ministres et son bras droit, est le fruit d’un simple malentendu, laisse entendre le premier ministre. Il en a même profité pour évoquer son défunt père.
Dans un premier point de presse exclusivement consacré à cette affaire en un mois, M. Trudeau a réitéré jeudi ne pas avoir exercé de pressions inappropriées sur l’ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould pour qu’elle intervienne afin d’éviter un procès criminel à la firme d’ingénierie SNC-Lavalin concernant notamment des pots-de-vin allégués.
Pierre Elliott
Fait rarissime : il est allé jusqu’à parler de son père, l’ex-premier ministre libéral Pierre Elliott Trudeau, pour illustrer à quel point la justice est importante pour lui.
« Parmi les dossiers qui lui étaient les plus chers et qui le sont aussi pour moi, il y a le dossier de la justice », a-t-il dit, en précisant que son nouveau bureau dans l’Édifice de l’Ouest a été occupé par Trudeau père lorsque celui-ci était ministre de la Justice.
Justin Trudeau admet avoir demandé à celle qu’il a mutée aux Anciens Combattants – poste que Mme Wilson-Raybould a ensuite quitté – de continuer d’étudier le dossier SNC-Lavalin quand elle lui a dit en septembre ne pas vouloir intervenir en faveur du géant montréalais.
Son entourage et lui croyaient toutefois « que Mme Wilson-Raybould était toujours ouverte à considérer de nouveaux facteurs dans sa décision », a-t-il plaidé.
Confiance
C’est la divergence d’interprétation à ce niveau qui aurait provoqué une rupture de confiance entre le bureau du premier ministre et la députée de Vancouver. M. Trudeau assure toutefois ne pas avoir été au courant que la tension montait, jusqu’à tout récemment.
Mme Wilson-Raybould allègue avoir subi des pressions soutenues et inappropriées.
M. Trudeau a aussi reconnu avoir évoqué des considérations politiques avec elle lors d’une conversation en septembre, mais n’y voit aucun faux pas.
« Oui, j’ai mentionné que j’étais le député de Papineau [sa circonscription de Montréal]. Mais ce commentaire n’était pas de nature partisane », a-t-il affirmé avant de quitter Ottawa.
Le fédéral a demandé à des experts de le conseiller sur des enjeux soulevés dans l’affaire SNC-Lavalin, comme le double rôle du ministre de la Justice, qui agit aussi à titre de procureur général du Canada.
Une telle réponse de M. Trudeau manque de logique selon le politologue de l’Université Laval Thierry Giasson.
« Il nous a présenté des solutions à un problème, mais il n’a pas voulu reconnaître qu’il y a un problème. Ça laisse les gens avec une certaine forme d’incertitude », a dit M. Giasson.
► Outre la démission de Jody Wilson-Raybould, l’affaire SNC-Lavalin a aussi provoqué le départ volontaire de la présidente du Conseil du Trésor Jane Philpott ainsi que du bras droit et ami de longue date de Justin Trudeau Gerald Butts.
Ce qu’ils ont dit
« Pour moi et mon équipe, de continuer à parler d’un enjeu si important [que des emplois menacés chez SNC-Lavalin], ça fait partie de notre job. »
– Justin Trudeau, premier ministre
« Sa meilleure explication aux Canadiens est qu’il peut y avoir différentes interprétations des événements. Mais M. Trudeau n’a pas compris que la vérité ne peut pas être interprétée de différentes façons. »
– Andrew Scheer, chef conservateur
« Je pense que les Canadiens ont été déçus des remarques de M. Trudeau parce qu’il ne s’est pas excusé du traitement réservé à Jody Wilson-Raybould et de la pression mise sur elle. »
– Jagmeet Singh, chef néo-démocrate
« Pour quelqu’un qui prétend vouloir sauver les emplois des travailleurs de SNC-Lavalin, il y a un sacré manque de leadership dans sa gestion du dossier. »
– Gabriel Ste-Marie, député bloquiste