Reine ou guidoune?
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Le français est-il une reine qu’il faut vénérer sans faire d’écart langagier propre à notre culture ou est-il plutôt une guidoune qui doit s’adapter à ceux et celles qui le parlent?
Dernièrement, j’ai pris part à un grand débat avec mes collègues et des linguistes sur l’utilisation du mot «milléniaux».
Est-ce que je l’utilise ou non dans l’un de mes textes?
Les autorités langagières
L’Office québécois de la langue française déconseille son utilisation, car le mot est calqué sur l’anglais.
L’OQLF suggère le terme «millénariaux ».
Ish! Un, de mon point de vue, la sonorité est exécrable. Deux, qui utilise vraiment ce mot sinon les puristes?
De ce que j’entends sur la rue, le commun des mortels utilise «milléniaux».
J’ai donc fait le choix assumé «d’y aller avec la famille» et d’utiliser la version non approuvée par les autorités langagières, au risque qu’on m’accuse de malmener notre beau français.
Personnellement, je parle et j’écris pour être comprise par ceux et celles à qui je m’adresse, tout en étant soucieuse d’utiliser une langue juste.
Mais parfois, l’un et l’autre semblent en opposition.
À qui «appartient» la langue?
La question que cette réflexion soulève est : Qui dicte la langue qu’il est légitime de parler? Est-ce quelques individus enfermés dans leur bureau qui débattent de ce qui est valable pour nous de dire et d’écrire? Ou encore le peuple qui utilise cette langue pour communiquer au quotidien en y mettant sa couleur, sa personnalité, son identité?
Reine ou guidoune?
Le professeur de littérature et auteur Benoît Melançon m’a fait découvrir une délicieuse citation .
«La vérité, c’est que les langues sont des guidounes et non des reines.»
Ces propos sont d’André Belleau, un auteur, producteur de cinéma et professeur de littérature aujourd’hui décédé. Il est considéré comme l'un des plus importants essayistes québécois pour ses réflexions sur la langue.
Célébrer le français
On célébrait, hier, le 20 mars, la Journée internationale de la francophonie. Un moment privilégié pour se redire à quel point nous parlons une langue magnifique et riche, qui permet de communiquer et de nommer le monde avec nuance, élégance et efficacité.
Une langue de prestige. Il suffit de voyager à l’étranger pour constater à quel point parler français est valorisé et vu comme chic et de bon goût.
Si la langue de Molière est une exception en Amérique, internationalement, elle est l’une des langues les plus importantes .
À l’heure actuelle, 300 millions de personnes la parlent. Le français est la deuxième langue la plus apprise sur la planète, la troisième langue des affaires et du commerce, et la quatrième langue parlée sur Internet.
Si on écrit «milléniaux» au lieu de «millénariaux», est-ce vraiment cela qui va mettre notre langue en péril?
En ce qui me concerne, mon choix est fait! Je préfère largement la guidoune à la reine.
Ça fait longtemps que de nombreux Québécois n’en veulent tout simplement plus de reines.