La transition de genre: combien ça coûte? Témoignages de deux personnes trans
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Selon le Centre métropolitain de chirurgie à Montréal, les opérations de changement de sexe ont augmenté de 35% au cours des trois dernières années.
Pour mieux comprendre ce que cette procédure implique, je me suis entretenue avec Julien, président de l’Association des Trans du Québec, Jenni, maquilleuse professionnelle, et Camille, sexologue et psychothérapeute spécialisée en intervention auprès des personnes trans.
Jenni
Jenni, 31 ans, est maquilleuse professionnelle. Ayant pratiqué l’art du drag pendant une dizaine d’années, elle baigne dans la communauté LGBTQ de Montréal depuis longtemps.
« J’ai eu la chance d’être dans ce milieu dès l’âge de 18 ans. Ça a été là, ma révélation. La première fois que je me suis habillée en fille pour faire un spectacle, Oh my god, je me suis sentie tellement bien!»
À l’époque, la réalité des personnes trans était très différente. «Il y avait beaucoup de préjugés, autant au sein de la communauté que dans la société en général. Heureusement, aujourd’hui, c’est très différent.»
C’est une fois délestée de sa peur du jugement des autres qu’elle comprend qu’elle doit s’actualiser. Prête à accepter ce côté d’elle, elle entame sa transition.
Jenni est maintenant sous hormonothérapie. Elle ne pense pas aller de l’avant avec la vaginoplastie, l’opération qui a pour but de transformer un pénis en vagin.
«L’opération est le moindre de mes soucis en ce moment. Personnellement, je ne suis pas rendue là, et je ne sais pas si je vais un jour m’y rendre. Je ne crois pas que ce que tu as entre les jambes définit la personne que tu es.»
Le processus pour avoir sa place sur la liste d’attente pour la chirurgie est long et rigoureux.
Pour être admissible, il faut avoir été sous hormonothérapie pendant au moins un an. Il faut d’abord consulter des professionnels de la santé, qui sont en mesure de diagnostiquer la dysphorie du genre et prescrire ce type de traitement.
Il est ensuite nécessaire d’obtenir des lettres provenant de spécialistes attestant que le patient est apte à aller de l’avant avec l’opération de changement de sexe.
C’est alors que l’attente commence.
L’hormonothérapie et la chirurgie de réassignation sont couvertes par la Régie d’assurance maladie du Québec.
Néanmoins, ce qui est considéré comme esthétique n’est pas couvert.
On parle alors de plusieurs milliers de dollars d’interventions complémentaires: augmentation mammaire, épilation permanente, injections – la liste est longue et varie selon le cas.
Depuis le début de sa transition, Jenni a dû investir plusieurs milliers de dollars de sa poche:
• Rendez-vous chez le psychologue: environ 90$ par session
• Lettres d’attestation: 150$ par lettre
• Épilation au laser: entre 100 et 250$ par session.
Elle souhaiterait avoir une augmentation mammaire, ce qui coûte dans les alentours de 8000$.
«Il y a tous ces traitements, mais il y a aussi la garde-robe que tu dois refaire de A à Z. En plus de ça, il y a les souliers, les cheveux, les ongles... Ça coûte cher, être une femme!»
Voici une vidéo où elle explique son coming out et l'acceptation de son identité :
Pour visionner d'autres vidéos de Jenni, visitez son compte YouTube ou son Instagram.
Julien
Julien est président du conseil d’administration de l’Aide aux Trans du Québec (ATQ), un organisme sans but lucratif qui agit directement auprès de la communauté trans en offrant une ligne d’écoute ainsi que divers groupes de soutien.
Il a lui-même fréquenté le groupe lorsqu’il a amorcé sa transition, il y a bientôt 7 ans. Il y travaille maintenant bénévolement, tout en étudiant en intervention psychosociale à l’université.
Julien sait depuis qu’il est très jeune que le sexe assigné à sa naissance n’est pas le bon.
«Je n’avais pas les mots pour l’exprimer, mais déjà quand j’étais petit, j’avais le malaise de ne pas être bien dans ma peau. J’ai été chanceux parce que mes parents m’ont toujours accepté comme j’étais.»
C’est à 26 ans qu’il entame sa transition. Le processus reste le même pour les hommes trans: hormonothérapie, lettres d’attestation et liste d’attente.
Or, les chirurgies sont beaucoup plus complexes: mastectomie (ablation des seins), hystérectomie (retrait de l’utérus) et phalloplastie (construction du phallus).
Toutes ces interventions sont couvertes par la RAMQ. Encore une fois, ce qui est considéré comme esthétique ne l’est pas.
Julien a donc dû payer de sa poche les séances d’électrolyse sur la partie de son bras où les chirurgiens ont prélevé la peau pour construire son sexe. On parle ici d’environ 3000$ pour une surface d’environ 30 centimètres sur 15 centimètres.
«Pour les hommes, l’hormonothérapie joue toutefois en notre avantage: en quelques mois seulement, la voix mue, le poil pousse, et les changements sont beaucoup plus flagrants.»
Une communauté qui a besoin d’aide
Camille Chamberland, sexologue et psychothérapeute, est spécialisée en intervention auprès des personnes trans. Au quotidien, elle est témoin de situations où les gens vivent une grande détresse psychologique.
«Environ 75% des personnes trans ont déjà sérieusement envisagé de mettre fin à leur vie.» Selon elle, ce mal de vivre est généralement lié au manque d’acceptation des autres et à d’autres troubles psychologiques aggravés par la dysphorie.
Bien que nos trois intervenants dénotent une nette amélioration au cours des dernières années, les personnes trans sont encore très stigmatisées. Selon une étude ontarienne:
• 96% des personnes trans interrogées ont dit avoir entendu qu’elles n’étaient pas normales parce qu’elles étaient trans;
• 78% ont vu leur famille être blessée ou intimidée à cause de leur identité;
• Le revenu annuel médian des personnes interrogées est de 15 000$. Pourtant, 44% d’entre elles détiennent des études postsecondaires.
«Ça fait bientôt 7 ans que je suis à l’ATQ. Avant d’en devenir le président, j’étais un client de l’organisme. J’ai vu des personnes trans qui occupaient des postes de direction se faire mettre à la porte. Subissant du harcèlement psychologique jour après jour, d’autres finissent plutôt par s’en aller d’eux-mêmes», affirme Julien.
Malgré les difficultés psychologiques et financières, Julien et Jenni ne changeraient rien à leur parcours.
«J’ai vécu une belle vie. Mais c’est comme si pendant 12 ans, j’avais oublié quelque chose sans savoir c’était quoi. Et maintenant, je suis épanouie!» me confie Jenni.
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