Quand nos jeunes hommes ne bandent plus
Ils ont 18-20 ans et sont tellement blasés par le sexe pornographique que les pannes de désir se multiplient quand ils sont dans l’intimité avec une personne en chair et en os. Pour certains, le problème est si handicapant et leur souhait de performance sexuelle est si intense qu’ils n’hésitent pas à consommer du Viagra acheté sur le Web!
Quand tous les scandales de harcèlement et d’agressions sexuelles ont éclaté, je me suis sentie profondément ébranlée et interpellée. À la fois comme femme et féministe, mais aussi comme maman d’un petit garçon.
Je me suis demandé comment élever mon fils pour qu’il devienne un être respectueux de lui-même et des autres, notamment des femmes.
Je me suis donc lancée dans une quête bien personnelle dans le but d’être mieux outillée comme maman afin de bien accompagner mon fils dans son éducation sexuelle. Je souhaite que fiston développe des relations saines, équilibrées et épanouies. Que si, un jour, une amoureuse (ou un amoureux) lui envoie des photos d’elle nue, il aura assez intégré les notions de civilité et de bienveillance pour garder les clichés pour lui seul.
Porno à 10 ans
Toujours est-il que, lors de cette quête qui s’est transformée en une série documentaire radio pour Radio-Canada, j’ai interrogé plusieurs spécialistes; sexologues, travailleurs sociaux, psychologues.
J’ai été soufflée par ce que j’ai appris.
D’abord, que, dès l’âge de dix ans, nombreux sont nos petits gars qui ont déjà été en contact avec la pornographie. Dix ans! Ils n’ont même pas encore de poil au menton! Un de mes petits voisins de cet âge croit encore au père Noël!
Quand l’écran fait « l’éducation sexuelle » de nos fils
Par ailleurs, Gilles Tremblay, professeur à la faculté de travail social et de criminologie de l’Université Laval, m’a appris que, chez une large proportion de nos garçons, les écrans constituent la première source d’information sur la sexualité; donc la porno.
Pour les filles, ce sont les parents. L’arrivée des menstruations et les craintes associées aux grossesses non désirées sont des moteurs pour que papa ou maman ouvre le dialogue avec son petit bout de femme.
Porno, harcèlement et problèmes de libido
Cette « éducation sexuelle » déficiente amène son lot de problèmes. D’abord, il est démontré qu’il y a « une probabilité plus élevée pour les garçons consommateurs de pornographie de poser des gestes de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, mais ils doivent avoir en plus d’autres caractéristiques que la seule consommation de pornographie. Ce serait la consommation de pornographie violente qui serait la plus associée à la perpétration de violence. »
De plus, la consommation de pornographie peut causer de sérieux problèmes de libido chez de jeunes hommes pourtant dans la fleur de l’âge.
Le sexologue Alexandre Dussault, qui travaille beaucoup auprès des adolescents, me confiait que ses collègues et lui reçoivent désormais dans leur cabinet des garçons de 18, 19, 20 ans.
« On n’a jamais autant vu de jeunes hommes qui consultent pour des troubles du désir sexuel parce que, quand ils arrivent avec un ou une vraie partenaire, la réalité est fort différente de ce qu’ils ont vu dans la pornographie, que ce soit pour les corps eux-mêmes ou les pratiques sexuelles. »
Viagra à 20 ans
Pour faire face à ces troubles du désir ou encore par envie de « performer » comme des acteurs de porno, des adolescents et jeunes adultes vont désormais consommer du Viagra. Le travailleur social Gilles Tremblay m’a mise au fait de cette réalité : « Ils achètent le produit sur Internet et le consomment tout simplement! »
Alors, pour tous ceux et celles qui mettent en doute la pertinence des cours à la sexualité dans les écoles, je pense que la démonstration n’est plus à faire.
Cette formation deviendra peut-être de moins en moins essentielle un jour. Quand nous, les parents, oserons et saurons aborder adéquatement le sujet fondamental de la sexualité et des rapports humains avec nos jeunes...