Les nombreux pesticides manquent de surveillance
Des scientifiques ont déploré l’omniprésence de produits chimiques mercredi à l’ACFAS
GATINEAU | Les gouvernements doivent surveiller de plus près l’utilisation des pesticides, qui ne cesse d’augmenter, ont plaidé avec vigueur de nombreux scientifiques mercredi lors d’un congrès.
« Les pesticides sont omniprésents dans l’air, l’eau et le sol. Ils sont partout et les gens sont en contact avec ces produits-là. Mais on ne cherche pas à savoir quelles sont les répercussions sur la santé », se désole Mia Sarrazin, étudiante en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Au congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), elle a rappelé que plus de 13 000 Américains, atteints d’un cancer non hodgkinien attribué au controversé pesticide Roundup, sont devant les tribunaux contre son fabricant Monsanto-Bayer.
Puis, en France, des problèmes de santé associés aux pesticides, tels que le Parkinson, ont été reconnus comme des maladies professionnelles.
Or, le sujet est « tabou » au Québec, croit Mme Sarrazin, surtout qu’aucune donnée n’est comptabilisée en lien avec les problèmes de santé.
Action collective
Elle espère qu’une première demande d’action collective de 10 millions $ déposée la semaine dernière contre le pesticide Roundup par une Québécoise entraînera chez nous un éveil de conscience, notamment chez les agriculteurs qui se sont toujours fait dire que le produit était sécuritaire.
Pour sa part, Louise Vandelac, de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, a déploré la décision de Santé Canada en 2017 de ré-homologuer pour 15 ans le glyphosate, dont est constitué le Roundup.
L’organisme a même refusé un examen indépendant de sa décision cette année.
Cet herbicide est considéré comme un « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la Santé.
« Nous sommes des chercheurs indépendants, nous n’avons rien à vendre. Ce qui nous préoccupe, c’est la santé publique et l’environnement », plaide Mme Vandelac.
Une porte-parole de Santé Canada affirme toutefois que la décision de l’agence gouvernementale « correspond à celles de plusieurs autorités réglementaires reconnues internationalement ».
Comme le tabac
Louise Vandelac voit dans l’industrie des pesticides les mêmes tactiques que celles du tabac et de l’amiante qui ont longtemps réfuté les dangers de leurs produits pour la santé humaine.
« Il faut que les gens demandent à avoir des aliments et de l’eau exempts de pesticides », estime à son tour la chercheuse Lise Parent de l’Université TÉLUQ, ajoutant que les données sur la présence et les quantités de pesticides trouvés dans les rivières sont « alarmantes ».
Les chercheuses croient qu’il ne faut pas blâmer les agriculteurs, mais plutôt les aider à faire la transition vers des cultures moins dépendantes des pesticides.
Même rendement en bio qu’avec pesticides
Impossible de faire pousser autant de blé en bio qu’en protégeant ses champs avec des dizaines de pesticides ? Faux, tranche un chercheur de Victoriaville qui a mené l’expérience. Il suffit de trouver la bonne sorte de blé.
« Et si on ne mettait rien dans les champs, qu’arriverait-il ? » Voilà la question que s’est posée Simon Louis Lajeunesse, qui a présenté les résultats de ses recherches mercredi au congrès de l’ACFAS.
« C’était pour répondre aux gens qui disent souvent qu’en [agriculture biologique] tu as moins de rendement, que c’est moins bon », dit le chercheur du Centre d’innovation sociale en agriculture.
Champs divisés en deux
Pendant deux ans, il a fait pousser du blé dans différentes conditions en Montérégie et dans le Centre-du-Québec. Ses champs étaient divisés en deux, une moitié était arrosée de pesticides et d’engrais, puis l’autre ne recevait rien.
Il a fait pousser deux types de blé : des cultivars qui s’appellent Major et Fuzion. Ce dernier a fait piètre figure.
Mais le blé Major s’est révélé capable de produire le même rendement en agriculture biologique qu’avec une pluie de pesticides, soit plus de 4000 kg par hectare.
Il reconnaît que l’année 2016 a été beaucoup plus favorable que l’année 2017, où la pluie a fait des dégâts dans ses champs, tant en bio que non.
« Ça peut faire peur, le bio », dit-il, mais il espère que sa recherche pourra inciter les agriculteurs à l’essayer.
Quitte à garder les pesticides en cas de besoin pour sauver une récolte de temps en temps.
« Le bio, c’est une façon de faire. Il faut préparer son champ et l’entretenir de la bonne façon », poursuit-il, d’où l’importance de l’essayer tranquillement.