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La vie est belle

Nous avons toutes et tous été jeunes, jolies, minces, insouciantes: ce souvenir me rend heureuse.
Photo Adobe Stock Nous avons toutes et tous été jeunes, jolies, minces, insouciantes: ce souvenir me rend heureuse.

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Ce ne sont pas les sources d’indignation qui manquent, mais cette semaine, j’ai vécu une expérience humaine, sur papier banale, mais si formidable qu’elle a changé ma façon d’appréhender le reste de ma vie. Et mon passé.

Tout doucement, en deux heures environ, mon pessimisme naturel a laissé la place à une sensation d’être au bon endroit, au bon moment, sans besoin d’épices pour relever la sauce, et surtout avec les bonnes personnes.

L’occasion ? Les retrouvailles de la gang de la rue Orléans, 100 % Hochelaga-Maisonneuve, pur produit de la classe ouvrière, à l’époque où une telle chose était dite sans honte aucune. Impossible de penser au père de Ginette sans sa boîte à lunch en métal. Ce qui ne l’empêchait pas de s’impliquer à fond dans sa communauté.

La plupart des mères restaient encore à la maison et se définissaient comme ménagères et mères de famille. Ce qu’on les a fait suer !

La vie

Les bourgeois, comme on disait alors, n’auraient pas donné cher de notre avenir. Nous vivions le sex, drugs and rock ’n’ roll à fond. Parmi les gens que j’ai côtoyés, certains sont morts d’overdose. Jean n’est jamais revenu d’un trip d’acide commencé en 1969. Un des frères Renaud, caïd de la rue Bourbonnière voisine, a été abattu par les policiers à la frontière canado-américaine. Son frère, aujourd’hui sexagénaire, vient d’être arrêté pour vol à main armée.

Des filles sont allées danser à Acapulco et d’autres, premières de classe, sont devenues notaires et conduisent des bolides italiens. Tous les futurs sont possibles, même au sein du même milieu ouvrier.

Je suis arrivée la première au restaurant au bord du fleuve, même si j’habite le plus loin. Huit places avaient été réservées. J’ai attendu, fébrile, anxieuse.

Et puis, elles sont arrivées. Je les ai toutes reconnues instantanément, même si notre dernière rencontre remontait aux années 60 ou 70, toutes superbes, toutes intelligentes et accomplies.

J’ai cru que j’allais m’évanouir de bonheur. Oh que notre génération vieillit bien ! Corps, tête et cœur. Je n’ai pas détecté de faux dans le visage de ces femmes qui portent leur âge, leurs grossesses, leur vie, avec fierté.

Cette mémorable rencontre m’a fait comprendre que toutes ces années durant, malgré mes insaisissables bifurcations, mes succès et mes erreurs, je n’avais pas dévié de mon « moi profond ».

La vie sait nous préserver du faux, du toc, à condition de préférer l’humilité à l’esbroufe. Ce qui, de notre époque, est une tâche herculéenne. Je remarque que le mot « authentique » est de plus en plus utilisé pour décrire des choses authentiquement fausses.

Mais au cœur de ces retrouvailles, que du vrai. Comment peut-on se faire passer pour quelqu’un d’autre que soi-même avec des femmes que l’on connaît depuis près de 50 ans et qui nous aiment encore ?

Alors, si vous recevez des invitations de retrouvailles, via internet c’est fréquent, ne faites pas ce que j’ai longtemps fait : ne pas répondre. Par peur d’être déçue et, surtout, de décevoir.

Retrouver les ami.e.s de l’enfance, c’est aussi se retrouver telles ou tels que nous sommes.

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