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Prête à affronter la mort à 18 ans

Annie-Claude Mondor
Photo Amélie St-Yves


Une jeune femme de 18 ans atteinte d’un cancer à haut risque de récidive a songé à entreprendre des traitements expérimentaux pour éviter d’attrister sa famille. Mais finalement, elle s’est choisie. Son corps n’est plus capable d’endurer la maladie et elle n’a pas peur de mourir.

Annie-Claude Mondor a fêté son 18e anniversaire le 12 juin dernier. Une semaine plus tôt, elle pleurait la mort de Laïla, sa meilleure amie, une autre victime du cancer. 

Cette dernière lui avait conseillé de lâcher prise devant la maladie, et c’est ce qu’elle essaie de faire. Parce qu’en matière de traitements, il n’y a plus d’autres options. 

«Je suis encore plus fatiguée qu’avant. C’est comme si tous les efforts que je faisais pour récupérer ne marchent plus», explique-t-elle en entrevue au Journal, un timbre de fentanyl au bras droit. 

Ces timbres de puissants médicaments marquent le début des soins palliatifs pour Annie-Claude. Sans eux, elle ne serait plus capable de marcher. 

«Avant que j’aie mes patchs, j’avais des douleurs extrêmes, confie-t-elle. J’étais tout le temps pliée en deux dans mon lit. J’avais beaucoup de difficulté à me lever.» 

La mère d’Annie­-Claude, Nancy Ferland, comprend la décision de sa fille, qui ne veut pas se lancer dans des traitements expérimentaux, lesquels, de toute façon, n’augmenteraient pas ses chances de guérison. 

«C’est vraiment une décision réfléchie, et moi, je l’accompagne là-dedans», explique Mme Ferland, avec un aplomb qui rappelle celui de son enfant. 

En contrôle

N’allez pas croire qu’Annie-Claude Mondor joue les victimes. La jeune femme nouvellement majeure a décidé ce qui arrivera quand le cancer, logé dans ses hanches, aura trop pris le dessus. Bien qu’elle soit maintenant majeure, elle a demandé une dérogation pour finir ses jours à l’hôpital Sainte-Justine­­­, ce qui lui a été accordé. 

«C’est quand même ma deuxième famille», précise-t-elle. 

Annie-Claude partira pour l’hôpital quand les timbres ne suffiront plus et que le fentanyl devra lui être administré directement dans les veines. Elle sera ensuite plongée dans un semi-coma. Ce sera à ses parents de déterminer quand il faudra la laisser partir. Elle sera ensuite incinérée. 

«Je voudrais retrouver ma meilleure amie et mon grand-père», déclare Annie-Claude, très sereine face à l’inévitable. 

Elle a d’ailleurs demandé à la sœur de son grand-père maternel, décédé du cancer en août 2018, une place dans le lot familial. Elle lui a demandé la permission d’être enterrée à côté de lui, et c’est à cet endroit qu’elle reposera. 

Son cheval, Azir, sera légué à la propriétaire de l’écurie qui l’héberge depuis quelques années. Annie-Claude a aussi commencé à choisir des chansons pour ses funérailles, en plus d’écrire ses mémoires. Son professeur de français l’aidera à peaufiner son ouvrage. 

«Je veux que tout le monde comprenne qu’il ne faut pas prendre en pitié un enfant malade. Ni un ado. Je pense que c’est la pire affaire que tu peux faire à un ado», insiste-t-elle. 

Annie-Claude ne sait pas exactement combien de temps il lui reste. Mais les médecins estiment qu’elle ne se rendra peut-être pas à Noël. 

Quatre ans et demi

La jeune femme de Saint-Gabriel-de-Brandon dans Lanaudière n’avait que quatre ans et demi quand elle a reçu un premier diagnostic de neuroblastome, au niveau des glandes surrénales. C’était un 24 décembre. 

Annie-Claude Mondor
Annie-Claude Mondor, à l’âge de quatre ans, à l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal. Photo courtoisie

Elle se rappelle ses premiers temps à l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal. «J’étais hyper timide, raconte-t-elle. Je ne connaissais personne. J’étais comme la petite nouvelle dans une nouvelle école.» 

Les premiers traitements ont duré 18 mois, durant lesquels elle a perdu ses cheveux. «Ce qui est le plus difficile, c’est quand ton frère pense que ce n’est pas toi», révèle-t-elle. Heureusement, à force de l’entendre rire, le principal intéressé l’a finalement reconnue. 

Annie-Claude a ensuite connu une période de rémission et a vécu les 11 années suivantes en paix. 

15 ans

Sauf qu’à l’âge de 15 ans, Annie-Claude Mondor a commencé à avoir du mal à marcher. Elle a passé plusieurs semaines à rouler du bassin, un problème qui inquiétait sa mère. 

Son instinct avait raison: le cancer était revenu et avait attaqué la hanche. 

Les traitements ont repris, mais cette fois, l’adolescente comprenait les risques. Elle en a voulu à la vie et envoyait parfois promener tout le monde. 

«Les médecins et les infirmières y ont goûté, se remémore sa mère. Oh que oui! Elle était à bout et vivait une crise d’ado. C’était un beau petit cocktail explosif.» 

L’adolescente est entrée en rémission en juin, mais elle était déjà en récidive au mois de septembre suivant. Le cancer avait atteint son bassin. 

En mars dernier, Annie-Claude a appris qu’il avait progressé jusqu’à l’autre hanche et dans son fémur droit. 

«Là, je n’avais plus d’espoir, dit-elle. J’ai pensé aux soins palliatifs.» 

Elle a quand même essayé d’autres options, comme l’immunothérapie. Mais ce traitement a failli la tuer. 

Au fil du temps, elle a développé des allergies à 18 médicaments, dont la morphine. 

New York

En dépit du cancer qui ravage son bassin, Annie-Claude monte toujours son cheval à l’écurie. Elle le fait par amour pour son animal, même si cela implique qu’elle se mette au repos total le lendemain, tant la douleur dans les hanches est intense dans les heures qui suivent. 

La jeune femme a encore de beaux jours à vivre. Elle entend en profiter au maximum pour passer du temps avec ses proches. Elle rêve également d’une virée magasinage à New York avec son grand-frère. Elle n’a jamais vu cette ville. 

«Je voudrais tout visiter», dit-elle. 

Écrits mère-fille 

Annie-Claude Mondor
Annie-Claude avec sa mère, Nancy Ferland. photo courtoisie Photo courtoisie

Voici quelques extraits des écrits d’Annie-Claude Mondor et de Nancy Ferland, sa mère: 

«Dans la soirée, elle commençait à perdre ses cheveux. Mon cœur de mère voulait prendre sa maladie à sa place.»

– Nancy Ferland

«Ma mère suit de près mes traitements, même si je ne suis pas toujours fine avec elle. Elle le sait que ce n’est pas de ma faute, la chimio est dure sur le corps. Quand elle a besoin de se vider la tête, elle dessine. Elle fait des mandalas avec mes couleurs préférées et les accroche sur mon mur pour faire de la couleur dans ma chambre, parce que les murs blancs, à la longue, c’est terne.»

– Annie-Claude Mondor

«Alexandre avait peur de sa sœur. Il disait: “C’est pas ma sœur. Elle n’a pas de cheveux.” À force de la faire rire, il a bien vu que c’était elle. Il l’a serrée fort dans ses bras.»

– Nancy Ferland







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