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Le nouveau conte de Luis Sepúlveda

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LUIS SEPULVEDA
Photo courtoisie

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Dans ce livre, le grand auteur chilien Luis Sepúlveda reprend l’histoire de Moby Dick... mais du point de vue du cachalot. Ce qui nous invitera surtout à réfléchir.

Lorsqu’on pense à l’écrivain chilien Luis Sepúlveda, impossible de ne pas aussi penser au Vieux qui lisait des romans d’amour. Un tout petit roman publié en 1992 qui s’est taillé une énorme place sur la scène littéraire avec ses millions d’exemplaires vendus dans le monde. Depuis, Luis Sepúlveda a écrit bien d’autres livres, dont plusieurs contes. « En fait, j’écris un peu tout, explique l’auteur, qui vit maintenant à Gijón, dans le nord de l’Espagne. Des romans, des contes, des scénarios, des pièces de théâtre... J’écris parce que l’écriture me donne des réponses à beaucoup de choses que j’observe dans la vie. »

C’est d’ailleurs comme ça que les grandes lignes d’Histoire d’une baleine blanche, son tout nouveau conte, ont commencé à se tracer dans son esprit. « Il y a eu deux déclencheurs, ajoute Luis Sepúlveda. Le premier, je me suis toujours demandé pourquoi Herman Melville, quand il a écrit Moby Dick, ne s’était jamais penché sur les raisons qui avaient bien pu pousser un cachalot à attaquer un bateau de chasse à la baleine. Le second, c’est précisément ce que je raconte au tout début du livre. Un jour, tout près de chez moi, en Patagonie, une baleine morte s’est échouée sur la plage et tout le monde, pêcheurs et habitants de la région, était très triste. Mais la profonde tristesse d’un garçon lafkenche m’a particulièrement touché et voilà, cette histoire était née ! »

Légitime défense

Durant l’été austral de l’année 2014, aux environs de Puerto Montt, une ville portuaire du Chili, le corps d’un cachalot d’une quinzaine de mètres de long a été rejeté sur les galets. Et comme Luis Sepúlveda vient de le souligner, la peine immense d’un jeune garçon appartenant au peuple lafkenche (qui signifie « gens de la mer ») ne manquera pas de frapper le cœur d’un homme de passage dans le coin. Une peine immense dont il découvrira bientôt l’origine grâce à une coquille de loco : collée contre son oreille, elle lui permettra d’entendre tout ce que la baleine qui gît à ses pieds a encore à dire.

« Quand j’ai commencé à écrire ce livre, la chose la plus difficile a été de trouver la voix du narrateur, de savoir qui allait raconter l’histoire, ajoute Luis Sepúlveda. Puis, après plusieurs tentatives, j’ai fini par décider que ça allait être la baleine elle-même. »

Une grande baleine couleur de lune qui, pour respecter le pacte jadis conclu avec les lafkenche, acceptera de veiller sur les quatre très vieilles femmes baleines qui transportent leurs morts jusqu’à l’île sacrée de Mocha. Le hic ? Depuis quelque temps, on peut voir de plus en plus de chasseurs de baleine sillonner les mers. Non pas pour se nourrir, mais pour se procurer le maximum d’huile de baleine, qui permet d’éclairer rues et maisons. Ce qui devait arriver finira donc par arriver : un jour, la grande baleine devra tenir tête aux baleiniers afin de protéger les quatre très vieilles femmes baleines.

C’est assez, la baleine !

« J’ai une relation très spéciale avec les baleines, précise Luis Sepúlveda. Dans les années 1980, en tant que militant de Greenpeace, j’ai participé à plusieurs actions pour arrêter la chasse aux baleines et pour étudier leurs migrations, leurs mouvements à travers les océans. J’ai côtoyé les baleines de Basse-Californie et celles des mers australes. Je les ai aussi regardées dans les yeux, et il y a un grand mystère dans ces yeux. »

Pour les baleiniers d’Histoire d’une baleine blanche, le grand mystère sera cependant tout autre : comment une simple baleine peut-elle se montrer aussi rusée et, chaque fois qu’ils s’aventurent dans le détroit dont elle est la gardienne, réussir à leur pourrir autant la vie ? Une récompense sera ainsi offerte à l’équipage qui parviendra à la tuer, et oui, Mocha Dick entrera vite dans la légende.

« Je tenais à indiquer les motivations de la baleine, dire ce que Melville n’avait pas jugé bon de dire, conclut Luis Sepúlveda. J’écris sans prétention de succès ni de prestige pour ce que je fais. À mes yeux, l’important est de raconter une bonne histoire et de bien la raconter. C’est mon secret, et mes lecteurs le savent. »

<b><i>Histoire d’une baleine blanche</i></b><br>
Luis Sepúlveda, aux Éditions Métailié, 116 pages
Photo courtoisie
Histoire d’une baleine blanche
Luis Sepúlveda, aux Éditions Métailié, 116 pages

 

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