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Ménopause: attention aux illusions que procure le pèse-personne

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Je l’ai souvent répété : le poids santé ou l’indice de masse corporelle(1) a ses limites, car il n’évalue pas de façon adéquate la répartition corporelle de la graisse. Ainsi, même chez des individus de poids normal, une accumulation importante de graisse abdominale, particulièrement à l’intérieur de la cavité abdominale (obésité viscérale), augmente le risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires. 

Il semble, par ailleurs, que la graisse située dans les fesses et les cuisses protège la femme contre ces mêmes problèmes de santé jusqu’à la ménopause. Que se passe-t-il à la ménopause ? Durant cette période, il n’est pas rare pour la femme de voir son tour de taille augmenter, ce qui est la conséquence de la chute des hormones féminines (oestrogènes) qui la protégeaient jusque là contre l’accumulation de la fameuse graisse abdominale viscérale si dangereuse pour la santé. 

De la bonne graisse corporelle

Au-delà de l’attention que nous devons porter aux changements dans notre tour de taille plutôt que dans notre poids, nous avions suggéré, il y a maintenant presque 30 ans, que chez la femme, la graisse située dans les cuisses était associée à des taux élevés de bons transporteurs de cholestérol (le HDL-cholestérol), suggérant ainsi que le tissu adipeux situé dans les membres inférieurs était de la bonne graisse corporelle.

Ce phénomène a été pendant longtemps controversé, mais plusieurs travaux récents ont confirmé que nous avions raison. Ainsi, dans une analyse de la Dallas Heart Study réalisée chez près de 1000 personnes avec de l’obésité (IMC ≥ 30 kg/m2), il a été démontré qu’alors que l’adiposité viscérale augmentait le risque de maladies cardiovasculaires, la graisse des fesses et des cuisses en diminuait le risque(2). La question se pose donc : chez les femmes ménopausées, qu’arrive-t-il au risque de maladies cardiaques avec la chute des oestrogènes et les changements dans la distribution de la graisse corporelle qui y sont associés ? Est-ce que la femme ménopausée qui maintient un poids santé demeure protégée contre les changements de répartition de graisse qui surviennent durant cette période ? 

Une étude américaine majeure, la Women Health Initiative, apporte un éclairage important sur cette question(3). Dans cette étude, les chercheurs ont suivi pendant près de 18 ans un sous-groupe de 2683 femmes ménopausées (âgées de 50 à 79 ans) qui avaient toutes un prétendu poids santé (avec des valeurs d’IMC entre 18,5 à 25 kg/m2) et qui avaient eu une mesure précise de la quantité et de la distribution de leur graisse corporelle par absorptiométrie biphotonique à rayons X (ou DXA). 

Durant la période de suivi, 291 événements cardiovasculaires ont été observés. Malgré le fait que toutes ces femmes avaient un poids santé, les résultats sont sans équivoque : plus les femmes avaient une accumulation importante de graisse au tronc, plus leur risque de maladies cardiovasculaires augmentait. À l’opposé, plus elles avaient de la graisse localisée dans les membres inférieurs, plus leur risque était faible. La combinaison la plus dangereuse était donc d’avoir une accumulation importante de graisse au tronc et peu de graisse dans les jambes. 

Un mode de vie sain

Nous pouvons souvent observer chez certaines femmes des tours de taille qui ont augmenté alors qu’elles sont pourtant toutes menues et qu’elles ont peu de graisse dans les jambes. Dans cette situation, il est évident que le poids santé est une illusion. 

Quoi faire alors ? Bouger, bouger, bouger ! Toutefois, si votre surplus de graisse se situe dans les fesses et dans les jambes, mangez bien, demeurez active et arrêtez de vous en faire. Cette graisse protège votre cœur, votre foie et vos muscles contre une accumulation de gras toxique appelé graisse ectopique. 

Par contre, si vous faites partie de ces femmes qui ont des jambes bien fines et dont le tour de taille augmente avec les années, il faut mesurer régulièrement ce dernier et s’assurer qu’il n’augmente pas de façon continue. Pour ce faire, un peu moins de produits alimentaires transformés contenant du sucre ajouté (omniprésents dans notre alimentation) et une bonne marche quotidienne vigoureuse s’avèrent des comportements qui vont vous aider à combattre cette mauvaise distribution de la graisse corporelle, en partie attribuable à notre génétique. 

En effet, même si les travaux des chercheurs de l’Université Laval ont montré que la répartition de la graisse corporelle a une composante génétique, nous avons également rapporté qu’on peut faire fondre la graisse viscérale par l’adoption d’un mode de vie sain. Alors, mesdames, à la ménopause, méfiez-vous du pèse-personne, car il peut vous induire en erreur !

1. L’indice de masse corporelle [IMC] se définit par le rapport du poids en kg divisé par la taille en mètre élevée au carré et exprimé en kg/m2.

2. Neeland IJ et coll. Body fat distribution and incident cardiovascular disease in obese adults. J. Am. Coll. Cardiol. 2015; 65: 2150-2151.

3. Chen GC et coll. Association between regional body fat and cardiovascular disease risk among postmenopausal women with normal body mass index. Eur. Heart J.2019; 40: 2849-2855. 

* Jean-Pierre Després est professeur au Département de kinésiologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval. Il est également directeur scientifique du Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l’Université Laval, CIUSSS-Capitale-Nationale, et directeur de la science et de l’innovation de l’Alliance santé Québec.

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