L’Alberta appelle les Québécois en renfort
Son PM juge que le Québec doit faire sa part pour aider l’économie de sa province
Face aux difficultés économiques que traverse sa province depuis près de cinq ans, le premier ministre de l’Alberta Jason Kenney se tourne vers un partenaire économique inattendu : le Québec.
Le chef conservateur de l’Alberta a effectué une visite éclair de la métropole, hier. Officiellement pour rencontrer des gens d’affaires prêts à investir dans la province pétrolière. Dans les faits, une bonne partie de la journée a été consacrée à un blitz d’entrevues médiatiques.
- ÉCOUTEZ Alain Rayes, le député de Richmond-Arthabaska et lieutenant politique pour le Québec pour le Parti conservateur du Canada à QUB radio:
Son message : tous les Canadiens bénéficient du secteur énergétique albertain. Et quand celui-ci va mal, c'est donc tout le monde, même les Québécois, qui devrait l'épauler.
« Le Québec reçoit 13 milliards $ en paiements de péréquation, qui provient largement de paiements de l’industrie énergétique en Alberta », plaide Jason Kenney, en entrevue au Journal.
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« L’Alberta contribue à 20 milliards par an en contributions nettes [...]. On est ici parce qu’on veut expliquer que le Québec profite de l’industrie énergétique en Alberta. On doit être partenaires et s’appuyer mutuellement quand les choses vont mal. »
Période noire pour l’or noir
Les dernières années ont été difficiles pour l’Alberta, son portefeuille... et son ego, reconnaît le premier ministre. Le projet Énergie-Est a été mis sur la glace, la restriction de la production albertaine se poursuit, tout comme la réticence des investisseurs à financer de nouveaux projets d’exploration ou de production. « Ça fait cinq ans qu’on est dans une situation de stagnation économique et de déclin. Notre économie n’a pas [récupéré]. Notre PIB a diminué depuis 2015 », dit-il.
Pendant ce temps, le Québec est parvenu à l’équilibre budgétaire et nage maintenant dans les surplus. L’ironie de la situation n’échappe pas à M. Kenney. Celui qui a été élu à la tête de l'Alberta en avril dit être « heureux » de la croissance économique que connaît actuellement le Québec.
« Maintenant, tout ce qu’on demande, c’est que les autres provinces, [comme] le Québec qui a eu 13 milliards de péréquation, nous aident à développer nos ressources de façon responsable. »
Il dit être pleinement conscient que dans la province la plus « verte » du pays, son message risque de mal passer. Mais les Québécois sont de grands utilisateurs de pétrole, rappelle-t-il. Pas moins de 78 % des travailleurs utilisaient leur véhicule pour se rendre à leur lieu de travail en 2016, selon l’Institut de la statistique du Québec. Du lot, seulement 10 % font du covoiturage. À peine 21 % des Québécois utilisent le transport en commun, la marche ou le vélo.
« C’est peut-être pas à la mode de le dire, mais les Québécois consomment 50 000 barils de pétrole par jour. Quarante pour cent de ça vient de l’Alberta, 60 % de l’étranger. J’aimerais remplacer ça par de l’énergie canadienne. »
La grande séduction
Le Journal s’est entretenu hier avec le premier ministre albertain Jason Kenney.
Qu’est-ce qui vous amène au Québec ?
Je suis ici pour expliquer que l’économie albertaine est ouverte. J’ai rencontré des entreprises établies à Montréal pour leur dire qu’on réduit les impôts et le fardeau réglementaire pour les encourager à investir chez nous. Mais je suis aussi ici pour tendre la main au Québec, pour renouveler notre relation historique. C’est quelque chose que j’ai dit le soir de mon élection : on a toujours été partenaires contre l’ingérence fédérale, et de grands défenseurs du rôle des provinces face à Ottawa.
Comment se porte cette relation ? On a parfois l’impression que le Québec et l’Alberta ont une relation amour-haine.
J’aimerais que ce soit une relation « amour-amour ». Les Albertains ne font pas de Québec-bashing, généralement. Des dizaines de milliers de Québécois ont contribué au développement économique de l’Alberta en venant travailler chez nous dans l’industrie pétrolière. [Mais] c’est sûr que les Albertains sont fâchés envers certains politiciens québécois qui sont contre l’oléoduc.
François Legault a déjà qualifié le sable bitumineux de « pétrole sale ».
Oui, et c’était une erreur de sa part. La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’oléoduc sur la table en ce moment. C’est une question théorique. On se concentre sur les questions concrètes.
Vous êtes donc prêt à passer l’éponge ?
Oui. La relation est importante. Je vais être ici beaucoup plus souvent que mes prédécesseurs. On va ouvrir un bureau à plein temps à Montréal au printemps. Pour moi, cette relation est très importante. Le gouvernement fédéral ne respecte pas les provinces. En Alberta, notre plus grand allié est le Québec à cet égard.