Cauchemar en vacances: des voyageurs du Québec mal assurés reviennent endettés
Bien des gens rentrent de vacances malades ou blessés avec des dizaines de milliers de dollars en frais médicaux
Si les vacances riment avec détente et repos, de nombreux touristes québécois qui ont négligé leur assurance voyage reviennent à la maison stressés et endettés par des factures salées de frais médicaux.
« Même si je liquidais tout ce que je possède, je ne paierais pas la moitié de la facture [...]. Je ne sais même pas ce qu’on va faire exactement », laisse tomber avec découragement Ben Kobuke.
Se croyant assuré, son père est récemment revenu d’Hawaï avec une facture de plus de 700 000 $ US ( 940 000 $ CAD) à la suite d’un grave accident.
« Je vais mourir en payant des dettes. C’est un drame que je ne souhaite à personne, surtout quand on pense qu’on est bien assurés », regrette Dany Girard, qui doit payer 91 000 $ de frais médicaux après un voyage qui a mal viré, alors que son mari est tombé malade.
Ils sont loin d’être seuls à vivre de tels cauchemars. Si des Québécois voyagent sans assurance, d’autres quittent la province mal informés de leur contrat et surtout, mal couverts.
« C’est l’une des grosses erreurs que les gens font », résume Will McAleer, directeur général de l’Association canadienne de l’assurance voyage.
Pourtant, autant à l’étranger qu’ailleurs au Canada, les soins médicaux coûtent cher et les factures montent vite. En voici deux exemples :
- Une crise cardiaque coûte plus de 25 000 $ CAD pour trois jours d’hospitalisation en Floride
- En Ontario, une jambe cassée entraîne 500 $ de frais.
Pris au dépourvu, des voyageurs se tournent en masse vers le sociofinancement pour demander des dons afin de payer leurs factures salées.
Car, selon l’Association canadienne des snowbirds, il n’est pas rare d’entendre des histoires de Québécois qui ont des factures de frais de santé qui atteignent 300 000 $, après un séjour au soleil.
En général, les gens qui choisissent de ne pas s’assurer le font pour épargner ou par ignorance, selon plusieurs spécialistes dans le domaine.
Des voyageurs croient aussi à tort qu’ils sont couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec lorsqu’ils sont à l’étranger.
« Les gens sont un peu insouciants. Quand ils voient les fameuses histoires d’horreur, ç’a beau leur faire peur, on dirait que ce n’est pas encore assez. Ils ne sont pas assez conscientisés », dit Tanya Brown-Dubé, directrice du service à la clientèle chez Voyages Bergeron.
Fait inquiétant : près d’un jeune de 18 à 24 ans sur quatre ne prend aucune assurance voyage, selon un sondage de CAA-Québec en 2019.
« Les jeunes [se croient] invincibles. Mais ils ne s’en vont pas faire du tricot à Whistler [dans les Rocheuses] ou attendre la plus petite vague en surf », dit Suzanne Michaud, vice-présidente assurance chez CAA-Québec.
Même les touristes qui s’assurent peuvent avoir de mauvaises surprises.
Exclusions
Le Journal a décortiqué plusieurs contrats d’assurance voyage, un exercice fastidieux qui démontre que les exclusions sont nombreuses et variées.
Un exemple ? Aucune réclamation n’est possible si la personne blessée est intoxiquée par l’alcool ou la drogue. Plusieurs sports extrêmes sont aussi exclus.
Malgré cela, l’industrie assure que la très grande majorité des réclamations sont remboursées. Entre 2013 et 2018, les montants remboursés ont augmenté de 33 % (de 135 à 180 millions $) au Québec, selon l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.
« Les gens doivent bien s’informer, lire, appeler et s’assurer qu’ils sont bien couverts », plaide Lyne Duhaime, la présidente pour le Québec.
« Ne magasinez pas seulement un prix. Assurez-vous que vos besoins sont comblés, et ensuite, trouvez le meilleur prix », renchérit M. McAleer.
Recours
Lorsqu’un voyageur blessé ou malade fait une réclamation, son assureur mènera une enquête exhaustive. Des consommateurs ont dû se rendre devant les tribunaux après un refus de remboursement. Certains ont gagné leur bataille, d’autres pas.
À l’Ombudsman des assurances de personnes, qui reçoit les doléances de consommateurs mécontents, l’assurance voyage a compté pour un peu plus de 8 % des plaintes canadiennes et environ 14 % des enquêtes menées l’an dernier. Ces investigations portent surtout sur l’application des exclusions.
– Avec Diane Tremblay, Le Journal de Québec
► Vous avez vécu une situation compliquée avec votre assurance voyage ? Contactez Le Journal à : jdm-scoop@quebecormedia.com
Des aînés négligents pour économiser
Malgré leur âge avancé, beaucoup d’aînés négligent leur assurance voyage pour économiser des sous. Un pari très risqué qui peut coûter des dizaines de milliers de dollars.
« Il y a bien du monde qui ne s’assure pas, y’en a pas mal », déplore James Leroux, directeur pour le Québec de l’Association canadienne des snowbirds.
« Les gens font ça pour sauver de l’argent. [...] C’est de la négligence, absolument », ajoute celui qui donne des conférences sur l’importance d’être bien couverts avant de partir en Floride pour l’hiver.
Plus dispendieux avec l’âge
Évidemment, l’assurance voyage coûte plus cher lorsqu’on vieillit. Selon la condition de santé, la facture peut atteindre entre 3000 et 7000 $ pour six mois, estiment des associations interrogées par Le Journal.
« C’est clair que ça coûte cher », note Mme Michaud, vice-présidente en assurance chez CAA-Québec.
Ainsi, beaucoup de personnes âgées choisissent de ne pas s’assurer, constate M. Leroux, qui n’a toutefois pas de statistiques à ce sujet.
« Ils disent : “Cette année je ne m’assure pas. S’il arrive quelque chose, j’embarquerai sur un avion.” Si tu fais une crise cardiaque, tu fais quoi ? », demande-t-il.
Selon lui, des voyageurs cachent aussi des problèmes de santé pour débourser moins.
« Constamment, les gens cherchent du cheap insurance. Ça n’existe pas », jure-t-il.
Chaque hiver, environ 850 000 Québécois migrent vers la Floride, selon l’Association des snowbirds. Aux États-Unis, les frais de santé sont parmi les plus onéreux au monde.
« Un accident »
Chez CAA-Québec, la majorité des réclamations sont faites par les gens de plus de 60 ans. En 2019, la réclamation moyenne des 60-79 ans était de 5000 $.
Par ailleurs, les aînés doivent faire preuve de vigilance en vieillissant, puisque les protections diminuent avec l’âge.
Or, les compagnies n’avertissent pas automatiquement le client lors d’une modification à la police d’assurance.
L’importance de la transparence
Mieux vaut dire la vérité sur son état de santé au moment de prendre une assurance voyage, car les assureurs ne remboursent personne à l’aveugle, préviennent-ils.
« Est-ce que les [compagnies d’assurances] vont faire des vérifications ? Oui ! Elles parlent avec les médecins qui vous soignent », lance le directeur général de l’Association canadienne de l’assurance voyage, Will McAleer.
« Ça ne donne rien de cacher quoi que ce soit », renchérit Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).
« Les gens ont l’impression que parce que l’assureur a accepté la prime, c’est réglé. Mais quand il va y avoir une réclamation, l’assureur va vérifier que les déclarations qui ont été faites étaient exactes », poursuit-elle.
Mauvaises surprises
Ainsi, les gens qui omettent de déclarer des problèmes de santé ou font d’autres fausses déclarations pour économiser risquent de rencontrer des mauvaises surprises en cas de réclamations.
Des témoignages recueillis par Le Journal montrent bien l’étendue des enquêtes menées par les assureurs pour valider une demande de remboursement, allant jusqu’à retrouver un médecin dans la forêt camerounaise, en Afrique.
Divers jugements se rendant devant les tribunaux prouvent aussi que les compagnies d’assurance font des recherches approfondies dans les dossiers médicaux des demandeurs pour vérifier qu’un ennui de santé en voyage n’avait jamais fait l’objet d’une consultation ou examen auparavant.
« La majorité des gens qui font une réclamation sont payés. Mais, il faut que la réclamation soit recevable. Si t’as conté un mensonge gros comme le bras [...], c’est non recevable », dit Mme Michaud, de chez CAA-Québec.
Des polices bien trop complexes
Les volumineux contrats d’assurance voyage rédigés en termes complexes ont souvent eu raison des consommateurs qui n’arrivaient plus à s’y retrouver, mais l’industrie promet qu’elle corrige le tir.
« Nous avons beaucoup travaillé pour uniformiser la terminologie, simplifier le langage pour que ce soit plus facilement compréhensible », affirme Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP).
En 2016, le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance dénonçait d’ailleurs à Ottawa que les contrats étaient trop souvent illisibles, avec un langage portant à confusion et des mots qui ne voulaient pas dire la même chose d’une compagnie à l’autre.
Pour l’assurance automobile par exemple, le formulaire est uniformisé. Le « mot à mot » est le même. Ce qui n’est pas le cas en assurance voyage.
« Ce n’est pas rédigé dans un langage très, très clair. », convient Suzanne Michaud, vice-présidente assurance chez CAA-Québec.
Moins de pages
L’Autorité des marchés financiers (AMF), qui régule l’industrie, rappelle que d’ici juin 2020, un règlement obligera les assureurs à offrir un « sommaire » aux consommateurs.
Il y a cinq ans, 65 % des documents d’information d’assurance voyage comptaient plus de 30 pages. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, selon l’AMF.
Le porte-parole Sylvain Théberge rapporte que des sommaires de 14 pages remplacent des briques de 90 pages.
Pour sa part, l’AMF reçoit en moyenne une vingtaine de plaintes par an en matière d’assurance voyage.
Une famille croule sous les factures
Ses frais médicaux de 6500$ refusés
Endettée pour le reste de sa vie